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Société - Reportage

Dans le camp de Chatila, les Palestiniens oscillent entre peur et espoir

Au milieu du bourdonnement de la vie quotidienne, tout le monde garde un œil attentif sur les nouvelles en provenance de Gaza, suite à l'attaque lancée par le Hamas le 7 octobre contre Israël.

Dans le camp de Chatila, les Palestiniens oscillent entre peur et espoir

Hadi Abed, un résident du camp de Chatila, venu de Palestine et ayant cherché refuge au Liban, pose pour un portrait le 9 octobre 2023. João Sousa

Au cœur du camp de réfugiés palestiniens de Chatila, des chansons révolutionnaires retentissent depuis les voitures et des tuk-tuks qui passent. Dans une offensive surprise d'une ampleur inégalée et sans précédent, des centaines de militants du Hamas ont franchi, samedi dernier à l’aube, les frontières israéliennes par voie terrestre, maritime et aérienne, utilisant des parapentes motorisés, un événement inédit depuis la création d'Israël en 1948.

Cette opération a été lancée au lendemain du 50e anniversaire de la guerre israélo-arabe de 1973, lorsque l'Égypte et la Syrie ont attaqué simultanément Israël lors de la fête du Kippour, révélant alors déjà des failles significatives dans son système de défense pendant les premiers jours avant que l’armée israélienne ne lance une contre-offensive sur les territoires respectifs de ses adversaires. 

Pour Mohammad Daoud, un commerçant de 61 ans à Chatila, l’attaque de samedi dernier est là encore « un événement majeur – un grand tournant après près de 25 ans d'impasse politique entre Palestiniens et Israéliens », dit-il en fixant le portrait de Yasser Arafat, ancien président de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), posé sur une des étagères.

La jubilation de Daoud à voir les combattants du Hamas bombarder des colonies israéliennes est tempérée par ses inquiétudes alors qu'il pointe l’écran de sa télévision diffusant des images dévastatrices à Gaza, où les forces israéliennes ont lancé une série de frappes de représailles, faisant des centaines de morts. « Il y a eu une démonstration indéniable de puissance le premier jour – montrant que, en tant que résistance, elle a la force et le courage de prendre d'assaut les positions militaires (israéliennes) et de conquérir des zones importantes »,se réjouit-il dans un premier temps, avant de confier une certaine préoccupation : « Je m'inquiète des représailles contre les Gazaouis. »

Mohammad Daoud, 61 ans, devant son magasin dans le camp de Chatila. João Sousa

Au milieu du brouhaha de la vie quotidienne – des enfants rentrant de l'école, des femmes faisant leurs courses, des hommes réapprovisionnant les étagères de leur magasin… –, tout le monde garde un œil attentif sur les nouvelles de cet épisode historique de l’affrontement entre Israël et le Hamas.

Mohammad Daoud est déterminé à « retourner un jour en Palestine ». « Je n'ai aucun doute, nous avons la persévérance et la volonté nécessaires pour revenir. » Il a passé toute sa vie dans ce camp, où ses parents ont trouvé refuge après avoir quitté Haïfa, en Palestine, et qui a été le théâtre d'un massacre en 1982, au cours duquel des milliers de civils palestiniens et libanais ont perdu la vie. « Nous vivons une série d'événements, l'un après l'autre – 1975 ; 1978 ; 1982 ; '1985 –, chacun vous fait oublier celui qui l'a précédé en raison de son ampleur inouïe», dit-il.

Une vie de lutte

Pour Majid Fayez, 70 ans il y a désormais un avant et un après-7 octobre 2023. En se rendant au travail lundi après-midi, il clame que cette date marque un tournant « glorieux » dans la lutte palestinienne. « Depuis le début de cette lutte , des jeunes garçons et des filles étaient placés en détention par des soldats israéliens Mais, pour la première fois, ce sont nos jeunes qui ont capturé des soldats israéliens », les prenant en otage, dit-il.

La mère de Majid Fayez avait 13 ans et son père 16 lorsqu'ils ont quitté la Palestine en 1948 pour venir au Liban, espérant un retour rapide qui ne s'est jamais concrétisé.

Il se souvient de l'espoir qu’a suscité l'offensive de 1973 auprès des Palestiniens.« Nous étions heureux au début parce que l'attaque venait de plusieurs fronts », dit Fayez, avant d’ajouter : « Mais elle a été suivie de revers regrettables. »

Résidente de Chatila depuis 1973, Jamila Lutfi, 62 ans, qui se tient devant l'un des magasins du coin, commande une petite tasse de café et regarde les nouvelles. Elle retourne ensuite à son humble étal où elle vend des collations fraîches – des carottes, des graines de grenade et des épis de maïs. Pour elle, l'attaque du Hamas contre les colonies israéliennes est une source de fierté. Elle y voit une « pierre angulaire vers la libération de la Palestine » et le retour tant attendu des Palestiniens dans leur patrie.

Majid Fayez s'exprimant lors de la 75e commémoration de la Nakba au camp de Chatila, à Beyrouth, le 13 mai 2023. João Sousa

Née de parents ayant quitté la Palestine en 1948, elle se souvient de leur optimisme, lorsque, en fermant la porte de chez eux, ils s’attendaient à revenir « quelques jours plus tard». « C’était il y a 75 ans », dit-elle.

Malgré les lourdes représailles israéliennes actuellement en cours à Gaza, Lutfi, qui a survécu au massacre de Sabra et Chatila en 1982 avec sa famille en s'échappant du camp, veut garder le moral : « Même si nous perdons de nombreux martyrs, ce n'est pas grave et cela ne nous affectera pas », dit-elle. « Nous y sommes habitués. »

Dans un autre coin du camp, Hadi Abed est assis dans son magasin de proximité, attendant le retour de ses fils avec des marchandises. Ce sexagénaire est arrivé au Liban, en passant par l'Égypte, à l'âge de 16 ans, portant avec lui les clés de sa maison à Haïfa, aujourd'hui occupée par Israël. Il conserve toujours ces clés comme un rappel de ce qui a été perdu. « Si seulement je pouvais retourner en Palestine, je vendrais tout ce que je possède et quitterais cet instant », dit-il, les yeux remplis de larmes et la voix tremblante. Il se souvient toujours de sa maison à Haïfa, entourée de ses oliviers, bien qu'il se demande s'ils sont toujours debout. « Toutes les nations arabes sont des traîtres car elles n'aident pas les Palestiniens », dit-il.

Au cœur du camp de réfugiés palestiniens de Chatila, des chansons révolutionnaires retentissent depuis les voitures et des tuk-tuks qui passent. Dans une offensive surprise d'une ampleur inégalée et sans précédent, des centaines de militants du Hamas ont franchi, samedi dernier à l’aube, les frontières israéliennes par voie terrestre, maritime et aérienne, utilisant des...

commentaires (1)

L’état libanais devrait arranger via des bus le transfer de tous les volontaires palestiniens pour qu’ils aillent se battre pour leur pays . Cela fait des mois qu’ils s’entretuent entre eux à l’intérieur des camps pour rien ! Bon vent ….

hawath nathalie

13 h 44, le 12 octobre 2023

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Commentaires (1)

  • L’état libanais devrait arranger via des bus le transfer de tous les volontaires palestiniens pour qu’ils aillent se battre pour leur pays . Cela fait des mois qu’ils s’entretuent entre eux à l’intérieur des camps pour rien ! Bon vent ….

    hawath nathalie

    13 h 44, le 12 octobre 2023

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