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Économie - Finances publiques

Où en est l’examen du projet de budget libanais pour 2024 ?

La société civile demande à l’exécutif de réviser ses projections en tenant compte de l’impact de la guerre entre le Hamas et Israël.

Où en est l’examen du projet de budget libanais pour 2024 ?

Place de l'Étoile à Beyrouth, où se trouve le siège du Parlement. Photo P.H.B.

La commission parlementaire des Finances et du Budget espère achever dès la semaine prochaine l’examen des plus de 130 articles du projet de loi de finances pour 2024, dans un Liban en crise depuis quatre ans et pris dans l'onde de choc déclenchée le 7 octobre par la guerre entre le Hamas et Israël.

S'il est adopté, le texte organisera les dépenses publiques et modifiera les impôts, ainsi que les taxes pour l’année à venir. Il rassemble en outre les dispositions de deux projets de budget approuvés par le gouvernement cette année, à savoir celui de 2023 – dont le processus d’adoption est en retard de plusieurs mois – et celui de 2024, qui a été envoyé dans les temps au Parlement.

« Nous prévoyons de nous pencher lundi sur les dispositions relatives aux « frais de consommation » que le gouvernement veut imposer sur certains produits (dont le tabac et l'alcool), avant de finir de passer en revue le reste des articles, a indiqué à L’Orient-Le Jour le président de la commission, le député Ibrahim Kanaan du Courant patriotique libre (CPL, aouniste). Il a précisé que les députés n’ont pas suivi l’ordre de la version transmise par le gouvernement sortant, préférant réorganiser le contenu au fil de séances qui ont démarré en octobre.

« Une fois cette étape franchie, la commission se concentrera ensuite sur les budgets de chacune des institutions, avec l’objectif de terminer l’examen avant la fin des délais constitutionnels, soit fin janvier prochain dans le cas le plus extrême », a ajouté M. Kanaan. Passé ce délai, en l’absence de vote définitif du Parlement sur le projet, le gouvernement pourra approuver le budget par décret, à certaines autres conditions.

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La TVA reste à 11 %

Au fil de leur examen, les députés ont notamment rejeté l’article prévoyant de permettre à l’administration fiscale de calculer les salaires imposables, c'est-à-dire les montants qui servent de base au calcul de l’impôt en utilisant le taux de la plateforme Sayrafa. « Nous avons demandé à ce qu’il soit revu, et il est possible que la nouvelle version de l’article prévoie de laisser la décision au ministère des Finances et à la Banque du Liban », a déclaré le député.

La mesure aurait contribué à augmenter drastiquement les impôts payés par les sociétés et les salaires, dans la mesure où, pour les salaires de 2022, la base imposable était calculée en employant le taux de 8 000 livres sur la période allant du 1er janvier au 14 novembre 2022, puis de 15 000 livres pour un dollar sur le mois et demi restant. Il s’agissait d’une décision prise par le ministère des Finances, usant d'une compétence déléguée par le Parlement dans le budget de 2022. Ce dernier texte avait d'ailleurs marqué le début du processus d’abandon de l’ancienne parité officielle de 1 507,5 livres pour un dollar et d’unification des taux de change qui se sont multipliés depuis le début de la crise socio-économique en 2019.

Le président de la commission a annoncé en outre que la TVA resterait à 11 %, alors que le gouvernement prévoyait de l’augmenter d’un point. « La commission a réalisé que beaucoup de hausses et d’ajustements d’impôts proposés par l’exécutif n’étaient pas nécessaires pour atteindre un budget équilibré si le taux de collecte était plus important. Aujourd’hui, seuls 20 à 30 % des contribuables payent ce qu’ils doivent à l’administration fiscale », a-t-il lancé.

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Problèmes constitutionnels

Il en faudra sans doute plus pour rassurer la société civile et le secteur privé, qui voient d’un très mauvais œil la possible adoption du budget de 2024, du moins dans sa forme actuelle. Dans un communiqué conjoint publié jeudi, l'Association libanaise pour les droits et l'information des contribuables (Aldic), les ONG Kulluna Irada et Legal Agenda, ainsi que le think thank The Policy Initiative (ou Siyasat al-Ghad) ont énuméré leurs nombreux griefs. L’avocat Karim Daher, membre de l’Aldic et président de la commission de défense des droits des déposants au barreau de Beyrouth, a également été mis à contribution.

Dans leur communiqué, ces organisations soupçonnent le gouvernement sortant d’avoir déposé le projet de budget dans les délais constitutionnels avec l’idée de se retrouver en position de le faire approuver par décret fin janvier. L'objectif serait de faire entrer en vigueur les nombreuses mesures fiscales sur lesquelles l'exécutif compte pour financer des dépenses estimées à 3,3 milliards de dollars, en tenant compte d’un taux de 89 000 LL pour un dollar.

Les quatre organisations critiquent aussi le fait que le projet n’introduit « aucune réforme pour résoudre les principaux problèmes qui limitent l’espace budgétaire », expression qui désigne la marge permettant au gouvernement de financer son action sans mettre en péril la viabilité de sa position financière ou la stabilité de l'économie du pays. La restructuration de la dette ou la réforme de la fonction publique ne sont en effet pas abordées dans le projet transmis à la commission.

Les auteurs du communiqué conjoint soulignent également que le projet de loi de finances se base sur des projections de recettes effectuées « en mai 2023 » et qui n’ont pas été modifiées à la lumière des amendements apportés par la commission des Finances, ni des possibles conséquences de l’impact du débordement de la guerre à Gaza au Liban-Sud. Ils enjoignent ainsi le gouvernement à mettre ses projections à jour.

Les signataires du communiqué soulignent enfin que le gouvernement a enfreint plusieurs articles de la Constitution en adoptant ce budget, dont l'article 65 qui impose au Conseil des ministres de faire approuver par au moins deux tiers de ses membres les décisions relatives aux « questions fondamentales », ou encore l’article 87, qui impose que le Parlement vote les lois de règlement pour clore les comptes budgétaires de l'année précédente avant le vote du budget suivant. L'exécutif viole aussi les articles 81 et 82 de la Constitution en confiant au ministère des Finances à plusieurs occasions le pouvoir de modifier des tranches d'imposition, alors que cette prérogative revient au Parlement.

La commission parlementaire des Finances et du Budget espère achever dès la semaine prochaine l’examen des plus de 130 articles du projet de loi de finances pour 2024, dans un Liban en crise depuis quatre ans et pris dans l'onde de choc déclenchée le 7 octobre par la guerre entre le Hamas et Israël. S'il est adopté, le texte organisera les dépenses publiques et modifiera les impôts,...

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