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Moyen-Orient - ECLAIRAGE

Le malaise de l’Arabie saoudite face à l’offensive du Hamas en Israël

Alors qu’une forte riposte de l’État hébreu se présage, Riyad accuse « les forces d’occupation israéliennes » d’être à l’origine « d’une situation explosive ».

Le malaise de l’Arabie saoudite face à l’offensive du Hamas en Israël

Le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane a déclaré le 20 septembre sur Fox News que les négociations de normalisation avec Israël avançaient "un peu plus chaque jour". Elles sont désormais ébranlées par l'offensive du Hamas. Bandar Al-Jaloud / AFP

C’est un coup de massue pour l’Arabie saoudite, engagée depuis plusieurs mois dans des négociations de normalisation avec Israël qui avancent « un peu plus chaque jour », comme l’a récemment affirmé le prince héritier Mohammad ben Salmane sur Fox News. Après avoir fait pleuvoir des milliers de roquettes sur Israël dès le petit matin et ce jusqu’à Tel Aviv, des centaines de combattants du Hamas se sont infiltrés en territoire israélien par la mer, la terre et les airs à l’aide de parapentes motorisés, dans une attaque d’une ampleur inédite au lendemain du 50e anniversaire de la guerre du Kippour, elle-même symbole d’un échec du renseignement israélien. « Des centaines d'infiltrés étaient toujours sur le sol israélien samedi soir », selon Tsahal. L'armée israélienne a aussi publié dans un tweet une carte localisant les roquettes qui se sont abattues depuis Gaza et recouvrent vastement le territoire israélien.

Le bilan est lui aussi sans précédent pour une incursion menée par le mouvement islamiste depuis la bande de Gaza : au moins 700 morts côté israélien, des milliers de blessés et surtout des prises d’otages en cascade de civils et militaires, y compris des « officiers supérieurs » a précisé sur Al-Jazeera Saleh al-Arouri, le numéro deux du Hamas. Le Hamas « paiera un prix sans précédent » pour sa « guerre » contre Israël, a menacé de son côté le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Alors qu’une riposte israélienne d’envergure se présage, elle risque de mettre davantage en lumière les limites de la diversification stratégique qu’opère l’Arabie saoudite avec des pays ennemis comme Israël et l’Iran, soutien logistique et financier du Hamas.

« Israël a été humilié par le Hamas, donc on peut s’attendre à ce qu’Israël riposte très fortement et crée un environnement dans lequel le processus de normalisation sera retardé pour une durée indéfinie, voire mort », prédit Umar Karim, chercheur à l’Université de Birmingham et spécialiste de la politique étrangère saoudienne. « La normalisation sans concessions (aux Palestiniens) ne fera que rendre illégitime la démarche saoudienne, et les Saoudiens le savent, abonde Aziz Alghashian, analyste saoudien et expert des relations bilatérales. Cela conduirait sans doute à un report, voire à un éloignement des perspectives de normalisation à court terme. »

L'épineuse question des concessions aux Palestiniens

Depuis le début des négociations, l’Arabie saoudite tient à montrer que la normalisation ne se fera pas sans concessions aux Palestiniens, notamment l’arrêt de la colonisation et une solution à deux États. Les négociations butent d’ailleurs davantage sur ces questions, Israël étant dirigé par le gouvernement le plus à droite de son histoire, que sur des demandes hautement stratégiques comme un pacte sécuritaire de défense mutuelle avec les États-Unis et le développement d’un programme nucléaire avec enrichissement d’uranium. Cette attaque inédite du Hamas sur Israël devrait durcir davantage la position du gouvernement Netanyahu, le rendant encore plus imperméable aux demandes de concessions palestiniennes.

Un sujet épineux pour le royaume qui, en plus de cibler l’adhésion populaire, vise à se positionner comme un acteur diplomatique incontournable dans la région. L'Autorité Palestinienne, partenaire traditionnel de l’Arabie saoudite, sortira d'ailleurs très affaibli de ce nouvel épisode de guerre à l'avantage du Hamas. La monarchie risquera alors de perdre encore de l’influence sur ce terrain, à un moment ou elle voulait en regagner. Riyad avait ainsi accueilli au printemps des délégations de l'AP et du Hamas, y compris le président de l'AP Mahmoud Abbas et le chef du bureau politique du Hamas Ismaël Hanniyeh. Mais lors de son interview sur Fox News, le 20 septembre, MBS a sobrement déclaré qu’il espérait que la normalisation « faciliterait la vie des Palestiniens », sans faire mention d’un État, déroutant au passage de nombreux soutiens de la cause.

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Après l’attaque du Hamas, le ministère saoudien des Affaires étrangères a cependant réagi avec une rhétorique inhabituellement ferme, comme pour anticiper la probabilité d’un grand nombre de morts palestiniens dans la bande de Gaza en cas de riposte israélienne, et de leur impact sur un accord de normalisation déjà très impopulaire au sein des populations arabes et saoudienne. Selon le ministère de la Santé à Gaza, 400 Palestiniens ont été tués depuis samedi matin, en plus des milliers de blessés. Sans condamner les attaque du Hamas, le ministère saoudien a dénoncé dans un communiqué « les forces d’occupation israéliennes », rappelant ses « avertissements répétés sur les dangers d’une situation explosive résultant d’une occupation continue, de la privation des Palestiniens de leurs droits légitimes, et de la répétition des provocations systématiques envers les sanctuaires ». Hormis les raids israéliens récurrents en Cisjordanie occupée, la violation du statu quo sur l’esplanade des Mosquées par des colons extrémistes se multiplient depuis le début de l’année.

« Réponse très décevante du royaume. Cela fera le jeu du régime iranien », a critiqué dans un tweet Marc Dubrowitz, PDG du think-tank pro-israélien Foundation For Defense of Democraties. « Dans le passé, Israël a condamné les attaques de missiles houthis contre l’Arabie saoudite, a-t-il rappelé. Ce n’est pas la réponse que l’on devrait attendre d’un pays qui recherche les garanties de sécurité américaines. » En face, les Émirats arabes unis, qui ont signé et entrainé trois autres pays arabes dans les accords d’Abraham en 2020, adoptent un ton plus feutré, exprimant simplement leur « grande préoccupation » et appelant à un « cessez-le-feu » immédiat entre les deux parties.

Faillite du renseignement israélien

L’offensive du Hamas a aussi choqué par sa capacité à fendre le bouclier sécuritaire et militaire israélien depuis un territoire voisin, l’État hébreu étant réputé pour ses technologies de pointe dans le renseignement - y compris cyber - et ses équipements de défense élaborés. Les images d’une petite dizaine de combattants forçant le point de passage d’Erez en brandissant leurs armes automatiques ont un côté surréaliste. « L’invincibilité israélienne apparaît soudainement comme un mirage, illustre Umar Karim. Cet événement fera clairement comprendre aux Saoudiens que sans aborder la question palestinienne, une normalisation resterait limitée, tout en ayant un impact négatif sur la dynamique de sécurité régionale. »

Au vu de son ampleur, tout porte à croire que l’attaque du Hamas a été minutieusement coordonnée avec l’Iran et le Hezbollah, renforçant ainsi cet axe à trois parties. Un conseiller militaire du guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a salué la « fière » offensive déclenchée par le mouvement islamiste. Au Liban, le parti de Dieu et les factions palestiniennes ont aussi loué son action. « Il y a clairement une volonté du Hamas et de ses alliés de faire dérailler le processus de normalisation, et le meilleur moyen d’y parvenir est de pousser les Israéliens à riposter de manière massive dans la bande de Gaza, potentiellement avec une invasion terrestre afin d’écorner l’image d’Israël à l’international, analyse David Khalfa, codirecteur de l’Observatoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient de la Fondation Jean-Jaurès et spécialiste des relations israélo-golfiques. La multiplication des victimes civiles côté palestinien, pour le Hamas comme pour l’Iran, c’est un avantage stratégique. Ce sont des trophées qui vont être utilisés dans une guerre d’image contre Israël pour ralentir voire stopper les chancelleries arabes dans leurs négociations avec les Israéliens. »

« Je ne serais pas surprise que l’attaque du Hamas soit un message aux Saoudiens pour qu’ils n’abandonnent pas les Palestiniens dans la normalisation des relations avec Israël, note de son côté Barbara Slavin, chercheuse émérite au Stimson Center et spécialiste des relations Golfe-Iran. Bien que l’implication de l’Iran dans ces attaques ne soit ni claire ni officielle, Téhéran a soutenu le Hamas en lui fournissant de l’argent, des armes et son expertise. »

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Mais dans ce nouveau conflit qui gêne l’Arabie saoudite dans ses ambitions géopolitiques, le royaume n’a pas de réelle marge de manœuvre face aux actions de l’axe Iran-Hezbollah-Hamas. Selon les experts, l’accord de détente signé entre Riyad et Téhéran le 10 mars à Pékin ne devrait donc pas en sortir ébranlé. « Il n’y aura aucun impact sur l'entente saoudo-iranienne car du point de vue saoudien, ce dossier doit rester calme », tranche Umar Karim. « Il doit rester calme afin de contenir les houthis, mais aussi la capacité générale de l'Iran à lancer des frappes sur les infrastructures pétrolières saoudiennes », poursuit le chercheur. « Les relations irano-saoudiennes reposent sur la dissuasion des menaces l’un contre l’autre, souligne de son côté Barbara Slavin. La guerre à Gaza ne devrait donc pas les affecter. À moins que le conflit ne s’étende dans la région. »

C’est un coup de massue pour l’Arabie saoudite, engagée depuis plusieurs mois dans des négociations de normalisation avec Israël qui avancent « un peu plus chaque jour », comme l’a récemment affirmé le prince héritier Mohammad ben Salmane sur Fox News. Après avoir fait pleuvoir des milliers de roquettes sur Israël dès le petit matin et ce jusqu’à Tel Aviv, des centaines de...

commentaires (6)

Et de Zeus aussi

Eleni Caridopoulou

20 h 45, le 08 janvier 2024

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Commentaires (6)

  • Et de Zeus aussi

    Eleni Caridopoulou

    20 h 45, le 08 janvier 2024

  • MON ANALYSE PARTOUT EST PUBLIEE. MERCI.

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 05, le 09 octobre 2023

  • JE REITERE MON ANALYSE : LA VERITE EST UNE ET NE SE DEMEMBRE PAS. AVANT TOUT JE CONDAMNE LA SAUVAGERIE DE MASSACRER DES CIVILS INNOCENTS PAR QUI QUE CE SOIT. ==============LA SOLUTION A UNE VRAIE PAIX DANS LA REGION NE DEPEND PAS DES ACCORDS *D,ABRAHAM* AVEC LES GOLFIQUES ET DE PEUT-ETRE DE *MOISE* AVEC LA SAOUDITE. DEUX SONT AUJOURD,HUI LES JOUEURS DU QUITTE OU DOUBLE DANS LA REGION : L,IRAN ET ISRAEL. LES OCCIDENTAUX FERAIENT BIEN DE REUNIR CES DEUX AUTOUR DE LA TABLE DE NEGOCIATION S,ILS VEULENT LA PAIX DURABLE DANS LA REGION. TOUS LES PROBLEMES DEVRAIENT ETRE DEBATTUS : PALESTINE, NUCLEAIRE, GOLFE, YEMEN, SYRIE, IRAQ, LIBAN, SOMALIE ETC... SI ON PREFERE SE CACHER DERRIERE SON DOIGT ET VOULOIR PUNIR *L,IRAN SATAN*, ON DOIT SAVOIR QU,IL Y A *MULTIPLICITE SATANIQUE* DANS LA REGION ET *OUTRE ATLANTIQUE*. LA VERITE NE SE DEMEMBRE PAS NI SE CACHE NI SE NIE NI SE DEFORME MEME SI DE GRANDS INTERETS ESSAIENT DE LA DEFORMER. TOUT A COMMENCE EN 1948 ET JAMAIS NE S,EST ARRETE DEPUIS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 15, le 09 octobre 2023

  • Humiliation pour la CHINE qui avait pensé pouvoir rapprocher l IRAN et l ARABIE SAOUDITE. Il fallait être innocent pour penser que TEHERAN allait laisser RIAD faire la paix avec TEL AVIV. Les mollahs adorent semer le chaos et se moquent totalement du sort des palestiniens.

    HABIBI FRANCAIS

    08 h 33, le 08 octobre 2023

  • On savait que le sou-disant rapprochement entre Ryadh et Tel-Aviv ferait long feu ! Ç{a ne marchera pas : Aucun arabe ne saurait trahir la Palestine !

    Chucri Abboud

    06 h 27, le 08 octobre 2023

  • Belle analyse

    Abdallah Barakat

    00 h 20, le 08 octobre 2023

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