Nous ne sommes pas encore au bout de nos peines. L’attaque sanglante du Hamas et le carnage commis en riposte par Israël dans la bande de Gaza vont avoir des conséquences sur toute la région pendant encore des mois, et probablement même des années. Le visage que celle-ci prendra à l’issue de cette tragédie sans fin tarde à se dessiner. Jusqu’où Israël est-il prêt à aller pour prouver au monde entier, et avant tout se prouver à lui-même, que le 7 octobre n’était qu’un « accident de l’histoire » ? Que restera-t-il de Gaza quand les canons s’arrêteront enfin ? Quelles conséquences cette guerre aura-t-elle sur les équilibres régionaux, sur les rapports qu’Israël entretient avec le reste du monde et avec les pays arabes en particulier, ou encore sur le projet iranien au Moyen-Orient ? Au 65e jour de la guerre, une seule évidence se dégage : l’après-7 octobre sera pire que l’avant. L’idée que l’on puisse rebâtir un ordre local, régional et même international après cela est une utopie à laquelle personne ne croit réellement.
Le Liban n’est pas en reste. Le 7 octobre a bouleversé la relative stabilité qui régissait les rapports entre le Hezbollah et Israël à la frontière sud tout comme il a sérieusement remis en question la trajectoire politique que le parti avait prise depuis sa dernière confrontation avec l’État hébreu à l’été 2006. Le Hezbollah avait fait depuis le choix de se concentrer sur le renforcement de son assise locale et sur son influence dans le monde arabe au détriment de la « résistance », cantonnée au fil des ans à un pur exercice de rhétorique. Le parti chiite a-t-il été contraint par le Hamas à sortir de sa « zone de confort » ou a-t-il considéré que c’était le moment de raviver la flamme de la « résistance » ? A-t-il été surpris, comme il le prétend, par l’opération Déluge d’al-Aqsa, ou bien a-t-il été pris de court, et avec lui son parrain iranien, par la réaction israélo-américaine ?
La stratégie du Hezbollah repose en tout cas sur un équilibre extrêmement fragile depuis le 8 octobre : il s’agit de faire la guerre sans la faire complètement et sans que le Liban ait à en payer un prix trop élevé. La formation pro-iranienne ne veut pas d’une confrontation totale contre Israël et encore moins contre les États-Unis et a fait preuve d’une certaine retenue depuis le début des hostilités. Malgré des pertes importantes (plus de 100) dans ses rangs, cette approche s’est pour le moment révélée payante pour le parti, le renforçant sur les scènes locale et régionale.
Ses calculs sont toutefois perturbés par ceux de la partie adverse, beaucoup plus déterminée à changer le statu quo à la frontière.
Ce qui se disait dans les coulisses depuis des semaines a ainsi été officialisé mercredi dernier par le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant. Israël « éloignera le Hezbollah au-delà du Litani, soit par le biais d’un règlement politique international, soit à travers une action militaire », a-t-il prévenu.
Washington semble avoir convaincu son allié de laisser une chance à la diplomatie. Aussi surprenant que cela puisse paraître, le Hezbollah ne ferme pas complètement la porte à cette option qui impliquerait qu’il respecte la résolution 1701 en retirant ses combattants, en particulier la force d’élite al-Radwan, au nord du Litani. En échange, le parti chiite réclamerait toutefois qu’Israël respecte lui aussi la résolution de l’ONU en se retirant de tous les territoires libanais au Liban-Sud, ce qui ouvrirait la voie à un règlement du litige frontalier entre les deux pays.
Le Hezbollah ne veut pas d’une guerre qui pourrait transformer le Liban en un nouveau Gaza –les images de destruction qui nous parviennent ce week-end du Liban-Sud nous donnent un aperçu de ce à quoi une guerre totale ressemblerait –, et encore moins risquer de fragiliser tout ce qu’il a obtenu sur la scène libanaise dans un conflit qu’il ne peut pas gagner. Mais il ne peut pas non plus donner le sentiment de reculer, de faire une concession à l’ennemi alors que celui-ci est en train de réduire Gaza en cendres et de défaire son allié palestinien. Un accord diplomatique, qui impliquerait au fond que le Hezbollah accepte de remettre « la résistance » – sa raison d’être – au placard, suppose que le parti puisse le vendre comme une victoire et non comme un échec.
Le Hezbollah semble vouloir miser sur le temps et sur un revers israélien à Gaza pour ne pas avoir à faire ce choix impossible. Mais si Israël parvient à détruire militairement le Hamas dans l’enclave palestinienne, le Liban deviendra sa prochaine cible et Hassan Nasrallah n’aura plus d’autre choix que de trancher : reculer, en position de faiblesse, ou assumer le risque d’une guerre totale. On le répète : nous ne sommes pas au bout de nos peines.
commentaires (21)
Nasrallah DOIT se retirer au dela du Litani ou Israel attaquera le Liban bien incapable de se defendre dans la situation economique ou il se trouve et en plus n'accepte plus de payer pour la cause palestinienne car 1975 et 2006 sont dans toutes les memoires. l'accord tacite HB/Israel a deja coute plus de 100 morts a HB et malheureusemnen aussi a nos extraordinaires journalistes qui ont risque leur vie pour nous renseigner LA VERITE:AUCUN ETAT ARABE AUJOURDHUI AIDE GAZA SAUF LE YEMEN LARGEMENT PAYE. LE LIBAN N'A AUCUNE RAISON DE PRENDRE CE RISQUE DANS L'ETAT OU IL EST AUJOURDHUI
LA VERITE
01 h 52, le 13 décembre 2023