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Moyen-Orient - Analyse

Israël-Hamas : entre l’Occident et le monde arabe, un dialogue impossible

Le traitement médiatique et politique dominant de la guerre entre Israël et le Hamas (acronyme arabe du « Mouvement de la résistance islamique »)  donne à entendre deux points de vue irréconciliables. 

Israël-Hamas : entre l’Occident et le monde arabe, un dialogue impossible

Des Palestiniens recherchent des victimes sous les décombres après les frappes israéliennes sur Rafah, dans le sud de Gaza. Photo AFP

Ce sont deux univers qui ne se comprennent pas, ne se regardent pas, n’emploient ni les mêmes mots ni les mêmes symboles. Deux réalités parallèles qui plongent celui qui les observe dans un état de perplexité. Depuis le 7 octobre, la couverture médiatique et politique de la guerre entre Israël et le Hamas – dont le temps long est celui de l’occupation de la Palestine et, dans une moindre mesure, des rivalités interpalestiniennes, et le temps court celui des bras de fer géopolitiques – donne lieu à des perspectives opposées de manière quasi symétrique, comme si les faits n’existaient plus. Et chacun plaque sur les événements en cours, consciemment ou non, son legs historique. Entre le monde arabe et l’Occident, il n’y a pas de dialogue de sourds puisqu’il n’y a, en somme, pas de dialogue tout court. L’opération spectaculaire menée par le mouvement de la résistance islamique samedi dernier et le déluge de feu qui s’abat actuellement sur la bande de Gaza, déjà sous blocus israélien depuis 2007, sont particulièrement explicites. L’angle d’approche pour les uns est celui de la lutte contre le terrorisme ; celui des autres de la résistance à l’oppression, bien qu’il existe de nombreuses voix qui, de part et d’autre, nuancent le paradigme.

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De par sa férocité, l’attaque du 7 octobre a soulevé l’indignation en Europe et aux États-Unis. Mais la couverture occidentale témoigne, dans l’ensemble, d’une réelle déconnexion de la réalité palestinienne. Et pour comprendre ce décalage, il faut en revenir aux racines du problème : la création de l’État hébreu en 1948. Vue de l’Occident, elle répond au droit à l’autodétermination du « peuple juif » et doit être mise sur le compte de deux considérations, qu’elles soient assumées ou non : la culpabilité ressentie par rapport à la Shoah, pensée et mise en œuvre en Europe au cours de la Seconde Guerre mondiale ; le reliquat d’un passé colonial et d’une histoire jamais réellement dépassée avec les anciens pays colonisés. À quoi se conjugue, depuis plusieurs années, l’identification à un État traversant, à leurs yeux, des épreuves similaires aujourd’hui : le terrorisme islamiste qui s’en prend de manière aveugle à des civils et des crispations identitaires supposément communes liées à l’immigration, comme si les Palestiniens d’Israël et les Cisjordaniens sous occupation étaient des « immigrés » à la quête d’un horizon plus clément en Terre sainte.

« Le droit de se défendre » 

Vue du monde arabe en revanche, la naissance de l’État hébreu fut et reste une catastrophe humanitaire, politique et sociale. Dans cette logique, la couverture actuelle salue tantôt l’opération du Hamas, en atténue tantôt son caractère brutal et sa dimension régionale : elle n’est qu’une réponse au martyre palestinien. Les réactions témoignent d’une attitude double : une forme de fierté d’avoir fait vaciller, une fois n’est pas coutume, le colosse israélien. Le sentiment d’avoir une marge de manœuvre, de pouvoir répondre à ses crimes à une échelle jusqu’ici inimaginable. Mais aussi un certain détachement quant à la nature de l’attaque dont le bilan s’élève à plus de 1 000 victimes, en majorité civiles, abattues chez elles, dans la rue ou lors d’un événement en plein air. Sans compter les prises d’otages et leur humiliation publique. Car aussi effroyables que soient ces scènes, d’aucuns récusent la notion de « civils ». Pour de nombreux Palestiniens, les enfants israéliens sont de futurs soldats qui, un jour, démoliront leurs maisons. Les adultes d’anciens soldats, qui un jour les ont bombardés. Et une rave-party organisée juste en face de Gaza mise en cage est perçue comme une provocation, une de plus qui, entre les lignes, est symptomatique de l’occupation : il est possible en Israël de dormir sur ses deux oreilles sans se soucier du fait que son propre gouvernement assiège à deux pas.

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De Washington à Paris en passant par Londres et Berlin, on marche en rangs serrés derrière l’État hébreu, oubliant ou faisant mine d’oublier que le Hamas est né en 1987 seulement. Que la tragédie palestinienne précède son existence et qu’Israël n’a pas attendu la naissance du mouvement pour entraver les aspirations palestiniennes à la souveraineté et à l’indépendance. Qu’il a même, au cours de son histoire, épargné les Frères musulmans – dont le Hamas est issu – pour mieux réprimer les organisations nationalistes palestiniennes. Que l’occupation de la bande de Gaza ne s’est jamais réellement achevée. Certes, les colons ont été délogés. Mais Israël contrôle l’enclave par ciel et mer et l’a transformée, depuis 2007, en prison à ciel ouvert. Dans le même temps, la colonisation en Cisjordanie s’est poursuivie, suscitant de vagues protestations de la part des chancelleries occidentales. Les alliés de l’État hébreu le pressent d’« éviter de faire mal aux civils palestiniens », ainsi que l’a déclaré vendredi le secrétaire d’État américain Antony Blinken, lors d’une conférence de presse à Doha. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, elle, s’affiche aux côtés du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour affirmer qu’Israël a « le droit de se défendre » face aux « atrocités commises par le Hamas » et que ce dernier est « seul responsable de ce qui se passe ». Pendant ce temps, une pluie de bombes tombe sur Gaza et le bilan humain est déjà très lourd : plus de 1 800 morts. CNN donne la parole à un porte-parole de l’armée israélienne qui explique avoir largué des tracts depuis des avions sur la langue de terre, appelant les habitants à quitter leurs maisons et à fuir vers le sud. Personne pour expliquer où exactement les 1,1 million de résidents du nord de l’enclave peuvent se réfugier, le poste-frontière de Rafah reliant Gaza à l’Égypte ayant été fermé mardi, suite à des bombardements. Les civils israéliens sont des victimes innocentes de la barbarie islamiste. Les civils palestiniens sont des dommages collatéraux qui ne peuvent s’en prendre qu’à leurs représentants.

Yarmouk

Côté arabe, la séquence actuelle donne à voir un élan de solidarité populaire en faveur des Gazaouis en même temps qu’une crainte, surtout au Liban, d’être entraîné dans la guerre. Mais alors que la région est profondément divisée concernant les desseins iraniens, que ce soit en Syrie, en Irak, au Yémen ou au pays du Cèdre, ces clivages sont actuellement mis en sourdine, relégués au second plan, alors même que le Hamas agit aujourd’hui – aussi mais pas seulement – comme un supplétif de Téhéran et que la République islamique a joué un rôle de premier plan dans la répression des soulèvements populaires locaux, assassinant à tout va en Irak, soutenant le régime Assad en Syrie – contribuant en outre à son entreprise d’ingénierie démographique – et appuyant le Hezbollah au Liban. À quoi s’ajoute une discordance notable entre le traitement du carnage israélien à Gaza et d’autres boucheries contre des civils, y compris lorsqu’elles sont palestiniennes. Le siège de Yarmouk par le régime Assad et ses alliés à partir de 2013 n’avait pas suscité d’empathie à grande échelle, alors qu’il s’agissait d’un exemple qui illustrait par excellence la complémentarité entre les crimes israéliens et ceux des régimes arabes.

Il n’en demeure pas moins que les deux couvertures, occidentale et arabe, ne sont, sur ce sujet très précisément, pas du même acabit. La première s’est déchargée du poids de l’histoire. Dans sa vision du monde, il n’y a ni occupants ni occupés, ni siège ni assiégés, ni colons ni colonisateurs, ni expropriés ni expropriateurs. La seconde a au moins le mérite de replacer la séquence actuelle dans son contexte politique et historique, bien qu’elle puisse manquer de cohérence.

Ce sont deux univers qui ne se comprennent pas, ne se regardent pas, n’emploient ni les mêmes mots ni les mêmes symboles. Deux réalités parallèles qui plongent celui qui les observe dans un état de perplexité. Depuis le 7 octobre, la couverture médiatique et politique de la guerre entre Israël et le Hamas – dont le temps long est celui de l’occupation de la Palestine et,...

commentaires (5)

QUELLES QUE SOIENT LES RAISONS... GAZA EST UNE ENCLAVE DE 2.3 MILLIONS D,INNOCENTS CIVILS, REDUITE EN CAMP DE CONCENTRATION, DE NEFASTE MEMOIRE, ET OU LES GAZS SONT SUBSTITUES PAR LE SOUFFRE ET LE PHOSPHORE BLANC. COMMENT L,APPELER, SINON : GENOCIDE ! - OU SONT LES CHAMPIONS QUI CONDAMNENT LES GENOCIDES AVEC DEUX POIDS ET DEUX MESURES ?

LA LIBRE EXPRESSION

15 h 36, le 15 octobre 2023

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Commentaires (5)

  • QUELLES QUE SOIENT LES RAISONS... GAZA EST UNE ENCLAVE DE 2.3 MILLIONS D,INNOCENTS CIVILS, REDUITE EN CAMP DE CONCENTRATION, DE NEFASTE MEMOIRE, ET OU LES GAZS SONT SUBSTITUES PAR LE SOUFFRE ET LE PHOSPHORE BLANC. COMMENT L,APPELER, SINON : GENOCIDE ! - OU SONT LES CHAMPIONS QUI CONDAMNENT LES GENOCIDES AVEC DEUX POIDS ET DEUX MESURES ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 36, le 15 octobre 2023

  • " L’opération spectaculaire menée par le mouvement de la résistance islamique samedi dernier " Tout est dit. Une action aussi écœurante n'est pas le fait d'une "résistance" mais d'un mouvement terroriste. Mais apparemment tout le monde ne fait pas la différence.

    F. Oscar

    09 h 50, le 15 octobre 2023

  • Donc vous confirmez le choc des civilisations???? Pourtant contraire au but et à la mission des religions

    Bery tus

    06 h 21, le 15 octobre 2023

  • C'est le Hamas qui a diffusé en direct ses actes barbares, un peu facile d'accuser l'occident sur le coup

    Charbel Moussalem

    15 h 15, le 14 octobre 2023

  • Conflit entre l’Occident et les Arabes ? L’Orient-LeJour page 6, """"EN OCCIDENT, L’HISTOIRE COMMENCE LE 7 OCTOBRE"""" de Khoury, et """"ENTRE L’OCCIDENT ET LE MONDE ARABE, UN DIALOGUE IMPOSSIBLE"""", de Mardam-Bey. En effet, il y a beaucoup à commenter sur les deux opinions, mais que de lieux communs. Beaucoup à commenter, certes, sans aller plus loin, censure du journal oblige.

    Nabil

    14 h 46, le 14 octobre 2023

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