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Lifestyle - Rétrospective

La mode selon Virginia Wolf et son « clan » sur cimaises 

 « S’il vous plaît, n’apportez pas de vêtements ; nous vivons dans la plus grande simplicité », écrivait, en 1920, Virginia Wolf au poète T.S. Eliot  qu’elle conviait à joindre un groupe de ses amis. Une simplicité devenue un style.

La mode selon Virginia Wolf et son « clan » sur cimaises 

Une vue de l’exposition. Photo tirée de la page officielle du musée Charleston

La formule d’une invitation lancée par la célèbre femme de lettres anglaise Virginia Woolf à un ami et ainsi titrée « Bring no Clothes » a donné lieu à une exposition qui s’en est inspirée sous l’intitulé « Bring no Clothes : Bloomsbury and Fashion ». Certes, c’était là, en apparence, une manière insolite de convier les gens, tout autant qu’il est étrange de titrer ainsi un accrochage. Et, qui plus est, un accrochage qui a été placé sous les auspices de la Maison Christian Dior. Cet événement spécial se tient jusqu’au 7 janvier 2024 dans une ancienne demeure nommée Charleston (transformée en musée), située dans le comté anglais du Sussex. C’est là qu’avait habité Vanessa, la sœur de Virginia Woolf, et son époux, le peintre Duncan Grant, dans ce lieu qui était devenu le rendez-vous des membres du Bloomsbury Group, un cercle d’intellectuels, d’écrivains, d’artistes, d’esthètes, de scientifiques et de journalistes, la plupart issus de l’université de Cambridge et dont Virginia Woolf et sa sœur Vanessa seront les égéries. Modernistes, prônant notamment la liberté sexuelle et affichant un côté boho avant le temps, ce groupe avait eu une influence déterminante sur la vie culturelle anglaise, dont la mode. 

C’est ce dernier point qu’examine cette exposition ainsi annoncée : « Bring No Clothes utilise des vêtements originaux, des objets d’archives, des peintures, des photographies, des manuscrits et des récits oraux pour découvrir comment le groupe Bloomsbury a exploré une sexualité libérée, le féminisme, l’homosexualité et le pacifisme, contribuant ainsi à jeter les bases de la manière dont nous nous habillons aujourd’hui. » Le curateur de l’événement Charlie Porter précise : « Le groupe Bloomsbury s’est engagé dans la mode de manière dynamique, allant de la pensée philosophique à l’habillement anticonventionnel. Bring No Clothes utilise les vêtements pour jeter un nouvel éclairage sur la vie de ses membres et donner un aperçu de l’impact actuel de leur propre style d’habits en décalage avec celui de leur époque. En mélangeant le passé et le présent, j’espère que cette rétrospective encouragera les visiteurs à reconsidérer leur relation future avec la mode. »

Entre passé et présent

Ainsi, le présent a trouvé sa place dans cette exposition à travers des griffes actuelles qui se sont fait l’écho du Bloomsbury Group. À savoir, la collection Dior Homme printemps-été 2023 inspirée du peintre Duncan Grant et le défilé Femme Fendi printemps-été 2021 qui portait le cachet de Virginia Woolf. Auparavant aussi, du côté  de Comme des Garçons, Rei Kawakubo avait conçu des pièces sur le thème du roman Orlando de Virginia Woolf pour les podiums et l’Opéra de Vienne. 

Cet extraordinaire mélange de mode contemporaine et de tendances très personnalisées d’un passé proche offre une vision à plusieurs niveaux. Parallèlement aux objets personnels, portraits, œuvres d’art et autres témoignages historiques, dont beaucoup n’ont jamais été exposés auparavant, les organisateurs ont fait appel à une nouvelle génération de designers afin qu’ils réinterprètent l’esprit de la garde-robe du Bloomsbury Group. Parmi eux, Jawara Alleyne, originaire des îles Cayman, qui expose une création inspirée de l’utilisation de Vanessa Bell d’épingles de sûreté dans ses robes.  Pour sa part, Ella Boucht a joué sur les découpes des tissus pour  réinventer les genres. L’accent est également mis sur le rôle de la mode dans les portraits exécutés par les artistes du Bloomsbury, dont beaucoup sont inédits.  En particulier, un code Queer dans les habits des personnes portraiturées par Duncan Grant. Virginia Woolf et sa sœur Vanessa utilisaient souvent l’expression « nous vivons dans la plus grande simplicité », pour signifier leur rupture avec la société traditionnelle qui privilégiait la recherche vestimentaire. Charlie Porter explique leur dédain pour la mode comme une réaction à leur enfance victorienne oppressante. Leur demi-frère George Herbert Duckworth, d’un caractère violent, les forçait à assister avec lui à des événements mondains et à porter des « corsets ressemblant à de la torture », comme le raconte l’écrivain Joe Bobowicz du magazine AnOther. Leurs vêtements, adoptés plus tard, permettent de comprendre à quoi elles ont voulu échapper en formant le groupe Bloomsbury.

Photo-montage, collection Dior Homme été 2023, devant la demeure Charleston. Photo Brett Lloyd tirée de la page officielle du musée Charleston

Un cercle fermé

L’exposition s’est concentrée sur six personnages centraux : Virginia Woolf, Vanessa Bell, Duncan Grant, l’écrivain E.M. Forster, le philosophe John Maynard Keynes et l’aristocrate lady Ottoline Morrell. Les documents les évoquant comprennent des photos, des manuscrits, des peintures, des vêtements et plusieurs objets personnels inédits, comme un sac brodé à la main par Bell pour Woolf, ainsi que des colliers portés par les deux sœurs. Ce documentaire sur cimaises s’appuie fortement sur des images et des textes, la plupart des garde-robes des Bloomsbury qui n’existent plus. Ces vêtements n’ont pas simplement été perdus au cours des années, il est dit que certains auraient été délibérément détruits. L’un des objets exposés est le journal de Grace Higgens, une femme de ménage à Charleston, qui y décrit une scène frappante peu après la mort de Bell : « Elle a fait un feu de joie et a brûlé le matelas de Mme Bell, ainsi que beaucoup de ses vêtements et ses oreillers. »

Virginia Woolf et sa compagne Vita Sackville-West. Photo tirée de la page offcielle du musée Charleston

Le peintre Duncan Grant a été le dernier résident de la demeure Charleston. Après son décès en 1978, une association caritative, Charleston Trust, a été créée pour restaurer et entretenir Charleston. La maison et le jardin sont ouverts aux visiteurs depuis 1986. Sa page web décrit ainsi cet ensemble, devenu lieu de rencontre du Bloomsbury Group : « C’est là qu’ils se sont réunis pour imaginer la société différemment, dans un lieu où l’art et la pensée expérimentale étaient au centre de la vie quotidienne. »

La formule d’une invitation lancée par la célèbre femme de lettres anglaise Virginia Woolf à un ami et ainsi titrée « Bring no Clothes » a donné lieu à une exposition qui s’en est inspirée sous l’intitulé « Bring no Clothes : Bloomsbury and Fashion ». Certes, c’était là, en apparence, une manière insolite de convier les gens, tout autant...
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