Le personnage était respecté et porté aux nues par ceux qui voyaient en lui un Talleyrand des temps modernes. Henry Kissinger, qui vient de décéder à l’âge de cent ans, aura pourtant été un mauvais génie, responsable de plusieurs désastres aux quatre coins de la planète. Dans un livre intitulé Les Crimes de monsieur Kissinger, Christopher Hitchens a démontré que le secrétaire d’État a cyniquement organisé les bombardements de civils au Laos et au Cambodge – qui ont fait plus de 100 000 morts et déstabilisé le pays au point de permettre l’ascension du régime des Khmers rouges de Pol Pot qui a massacré entre 1,5 et 2 millions de personnes –, s’est débarrassé du général chilien Schneider pour tenter de barrer la route à Allende, a soutenu le coup d’État de Pinochet dont la dictature a causé des milliers de victimes, ruiné l’expérience d’un régime démocratique au Bangladesh, et encouragé en 1974 le coup d’État des colonels grecs à Chypre, puis l’invasion turque d’un tiers de l’île accompagnée d’importants déplacements de population, sans compter la conduite d’opérations de déstabilisation lors de la guerre civile en Angola, son soutien au président indonésien Suharto dont l’invasion du Timor Oriental a entraîné 200 000 morts en 1975, et son plan diabolique visant à déporter les chrétiens du Liban pour implanter les réfugiés palestiniens à leur place, assorti d’un aval à une intervention militaire syrienne au Liban à partir de juin 1976…
Les ouvrages écrits par cet ancien professeur à Harvard et son controversé prix Nobel de la paix (un comble !) ne suffiront pas à redorer son blason. Dans son essai Diplomatie, « Super-K » affirmait que « l’histoire jugera l’homme d’État sur la perspicacité avec laquelle il aura géré le changement inévitable et, surtout, réussi à préserver la paix ». Au vu des nombreux conflits sanglants qu’il a provoqués, il y a fort à parier que le verdict de l’histoire sera impitoyable à son égard.
""...le plan diabolique...." , c’est cette baguette magique qui a fait dresser les Libanais, toutes confessions confondues, à se faire la guerre, et à transformer le pays en un ""archipel confessionnel"". D’où la ""Libanisation"", un terme qui nous poursuivra après notre mort. La réussite totale, et la haine aidant, c’est de s’entretuer, pour qu’un jour on nous parle de ""vivre ensemble""…
17 h 39, le 10 décembre 2023