Dimanche matin, le Hezbollah a lancé une salve de roquettes sur les fermes occupées de Chebaa donnant lieu à une réponse israélienne. La situation semble depuis être revenue au calme, si bien que la plupart des analystes estiment que cela n'ira pas plus loin pour le moment. A l’heure où la guerre fait de nouveau rage entre le Hamas et Israël, les Libanais retiennent toutefois leur souffle. Le Hezbollah a consacré, en avril dernier, « l’unité des fronts » entre tous les acteurs de l’axe de la « résistance », de l'Iran au Liban, en passant par la Syrie et Gaza. S'il semble avoir testé la réaction israélienne ce matin, va-t-il aller jusqu'à rejoindre les rangs de son allié palestinien, qui a d'ores et déjà appelé les « factions armées » au Liban à prendre part aux combats ? Si pour le moment, la prudence semble l'emporter, on ne peut pas exclure la perspective d'une escalade.
Un timing curieux
Samedi matin, le Hamas a lancé une opération surprise baptisée « Déluge d’al-Aqsa » - troisième lieu saint de l’Islam - tirant des milliers de roquettes, infiltrant des combattants dans les localités frontalières et capturant des Israéliens. Les premiers bilans (revus à la hausse toutes les quelques heures) de cette opération inédite font état de plus de 250 morts et plusieurs milliers de blessés côté israélien. A Gaza, près de 250 personnes ont été tuées dans des bombardements de représailles.
La date de cette offensive militaire n’a pas été choisie au hasard. Elle coïncide un jour seulement après le cinquantième anniversaire de la guerre du Ramadan, qui a opposé la Syrie et l’Égypte à Israël et a révélé une faille dans le système d’alerte israélien. Elle intervient également 23 ans jour pour jour après la première opération menée par le Hezbollah contre l’État hébreu suite au retrait israélien du Liban-Sud. Le parti chiite avait alors franchi la ligne bleue et kidnappé trois soldats près de la région des fermes de Chebaa, marquant le début d’une série d'incidents similaires qui conduiront, quelques années plus tard, à la guerre de juillet 2006.
Samedi, le Hezbollah s’est contenté d’un communiqué dithyrambique. « C’est une réponse décisive aux crimes de l'occupation et aux agressions continues contre le sacré et la dignité », peut-on lire dans le texte qui appelle les pays arabes et musulmans à manifester leur solidarité avec le peuple palestinien. Un appel lancé alors que les contours d’une normalisation entre l’Arabie saoudite et l’État hébreu se précisent, plusieurs années après les accords d’Abraham entre Tel Aviv et de nombreux pays arabes (les Emirats arabes unis, le Maroc, le Soudan et le Bahreïn). Mais outre ce soutien moral, le parti chiite pourrait ne pas souhaiter se diriger vers une nouvelle confrontation avec Israël dans un contexte de délitement de l’État libanais et de son économie. « Dans le passé, le Hezbollah a pris ses distances des flambées de violence entre Gaza et Israël, remarque Joe Macaron, analyste et spécialiste du Moyen-Orient, en référence notamment à la dernière guerre entre les deux camps en mai dernier. Ils ne se joindront au combat que si le Hamas le leur demande formellement ».
« On ne peut rien exclure »
Même son de cloche du côté de Michael Young, chercheur au centre Carnegie. « À travers cette opération, l’Iran pourrait chercher à montrer que lui aussi peut diversifier sa panoplie d'attaques, comme le font les Israéliens en Syrie par exemple, analyse-t-il. Toutefois, je ne suis pas certain que le Hezbollah participera directement aux combats à court terme, même s’il pourrait permettre à des factions palestiniennes alliées de frapper depuis le Liban-Sud ». C’est ce qu’il avait fait en avril, quand il avait permis à des groupes proches du Hamas de lancer une salve de roquettes de type Katioucha vers Israël, en réaction aux provocations de l’État hébreu dans la mosquée al-Aqsa. De nombreux observateurs estiment d’ailleurs que le parti de Hassan Nasrallah essaye de renforcer la présence du Hamas dans les camps palestiniens au Liban. Cela expliquerait notamment les combats à répétition dans le camp de Aïn el-Héloué, plus grande agglomération palestinienne en dehors du pays, opposant le Fateh (représentant de l’Autorité palestinienne rivale du Hamas) à des groupuscules islamistes.
Nicholas Blanford, spécialiste du Hezbollah à l’Atlantic Council, va dans le même sens. « On ne peut rien exclure », affirme-t-il. « La nature inédite de l’action du Hamas pourrait pousser le Hezbollah à mener des attaques plus frontales » , ajoute-t-il. Toutefois, j’estime que le parti fera attention à ne pas provoquer une guerre ouverte ».
Si l'on ne peut pas exclure le scénario d'une escalade incontrôlée, deux facteurs risquent d'être décisifs pour le Hezbollah et son parrain iranien. L'analyse du contexte libanais et régional pour évaluer le risque de renforcer ou non son isolement à l'issue de cette offensive. L'évaluation de la capacité de l'appareil sécuritaire israélien à répondre à une attaque depuis le Liban-Sud. Si l'axe Hezbollah-Téhéran estime qu'Israël est suffisamment affaibli pour pouvoir changer les règles du jeu, il pourrait être tenté d'ouvrir un second front. Mais nous n'en sommes pas là pour le moment.
Les proches du Hezbollah affirment eux aussi que l’idée d’une intervention depuis le Liban n’est pas invraisemblable . « À Haret Hreik, on suit de très près la situation et on n’écarte aucun scénario », remarque Kassem Kassir, un analyste orbitant dans les cercles du parti. « Pour savoir si le Hezbollah va participer ouvertement à cette guerre, il faut voir si les Israéliens vont commettre l’erreur de le provoquer », répond de son côté Fayçal Abdel Sater, observateur proche du parti de Dieu. Du côté sud de la ligne bleue, on se tient d'ailleurs prêts à toutes les éventualités : l'armée israélienne a annoncé une fortification de ses lignes de défense à la frontière.
ET LE PROBLEME PALESTINIEN EN TETE. BIEN ENTENDU.
18 h 24, le 08 octobre 2023