Alors que dans les coulisses internes, le scénario de nouveaux troubles populaires principalement dirigés contre le Hezbollah et son contrôle supposé de la décision de l’État libanais circule, la formation chiite se déclare, elle, plutôt satisfaite de l’évolution de la situation depuis le 8 octobre, date de son entrée dans le conflit armé avec Israël. Sans chercher à nier la possibilité de ce scénario, ni à minimiser sa portée, le Hezbollah considère qu’il a marqué des points importants sur le plan interne depuis le déclenchement du Déluge d’al-Aqsa.
Dans ses réunions internes d’évaluation, le Hezbollah a abouti à des conclusions rassurantes. D’abord, au niveau populaire, il constate une réelle sympathie des Libanais à l’égard des Palestiniens de Gaza face à la violence et aux exactions israéliennes contre eux. Certes, le Hezbollah estime que cet élan de solidarité pourrait s’évaporer dès le premier bombardement israélien à grande échelle. D’ailleurs, s’il a évité une extension de la confrontation au sud, c’est sans doute parce qu’il prenait en considération cette tendance populaire. Il a donc préféré avoir plus de combattants tués en limitant la superficie de la confrontation et en s’éloignant autant que possible des localités, plutôt que de risquer d’élargir le champ des affrontements. De plus, en agissant ainsi, il a démenti les accusations sur le fait qu’il peut entraîner le Liban dans une confrontation à grande échelle. Certes, des parties hostiles continuent à lancer ces accusations, mais en général, le sentiment populaire reste plutôt positif, selon le parti chiite.
Sur le plan politico-confessionnel, le Hezbollah estime que l’une des plus grandes réalisations du Déluge d’al-Aqsa est d’avoir ressoudé les musulmans dans leur diversité autour de la cause palestinienne. Le spectre de la discorde qui n’en finissait plus de peser sur les sunnites et les chiites semble pour le moment écarté aux yeux du parti, les deux camps faisant front commun pour soutenir les Palestiniens en grande majorité sunnites. Selon le Hezbollah, les Iraniens ont largement contribué à réduire le fossé entre les sunnites et les chiites lorsqu’ils ont décidé de faire de la Palestine leur principale cause politique, alors que les États arabes avaient mis un bémol au soutien qu’ils lui accordent. Les Iraniens ont même aidé le Hamas, lorsque cette organisation a failli être abandonnée de tous après sa participation à la guerre en Syrie aux côtés des groupes islamiques extrémistes mobilisés contre le régime de Bachar el-Assad. Aujourd’hui, au Liban, aucune partie sunnite n’est en train de critiquer le Hezbollah dans son action au sud, se félicite la formation. Plus même, le Hezbollah laisse une certaine marge de manœuvre aux groupes sunnites pour qu’ils puissent lancer des attaques contre Israël. En outre, le président du Conseil sunnite Nagib Mikati adopte localement ou internationalement des positions en harmonie avec celles du Hezbollah. On est loin de la guerre de juillet 2006, lorsque le président du Conseil de l’époque, Fouad Siniora, était entré en conflit ouvert avec le président Émile Lahoud parce qu’il avait soumis aux Nations unies un plan en 7 points dont certains n’étaient pas à l’avantage du Hezbollah, rappelle le parti chiite. Pour la première fois depuis des années, les dissensions entre sunnites et chiites semblent donc apaisées, et le Hezbollah est soulagé d’un grand poids et peut se concentrer sur les règles de la confrontation avec les Israéliens.
La même situation prévaut avec le camp druze dirigé par le leader Walid Joumblatt. Contrairement à la communauté sunnite au Liban, les druzes ont un leader très écouté, qui est en mesure d’influer sur les positions de ses partisans. Or, dans le conflit en cours, Walid Joumblatt a clairement pris position en faveur des Palestiniens. Ce qui veut dire que c’est un (grand) souci de moins pour le Hezbollah, d’autant que Joumblatt et ses partisans contrôlent une région particulièrement importante pour lui, à la limite du Sud et de la Békaa.
Restent les chrétiens qui sont, comme à leur habitude, divisés sur toutes les questions, qu’elles soient de forme ou de fond. Toutefois, depuis le 7 octobre, le CPL a adopté des positions claires en faveur des Palestiniens, que ce soit au niveau des chefs ou à celui de la base. Soudain, toutes les frictions qui avaient eu lieu au sujet du dossier présidentiel, depuis l’appui du Hezbollah au chef des Marada Sleiman Frangié, semblent mises en veilleuse. Aussi bien l’ancien chef d’État Michel Aoun que le chef du CPL Gebran Bassil ont déclaré à plusieurs reprises qu’ils ont confiance dans la sagesse du Hezbollah qui, selon eux, fera tout pour éviter un élargissement des combats au Liban, avant d’ajouter que si les Israéliens en venaient à attaquer le pays, ils feront front avec lui pour le défendre. Même Bkerké qui avait émis des réserves à un moment donné sur les positions du Hezbollah s’est récemment montré plus nuancé, notamment depuis la visite du vice-président du Conseil supérieur chiite cheikh Ali Khatib, remarque le Hezbollah. Les autres composantes chrétiennes de l’opposition, comme les Forces libanaises et le parti Kataëb, continuent certes d’évoquer le dossier des armes du Hezbollah et « la décision de la guerre ou de la paix ». Mais dans les circonstances actuelles, ils ne peuvent pas imposer des décisions qui seraient contre cette formation, selon cette dernière.Pour toutes ces raisons, le Hezbollah considère la situation interne comme étant en sa faveur. C’est pourquoi, sauf agression d’envergure de la part des Israéliens, il ne devrait pas chercher à sacrifier ce climat positif. Pourrait-il, par contre, consolider son avantage par le biais de l’élection présidentielle ? Les prochaines semaines devraient apporter la réponse.
Le seul éloge de cet article vient d’une cpl iste avisée
13 h 57, le 02 décembre 2023