Crimes de guerre. Ces trois mots, aucun dirigeant occidental n’a osé les prononcer depuis le début de l’opération israélienne sur Gaza le 7 octobre dernier. En un mois, les bombardements israéliens ont fait plus de 10 000 morts, dont 4 000 enfants, selon le Hamas. Ils ont visé de nombreuses infrastructures civiles sous prétexte que celles-ci abritent des positions du mouvement islamiste. Au Liban, un raid israélien a tué vendredi 13 octobre Issam Abdallah, journaliste de Reuters, et blessé six de ses confrères. Une enquête de Reporters sans frontières a estimé que « le véhicule du journaliste avait été ciblé » par l’État hébreu. Dimanche 5 novembre, une frappe israélienne a tué quatre civils, une grand-mère, Samira Abdel Hussein Ayoub, et ses trois petites filles, près de la localité de Ghedmata. Remas, Taleen et Layan, âgées de 14, 12 et 10 ans, partaient s’installer temporairement à Beyrouth après la fermeture de leur école à Aïn Ebel.
Cela fait un mois qu’Israël bombarde Gaza jour et nuit, et les Occidentaux commencent à peine à se réveiller. La France appelle enfin à une trêve qui « doit pouvoir mener à un cessez-le-feu ». Les autres se contentent de répéter les mêmes éléments de langage à longueur de journée : « Israël a le droit de se défendre, mais doit le faire dans le respect du droit international. » Dans le pire des cas, quand l’État hébreu devient absolument indéfendable, les Occidentaux se disent « inquiets » ou « préoccupés » par la situation. La qualification de crimes de guerre dépend de « l’intentionnalité de son auteur », nous expliquent-ils. Il est apparemment possible de tuer 10 000 personnes en un mois de façon non intentionnelle. Combien faudra-t-il alors de morts pour que l’on émette ne serait-ce qu’un petit doute sur les intentions d’Israël à Gaza ? Combien faudra-t-il de déclarations incendiaires aux relents génocidaires de la part des responsables politiques israéliens pour que l’on s’interroge sur leurs desseins dans l’enclave ?
Les Occidentaux ont reproché, à raison, aux Arabes d’avoir été si peu à qualifier l’attaque du 7 octobre pour ce qu’elle est : un massacre. Mais combien sont-ils aujourd’hui à taire les crimes de leur allié israélien ?
Oui, Israël a été sauvagement attaqué. Oui, le Hamas est un mouvement extrémiste aussi nocif pour les Israéliens que pour les Palestiniens. Mais cela ne rend pas les actes du gouvernement israélien plus légitimes ni ses mots plus acceptables. Cela n’excuse en rien tout ce qu’Israël a fait avant le 7 octobre ni tout ce qu’il fait depuis.
On ne peut pas faire comme si le 7 octobre était tombé du ciel, feignant d’oublier l’occupation et le blocus, ou encore le fait qu’Israël a largement contribué à l’essor et à la prise de pouvoir du Hamas à Gaza. On ne peut pas disqualifier le Hamas en raison de son fondamentalisme et ne pas voir qu’Israël est dirigé par des suprémacistes juifs qui ressemblent beaucoup plus au mouvement islamiste qu’ils veulent exterminer qu’aux libéraux occidentaux qui ferment les yeux sur toutes leurs dérives. On ne peut pas prétendre combattre les mouvements radicaux en soutenant mordicus une politique qui leur fournit un si puissant carburant.
La politique israélienne rend intenable toute position modérée dans ce conflit. Elle jette les Arabes dans les bras de l’Iran et du Hezbollah. Comment parler de négociations de paix quand un ministre israélien évoque la possibilité de lancer une bombe nucléaire sur Gaza ? Quand les colons s’attaquent en toute impunité aux Palestiniens de Cisjordanie ? Quand l’ex-Premier ministre israélien Yaïr Lapid, censé représenter l’opposition à Benjamin Netanyahu, estime qu’« il n’y pas de colonies » et que les « Israéliens vivent sur leur terre biblique » ? Peut-on sérieusement prétendre après tout cela que l’axe iranien a le monopole du fanatisme et de la terreur ? La politique israélienne, tant à Gaza qu’en Cisjordanie, est une bombe à retardement dont nous allons tous, Occidentaux compris, payer la note à un moment donné. La spirale infernale paraît aujourd’hui impossible à arrêter. Mais demain, il sera tout simplement trop tard.
commentaires (19)
Israël a le droit de se défendre, disent les occidentaux et les USA. Il aurait mieux valu dire qu’Israël a le droit d’attaquer. Les seuls qui ont le droit de se défendre sont les palestiniens, le Hamas compris. Depuis 1947, Israël bafoue les résolutions de l’ONU et s’attaque aux palestiniens pour s’approprier leurs territoires et ces occidentaux ferment les yeux ou dénoncent du bout des lèvres en votant à l’ONU majoritairement contre pour les uns, s’abstenant pour peu d’entre d’autres, et m’étant leurs veto à chaque résolution pour les USA. C’est honteux, c’est ce qui radicalise le Hamas.
Mohamed Melhem
06 h 44, le 11 novembre 2023