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Lifestyle - Concert

B*tch, she's Madonna !

Avec son « Celebration Tour », la reine de la pop signe une mise en scène titanesque et intime, qu'elle offre à des fans en larmes. Dont on fait évidemment partie, malgré un impair que le Liban ne pardonne pas...

B*tch, she's Madonna !

Madonna s'adresse à ses fans, bière à la main, sur la scène de l'Accor Arena de Bercy à Paris, le 13 novembre 2023. Photo Raphaël Abdelnour

« On va réussir à la reconnaître avec le Botox ? », « Qu'elle fasse tout en play-back, ça vaudra mieux ! », « Sa prochaine tournée, ça sera le “Déambula-Tour”... ». Ceux qui parlent cash de Madonna, ce sont étonnamment ses fans.

Ce genre de blagues plus ou moins douteuses, on en a entendu une bonne centaine dans la queue, sous une pluie qui transformait les abords de l'Accor Arena de Paris en porcherie géante. Et pendant qu'on piétinait dans la gadoue de Bercy, les sons des répétitions s'élevaient sourdement. On croit deviner Vogue ou Hung Up. Elle répète, la Mother Queen, la « reine mère » de la musique pop.

Pour interpréter « Live to Tell », Madonna est suspendue en l'air, dans une nacelle. Des portraits de victimes du sida s'affichent autour d'elle. Photo Raphaël Abdelnour

« Je suis venu hier soir, je reviens aujourd'hui. Une fois en gradin pour bien voir le show, et cette fois-ci en fosse, pour danser ! » Clairement, Vincent ne regrette pas les quelque 500 euros qu'il a déboursés pour ses deux places. Barbe grisonnante, sac à dos en main et tee-shirt à l'effigie de son idole, ce quasi cinquantenaire revient voir celle qu'il avait pourtant juré de boycotter il y a quelques années. « J'avais réservé deux dates pour le Madame X Tour en 2020, elle les a annulées. Je m'étais énervé et l'avais traitée de tous les noms ! Mais comme toujours, je ne peux pas lui résister », reconnaît Vincent, même s'il ne compte pas se rendre aux deux autres dates prévues à Paris, les 19 et 20 novembre.


Sur la terre comme au ciel

Il faut dire que Madonna n'a pas fait dans la demi-mesure : un show démentiel à coups de millions de dollars de budget, avec décors tournants, écrans géants à gogo, danseurs et Drag queens en rafale. Pendant deux heures, la reine mère ne laisse pas un seul moment de répit à ses fans et prouve qu'à 65 ans, elle peut aligner plus de pompes et d'abdos que n'importe quel éphèbe. Ce « Celebration Tour »  en devient presque impossible à suivre, tant les styles se succèdent et les tableaux enchaînent les mises en scènes colorées, grandiloquentes. Au risque de nous détourner de l'élément essentiel : la musique... Mais qu'importe, puisque le monde entier la connaît déjà.

Pour sa première apparition, Madonna choisit une longue robe noire, auréolée d'une couronne quasi christique. Photo Raphaël Abdelnour

Après une bonne heure et demie de retard, la madone fait son apparition en robe noire hiératique, auréolée d'une couronne. Et sans transition, la sainte laisse place à la rockeuse. Elle chante Holiday en reconstituant une boîte de nuit, une boule à facettes géante descend sur scène. Puis elle s'envole dans une nacelle et interprète Live to Tell suspendue au-dessus de nos têtes, alors que des portraits immenses de victimes du sida s'affichent autour d'elle. Sans doute l'un des moments les plus émouvants du concert – et ils furent nombreux. On retiendra aussi un vibrant hommage de Louise Ciccone à sa mère, accompagnée de ses enfants au piano et à la guitare... Mais la diva et sa progéniture constituent le seul orchestre du concert, où play-back et musique enregistrée font la loi.


Donne-nous notre pain de ce jour...

Tantôt en nonne repentie, adoratrice de Satan ou chanteuse de country, Madonna s'autorise même à entonner des titres moins connus, pour le plus grand plaisir des fans purs et durs. Elle a troqué le célébrissime Material Girl pour un Mother and Father plus intimiste. Globalement, les tubes choisis restent ceux qui ont fait connaître la jeune star dans les années 80, 90, exception faite du célèbre Bitch, I'm Madonna de 2015.

Les vrais fans le savent, un concert de la reine mère n'est rien sans ses prises de parole. Ce 13 novembre 2023, les 20 000 spectateurs de Bercy ont d'abord eu droit à l'inénarrable couplet sur la jeunesse désœuvrée de Madonna, « quand elle a débarqué avec ses 15 dollars » dans le monde de la musique. « Elle nous le fait à chaque fois », souffle un habitué dans la fosse. Entre deux autres performances, la star se pose, place son micro et saisit une bouteille de bière... remplie d'eau, évidemment. « Je suis tellement heureuse de pouvoir faire cette tournée. Vous savez ce que j'ai traversé, la dure période qui m'a frappée », lance-t-elle sous les applaudissements. Un frisson parcourt alors le public ; on revit un instant ce moment de panique, en juin, lorsque l'icône a été gravement affaiblie par une infection bactérienne qui l'a obligée à reporter certaines des 78 dates du « Celebration Tour ».

Pour mémoire

Madonna va "mieux" et est rentrée chez elle après une "grave infection"

« J'ai une pensée pour cette horreur survenue le 13 novembre... », poursuit Madonna, en référence aux attentats de Paris de 2015. À l'époque, elle s'était rendue dans la capitale française pour un concert gratuit, place de la République. L'artiste s'adonne ensuite à une interprétation acoustique du mythique I Will Survive de Gloria Gaynor... certes avec quelques fausses notes, mais le public apprécie la surprise et l'effort de vouloir sortir de la routine du play-back.


Pardonne-lui ses offenses... à Feyrouz

Abreuvé de ce cocktail explosif, il ressort sonné, comme frappé par une décharge électrique. Les gens s'embrassent, certains pleurent. « C'était incroyable, on s'enverra les photos ! » promettent Mathieu et Richard à leurs nouveaux amis rencontrés lors du concert. Venu de Lille spécialement pour l'occasion, ce couple gay en a eu pour son argent. « Je vais avoir du mal à m'en remettre, j'ai encore des étoiles dans les yeux », confiera Mathieu deux jours après le concert.

S'il fallait mettre un bémol à cette partition quasi parfaite – outre le play-back presque omniprésent, l'absence d'orchestre et les quelques fausses notes déjà évoquées –, ce bémol serait purement libanais. Lorsque Erotica résonne et que Madonna monte sur un ring, affublée de la perruque n° 147, on entend les quelques notes qu'elle a volées à Feyrouz. Rappel pour ceux qui l'ont oublié : ce single sorti en 1992 contient un extrait d'un chant religieux interprété par notre « Mother Queen » locale : Al-Yawm Oullika ala Khachaba (Il a été crucifié en ce jour). À l'époque, Feyrouz avait porté plainte contre Madonna et gagné 25 millions de dollars. Sans doute la seule fois où Beyrouth l'emporta sur Washington.

Malgré cette victoire de David contre Goliath, la voix veloutée de la plus grande icône du Liban s'entend encore dans le Erotica interprété en 2023. Depuis le temps, n'auraient-ils pas pu retirer l'extrait volé à Feyrouz ? Avouons-le, ce malheureux emprunt nous a refroidis pendant cinq bonnes minutes. Mais Madonna nous replonge rapidement dans sa tempête faite de tubes en rafale, de chorégraphies millimétrées et de couleurs psychédéliques. Les mauvaises langues continueront, les blagues iront bon train, mais la reine mère arrivera toujours à les soumettre à sa tentation. Sans les délivrer du malin. Amen.

« On va réussir à la reconnaître avec le Botox ? », « Qu'elle fasse tout en play-back, ça vaudra mieux ! », « Sa prochaine tournée, ça sera le “Déambula-Tour”... ». Ceux qui parlent cash de Madonna, ce sont étonnamment ses fans.Ce genre de blagues plus ou moins douteuses, on en a entendu une bonne centaine dans la queue, sous une pluie...

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