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Moyen-Orient - FOCUS

SyriaPhone, le nouvel opérateur mobile qui couvre le Nord-Ouest syrien

L’entreprise est soupçonnée d’être affiliée au groupe jihadiste, Hay’at tahrir el-Cham, qui contrôle d’une main de fer la majorité de la province d’Idleb.

SyriaPhone, le nouvel opérateur mobile qui couvre le Nord-Ouest syrien

Un homme tente de réparer des câbles électriques à Alep, en janvier 2014. Photo d’archives AFP

C’est l’aboutissement d’un projet entamé il y a quelques années déjà. SyriaPhone a officiellement été lancé mi-septembre dans le Nord-Ouest syrien. Le nouvel opérateur mobile entend pallier le manque de couverture qui handicape cette région échappant au contrôle du régime de Bachar el-Assad, et administrée par des groupes jihadistes et d’opposition. Car, depuis 2013 et le début du retrait de l’armée syrienne, le réseau mobile a été interrompu dans les alentours d’Idleb, avant d’être totalement coupé en 2015 une fois les forces gouvernementales repoussées hors de la province éponyme. Damas avait en effet cessé d’alimenter les tours de communication.


Couverture déficiente

Depuis, difficile pour les près de 4,5 millions d’habitants du Nord-Ouest de trouver des alternatives efficaces et abordables avec une couverture étendue. Remis sur pied, le réseau de téléphonie fixe de la région a certes pu partiellement compenser, en fournissant un service de télécommunications locales et en servant de passerelle internet (DSL). Mais les appels internationaux restent impossibles et le réseau ne couvre pas certaines zones reculées, nuance l’ingénieur Hussein el-Masry, directeur de l’établissement public des communications établi par une loi de mars 2019 du gouvernement de salut, contrôlé par Hay’at tahrir el-Cham (HTC), ancienne branche syrienne d’el-Qaëda. D’autres solutions ont été mises en place, comme l’utilisation de réseaux turcs, à travers les opérateurs e-Lux, Avaya ou encore Turkcell. Là encore, la couverture n’est pas exhaustive, tandis que les prix sont considérés comme élevés et qu’il faut prendre en compte les conditions légales pour l’ouverture de lignes dans le pays voisin.

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L’initiative locale Syriana for Telecommunications a bien vu le jour en 2015 dans la ville de Saraqib, opérant dès l’année suivante à plus grande échelle, rappelle Abou Luna, agent de l’entreprise privée à Idleb. Mais elle fournissait uniquement un accès internet via WiFi, en concurrence directe avec e-Lux. Ce n’est qu’en mai dernier qu’elle a obtenu une licence du département des communications du gouvernement du salut dans la province d’Idleb. À Enab Baladi, le PDG de la compagnie a déclaré en juin vouloir couvrir également la banlieue d’Alep, en soulignant néanmoins le manque de sérieux des négociations avec le gouvernement intérimaire syrien contrôlant la zone. Si Syriana se revendique comme une entité privée et indépendante, SyriaPhone est quant à elle pointée du doigt comme affiliée à HTC. Selon North Press Agency, son siège social est situé dans un bâtiment qui a récemment été rénové par un entrepreneur affilié au groupe jihadiste.


Instrumentalisation du réseau ?

De quoi soulever les critiques et éveiller la méfiance, alors que le groupe tente de renforcer son emprise sur la région. Sans donner de précision, le directeur général Saïd Qazza soutient que la compagnie est une société par actions gérée par un conseil d’administration, alors que des internautes ont signalé leur crainte de voir émerger un « nouveau Rami », en référence au cousin de Bachar el-Assad, Rami Makhlouf, à la tête de Syriatel. Certes, il existe entre la société et le département des communications du gouvernement du salut « un protocole d’accord », mais la mission première reste de « fournir des services aux citoyens dans les meilleures conditions », souligne le chef d’entreprise. Certains résidents ont néanmoins exprimé leur appréhension quant à l’utilisation des données recueillies par l’opérateur et à la surveillance qui pourrait ainsi s’effectuer.

Le lancement de SyriaPhone à Idleb, le 14 septembre. Photo Abdel Majid el-Karh

Reste que la compagnie doit encore faire ses preuves, alors qu’elle entend proposer un service complet de téléphonie mobile, des appels vidéo aux SMS. Saïd Qazza affirme que SyriaPhone couvre la majeure partie du gouvernorat d’Idleb, y compris des zones qui restaient jusque-là isolées des réseaux de communication, comme Jisr al-Choughour et Jabal al-Zawiya. Des avantages que confirme Mohammad el-Ali, qui a testé les lignes dans le sud et l’ouest d’Idleb, « où il n’y avait aucun réseau auparavant ». Mais l’utilisateur se plaint du prix élevé, bien que des offres existent par exemple pour les étudiants ou les enseignants : la carte SIM coûte à elle seule 15 dollars, hors budget par rapport au revenu moyen par habitant dans la région. D’autant que les appels internationaux ne sont pas disponibles, contrairement à d’autres offres relativement plus abordables. Cela empêche en outre de se connecter à des applications mobiles telles que WhatsApp et Telegram, obligeant les utilisateurs à acquérir une autre ligne pour y avoir accès. Un modèle économique qui ne semble donc pas encore viable en l’état.

C’est l’aboutissement d’un projet entamé il y a quelques années déjà. SyriaPhone a officiellement été lancé mi-septembre dans le Nord-Ouest syrien. Le nouvel opérateur mobile entend pallier le manque de couverture qui handicape cette région échappant au contrôle du régime de Bachar el-Assad, et administrée par des groupes jihadistes et d’opposition. Car, depuis...

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