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Campus - ENTRETIEN

Jean-Noël Baléo : L’enseignement et la recherche scientifique doivent devenir une priorité nationale au Liban

En parallèle de ses activités visant le long terme, l’Agence universitaire de la francophonie lance de nouveaux projets au Liban pour soutenir l’enseignement, la recherche et l’employabilité des jeunes. Entretien avec Jean-Noël Baléo, directeur régional de l’AUF au Moyen-Orient.

Jean-Noël Baléo : L’enseignement  et la recherche scientifique doivent devenir une priorité nationale au Liban

Jean-Noël Baléo, directeur régional de l’AUF au Moyen-Orient. Photo AUF

En cette rentrée, quel bilan faites-vous de l’année écoulée ?

Au-delà des actions de fond menées par l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), nous avons proposé et mis en place le statut national d’étudiant entrepreneur avec le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Ce statut est maintenant en vigueur de manière réglementaire. Les étudiants libanais des universités qui y adhèrent bénéficient de la reconnaissance officielle du ministère et de leur université, ainsi que de l’accès à des services gratuits fournis par l’AUF pour développer leurs projets. Il s’agit d’un mécanisme visant à renforcer, à protéger et à encourager les étudiants à se lancer dans l’entrepreneuriat.Par ailleurs, nous avons permis d’établir l’année dernière des incubateurs universitaires financés par l’Union européenne, qui sont actuellement opérationnels. En parallèle, l’AUF a mis en place un pré-incubateur à Beyrouth, avec une extension à Tripoli. Lorsqu’un projet étudiant élaboré dans un incubateur universitaire montre un potentiel de développement, il peut bénéficier gratuitement d’un appui du pré-incubateur de l’AUF, le préparant ainsi à une accélération directe au sein d’un incubateur professionnel, que ce soit au Liban ou en France.Nous avons également travaillé sur le déploiement à grande échelle d’un plan de formation à la transition numérique au sein de plusieurs universités privées et à l’Université libanaise. Récemment, en collaboration avec la direction AUF Amérique et le CNRS Liban, nous avons lancé un programme de mobilité financé par le gouvernement du Québec, permettant aux chercheurs libanais de réaliser des séjours temporaires de recherche.Par ailleurs, pour la première fois, nous avons organisé une formation de longue durée intitulée « Les Hackeuses » à destination de jeunes femmes libanaises souhaitant se réorienter ou compléter leur formation dans le domaine du numérique. Cette formation, financée par la région Île-de-France, a été élaborée en partenariat avec une entreprise de formation de l’économie sociale et solidaire en France, Simplon.Enfin, en collaboration avec des partenaires libanais, nous avons organisé un concours national de nouvelles intitulé « Le Liban de mes rêves », auquel les jeunes des lycées et des universités ont participé en imaginant un Liban plus conforme à leurs aspirations. Cette initiative a suscité un grand intérêt et nous prévoyons de publier prochainement un recueil de ces nouvelles.

Quelles sont vos priorités pour cette année ?

Notre activité, le soutien au système éducatif et scientifique, est inscrite dans le temps long. Les effets de ce que nous faisons sont produits sur le long terme et c’est pourquoi la constance et la continuité des priorités stratégiques sont importantes. D’un point de vue systémique, la priorité est d’adapter une stratégie de l’AUF à une situation de crise persistante alors qu’on a déjà actionné le levier que pouvait constituer un plan d’urgence. Comme pour toute organisation, il n’est pas viable de maintenir une situation d’urgence durant plusieurs années, ce qui représente un défi pour nous. Notre priorité principale au Liban est de préserver le capital humain, en particulier le capital scientifique et d’expertise du pays. La recherche scientifique est au sommet de la pyramide dans un système éducatif. Si on ne préserve pas le capital scientifique, à terme, c’est tout le capital humain d’un pays qui se dégrade, ce qui conduit au déclassement. Le deuxième axe d’intervention concerne l’entrepreneuriat, une démarche, qui bien qu’elle ne puisse résoudre tous les problèmes économiques est bien adaptée à la situation du pays, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, elle offre une alternative sur un marché de l’emploi fortement déprimé. De plus, elle répond à un facteur psychologique, car le Liban, pays dans lequel le dynamisme individuel est proverbial, est propice au développement de l’entrepreneuriat. En outre, le phénomène de la fragmentation du marché du travail se propage à l’échelle mondiale comme au Liban, ce qui encourage les initiatives individuelles et donc l’entrepreneuriat. Par ailleurs, outre notre activité de réseau, avec laquelle l’AUF a une forte capacité à réunir des étudiants entre eux, des doyens entre eux, des présidents d’université entre eux, des ministres entre eux, on reste mobilisés sur les actions de fond, sur la qualité et la professionnalisation des formations, sur l’accompagnement à la transition numérique, et bien entendu sur le soutien tous azimuts à la langue française.

De quelle manière soutenez-vous le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur ?

Il est essentiel de faciliter l’alignement et la cohérence de l’effort international sur les priorités du ministère. C’est ce que nous faisons à l’AUF. Il est également crucial de soutenir le service public, et au Liban en particulier. En 2022, l’AUF a organisé les états généraux de l’enseignement supérieur au Liban dans le but de permettre d’établir des éléments de partage et de consensus sur la mutation nécessaire du système d’enseignement supérieur libanais. L’objectif était également de repositionner les autorités éducatives libanaises dans leur rôle de leadership et de pilotage de l’ensemble du système éducatif. Ces discussions ont contribué à l’élaboration d’un plan stratégique, mais sa mise en œuvre reste difficile en raison du contexte budgétaire au Liban.Par ailleurs, l’AUF collabore actuellement avec la Direction générale de l’enseignement supérieur en vue de soutenir le ministère dans la mise en place d’un processus d’accréditation pour certains enseignements en ligne proposés par les universités.

Que fait l’AUF pour favoriser l’insertion des étudiants sur le marché du travail ?

Il y a deux ans, nous avons établi un Centre d’employabilité francophone à Beyrouth, puis à Tripoli, visant à encourager l’interaction entre les universités, les étudiants et les entreprises grâce à des activités collaboratives. Ces centres proposent des formations gratuites aux étudiants et aux jeunes diplômés libanais, dispensées très souvent par des intervenants issus du secteur privé libanais ou international. L’objectif principal de ces formations est de renforcer l’employabilité des étudiants, en leur permettant de mieux comprendre les attentes et les besoins des entreprises, tout en leur offrant l’opportunité de développer un réseau professionnel avec des acteurs-clés du monde économique.

Comptez-vous mettre en place d’autres projets de soutien aux universités bientôt ?

Nous travaillons actuellement sur un projet qui doit être lancé l’année prochaine. Ce projet sera géré par l’AUF et financé par une fondation d’entreprise spécialisée, et doit porter sur le contrôle qualité des médicaments. Il vise à soutenir la formation dans certaines universités partenaires. Les étudiants formés auront l’opportunité de travailler avec les industries pharmaceutiques. Ce secteur connaît une croissance et des besoins notables en main-d’œuvre qualifiée en raison du développement de l’industrie pharmaceutique au Liban et dans la région, ainsi que de la prolifération de la contrefaçon et des médicaments de qualité médiocre. Parallèlement, en collaboration avec l’Organisation internationale de la francophonie et en soutien au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, nous lançons une initiative francophone ayant pour objectif principal d’améliorer les compétences professionnelles de 1 000 enseignants du primaire exerçant sur l’ensemble du territoire libanais, prioritairement en pédagogie et dans leur enseignement du français et en français, en proposant des formations partiellement à distance et adaptées aux besoins des enseignants et des jeunes.En outre, nous sommes en train de mettre en place des cliniques juridiques dans cinq universités libanaises, grâce à un financement du gouvernement français. Ces cliniques visent à professionnaliser l’enseignement du droit en permettant aux étudiants d’effectuer des consultations juridiques sous la supervision de professionnels. De plus, elles offriront aux populations défavorisées la possibilité de bénéficier de consultations juridiques de qualité et gratuites.

Quel premier bilan dressez-vous après 3 ans à la tête de la direction régionale ?

Le plan spécial AUF pour le Liban est achevé ; les états généraux ont été organisés ; l’AUF se tient aujourd’hui aux côtés du ministère et de ses membres pour épauler le système universitaire sur tous les axes stratégiques qui sont les nôtres : Transformation numérique et Gouvernance universitaire ; Employabilité et Entrepreneuriat ; Réseautage et Coopération internationale ; Formation des formateurs ; Innovation pédagogique ; Recherche et Valorisation. Sur tous ces sujets, la direction régionale Moyen-Orient de l’AUF est présente auprès de ses membres au Liban pour les accompagner dans la réalisation de leurs projets via des dispositifs sectoriels ou via des projets que nous opérons pour le compte de bailleurs de fonds, au bénéfice des universités. Cela étant dit, même si le Liban demeure le principal bénéficiaire au Moyen-Orient, en termes de nombre de bénéficiaires, ainsi que de volumes de projets et de financements, l’AUF Moyen-Orient développe de plus en plus d’actions et de projets en dehors du Liban, et la disproportion des actions qui existait auparavant en faveur du Liban a cédé la place à un portefeuille de projets plus équilibré d’un point de vue géographique, notamment vers l’Égypte, l’Irak, Djibouti, la Palestine, le Golfe, entre autres. Ce qui peut être lu de deux manières. Soit qu’on assiste à une dynamique de progression régionale, soit que la part du Liban régresse car c’est tout le système libanais qui régresse en volume d’activité. Or la priorité du Liban dans la région, et dans le domaine universitaire, ce devrait être de conserver une longueur d’avance. Plus que jamais, il faut ériger l’éducation et la recherche comme des priorités, car c’est à terme le profil socioculturel et même économique du pays qui est en jeu. C’est pourquoi l’AUF continuera de se mobiliser activement pour rechercher des financements externes au bénéfice des universités du Liban, et poursuivra dans la durée son engagement solidaire vers ce pays. Mais dans le domaine éducatif comme dans tous les autres, même si nous sommes là pour accompagner, le sursaut ne pourra venir que du Liban lui-même. 

En cette rentrée, quel bilan faites-vous de l’année écoulée ? Au-delà des actions de fond menées par l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), nous avons proposé et mis en place le statut national d’étudiant entrepreneur avec le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Ce statut est maintenant en vigueur de manière réglementaire. Les étudiants...

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