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Folies assassines, mode d’emploi

Le Hamas a commencé par stupéfier le monde entier en lançant son incroyable, son inimaginable opération Déluge d’al-Aqsa. Ce qui a surtout frappé ce jour-là, c’est la spectaculaire inversion des rôles dont on a été témoin, c’est le cinglant démenti qui a été apporté aux lois pourtant implacables de l’asymétrie.


Car des décennies durant, Israël s’est posé en État voué à se défendre avec des moyens de fortune contre des masses de fanatiques l’assaillant en permanence, le couteau entre les dents : en David armé de sa fruste fronde face à ce colosse de Goliath, une légende qu’a funestement contribué à façonner d’ailleurs une propagande officielle arabe aussi stupide que contre-productive. Depuis, le mythe a évidemment pris bien des rides, à mesure que ce supposé freluquet de David prenait, lui, du muscle, qu’il se survitaminait, se dopait même au nucléaire, s’érigeant vite en une des premières puissances du Proche et du Moyen-Orient. Le voilà pourtant qui vient de trouver encore plus David que lui.


Maintenant, une fois accompli ce formidable exploit, comment le flétrir, le dévaloriser, le plomber, aux yeux d’une opinion mondiale à peine revenue de sa stupéfaction ? Réponse : en se livrant à des atrocités contre la population des villages investis en ce 7 octobre. En s’ingéniant à paraître donner raison à ceux qui ne voient en vous que des affreux terroristes. En leur offrant, sur un plateau d’argent dégoulinant de sang, une occasion en or de remporter les premières joutes d’une guerre non moins cruciale que celle se déroulant sur le terrain : celle de la communication, de l’image, laquelle oriente forcément les prises de position politiques et diplomatiques.


Barbarie. Durant l’essentiel de la semaine écoulée, ce terme est revenu comme un leitmotiv dans les communiqués et déclarations des gouvernements. Insoutenables témoignages photographiques à l’appui, ce même mot, inévitablement émaillé d’évocations du spectre de la Shoah, a meublé les plateaux des grandes chaînes de télévision mondiales. Ne restait alors que la part congrue aux rares intervenants se hasardant tout de même à signaler la somme de spoliations, de dépossessions et autres injustices que continue de subir à ce jour le peuple palestinien : lesquelles, sans les justifier bien sûr, pouvaient du moins expliquer de tels sommets de haine meurtrière.


Du fond de cette cuisante bérézina médiatique, il faut croire toutefois qu’il y a un dieu pour les cancres de la communication, et que ce dieu a inventé un personnage aussi criminellement outrancier que Benjamin Netanyahu. La pluie de soufre et de phosphore s’abattant sur Gaza, le dantesque spectacle des immeubles entiers réduits en poussière ; les habitants déjà assiégés, affamés, assoiffés, privés d’électricité et sommés maintenant de déguerpir (mais pour aller où ?) dans la crainte de l’hécatombe annoncée qu’impliquerait une opération terrestre : tout cela ne pouvait que finir par instaurer un minimum d’équité cathodique et un même mouvement de compassion pour les deux populations éprouvées. Encore demeure-t-on loin du compte. Car à la soûlerie de violence, certes condamnable, qui a funestement enfumé les esprits d’un groupe armé, le Premier ministre d’Israël, lui, riposte par un flagrant terrorisme d’État, par des crimes de guerre qualifiés dont le moindre n’est pas le massif déplacement de population projeté. Après moi le Déluge : le plus révoltant est en effet que par sa sanglante explosion de furie, c’est aussi son propre sort politique, menacé par les énormes failles du dispositif sécuritaire israélien relevées lors du fatidique 7 octobre, que cherche à défendre Netanyahu.


En raison de l’énormité de la tragédie humaine et en dépit de son traditionnel parti pris pour Israël, l’Américain Joe Biden a dû, bien que sur le tard, presser son allié de respecter le droit de la guerre. Plus précis était le président français Emmanuel Macron affirmant que la seule réponse possible au terrorisme est une réponse forte et juste, forte parce que juste. Fort bien, mais on aurait tort d’en rester au volet humanitaire de la nouvelle Nakba menaçant une portion notable du peuple palestinien qui a déjà enduré tant d’autres exils. Avec tous ses funestes excès, le Déluge d’al-Aqsa est tout de même venu rappeler aux puissances influentes que l’oppression, surtout quand elle est tolérée par la communauté internationale, ne peut qu’enfanter la violence. Qu’à son tour, le sanglant ping-pong de la violence ne peut que radicaliser sans fin les deux camps. Que la seule sécurité que pourrait s’assurer le peuple israélien ne sera jamais le fait des colons implantés en dominateurs chez le voisin, mais d’un État palestinien souverain, respecté, et donc à même de maintenir l’ordre chez lui.


Il est temps que de tout ce sang qui, depuis près d’un siècle, abreuve la terre de Palestine, finisse par germer l’unique solution de raison.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Le Hamas a commencé par stupéfier le monde entier en lançant son incroyable, son inimaginable opération Déluge d’al-Aqsa. Ce qui a surtout frappé ce jour-là, c’est la spectaculaire inversion des rôles dont on a été témoin, c’est le cinglant démenti qui a été apporté aux lois pourtant implacables de l’asymétrie. Car des décennies durant, Israël s’est posé en État...