Quels sont les mécanismes et les moyens juridiques de poursuites contre Israël pour ses actions militaires à Gaza et au Liban ? Telle est la question débattue mardi lors d’une conférence organisée par la commission des relations arabes du conseil de l’ordre des avocats de Beyrouth.
Ont pris part à cette conférence, le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, Abdel Rahman Solh, également directeur du Centre arabe de recherches juridiques et judiciaires de la Ligue, la bâtonnière de Tripoli, Marie-Thérèse Kawal, et le ministre palestinien de la Justice, Mohammad Chalalida (de Ramallah, via Zoom), avec la participation de l’ambassadeur de Palestine à Beyrouth, Achraf Dabbour.
Après la diffusion d’un film documentaire sur des atrocités perpétrées à Gaza par l’armée israélienne, la présidente de la Commission des relations arabes, Soha Ballout el-Assaad, a donné le ton en prônant la nécessité pour les instances internationales de sanctionner Israël en raison de « ses crimes sanguinaires contre un peuple isolé ».
Prenant la parole, le bâtonnier de Beyrouth, Nader Gaspard, a indiqué que « le conseil de l’ordre a créé une cellule de crise et est sur le point de fonder un centre pour documenter les crimes de guerre et en faire un suivi ». « Cette documentation conduira à qualifier les crimes, ainsi qu’à rechercher la loi qui leur est applicable, les autorités compétentes auprès desquelles il faut recourir pour les contester et, le cas échéant, les moyens d’exécuter leurs décisions et d’obtenir réparation ».
Pour sa part, l'ambassadeur Solh a affirmé que le secrétariat général de la Ligue arabe a appelé à mettre fin à la dangereuse escalade. Il a également indiqué que « le Conseil des ministres arabes a réclamé la levée du siège sur Gaza, chargeant quatre experts d’étudier les mécanismes légaux propres à protéger la Palestine contre les pratiques israéliennes ».
Selon Marie-Thérèse Kawal, « l’entité sioniste, sous la protection des États-Unis, a été très loin dans ses crimes, en violant le droit international, les droits de l’homme, et toutes les conventions internationales, notamment les conventions de Genève (1949) et de La Haye (1899-1907) pour le règlement pacifique des conflits internationaux ».
La bâtonnière de Tripoli a notamment qualifié la guerre menée par Israël de « génocide et (d’) épuration ethnique », affirmant que « le 5 février 2021, la chambre préliminaire de la Cour pénale internationale (CPI) avait déclaré cette juridiction compétente pour se pencher sur les agressions israéliennes ». Cette décision était intervenue, alors que, pendant longtemps, les autorités israéliennes avançaient des arguments selon lesquels la CPI n’est pas compétente en la matière parce que, d’une part la Palestine n´est pas un État, et d’autre part Israël n’a pas signé le statut de Rome qui avait créé la CPI en 1998.
Pour ce qui est du Liban, Mme Kawal a indiqué que même s'il n’a pas ratifié le statut de Rome, les agressions à son encontre peuvent relever de la CPI. « L’article 12-3 du statut de Rome édicte qu’un État qui n’a pas ratifié ce statut peut, par déclaration déposée au greffier de la CPI, consentir que cette juridiction exerce sa compétence à l'égard du crime dont il s'agit », a-t-elle précisé.
Prendre prétexte de l'article 51
Pour sa part, le ministre palestinien de la Justice, Mohammad Chalalida, a accusé Israël de « prendre prétexte de l’article 51 de la Charte des Nations unies, qui accorde le droit à la légitime défense, pour commettre son crime de génocide ».
Pour M. Chalalida, « le chef du gouvernement, le ministre de la Défense, et les soldats israéliens sont responsables pénalement et individuellement, du fait que les éléments moral (intention de donner la mort) et matériel (donner la mort) sont vérifiés dans ces crimes ». Réclamant le ralliement de la Palestine au statut de la Cour pénale internationale, il a également préconisé le recours à la Cour internationale de justice. « La convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (1948) dispose que les différends sur la responsabilité d’un État en matière de génocide seront soumis à la Cour internationale de Justice, si une des parties le requiert », a-t-il dit.
Déplorant que le Conseil de sécurité de l’ONU (15 membres, dont 5 permanents parmi lesquels figurent les États-Unis) ne prend aucune décision en raison du veto de Washington, le ministre palestinien de la Justice a appelé à faire pression sur cet organisme de l'organisation internationale. Il a en outre proposé de presser l’Assemblée générale des Nations unies (193 membres) de prendre une décision qui condamnerait Israël, et réclamé la mise sur pied d’une commission d’établissement des faits mandatée par l'ONU pour enquêter sur les pratiques israéliennes.
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05 h 34, le 16 novembre 2023