Énième rebondissement dans le feuilleton Carlos Ghosn. Le lundi 18 septembre, le Bureau central de la police judiciaire de Beyrouth a tenu une audience suite à la plainte déposée quatre mois plus tôt par l’ex-patron de Renault-Nissan contre le géant nippon de l’automobile.
Une audience qui a fini par être reportée à une date inconnue, indique à L’Orient-Le Jour l’équipe de défense de M. Ghosn, constituée d’avocats français et libanais. « Nissan et ses dirigeants accusés ont choisi de ne pas se présenter et de ne pas se faire représenter à cette audition, alors que les convocations leur ont été remises il y a plus de deux mois », fustige un texte au vitriol envoyé par ces avocats, qui dénoncent un « mépris de la justice » de la part des dirigeants de Nissan.
L’occasion de faire le point sur l’ensemble des procédures lancées contre l’ex-magnat de l’automobile franco-libano-brésilien, et celles qu’il a intentées. Chronologie rétrospective et non exhaustive.
– Septembre 2023 : un rendez-vous manqué
L’audience qui s’est tenue lundi porte sur une plainte déposée par Carlos Ghosn contre Nissan et 12 personnes physiques. Avec toute une flopée de chefs d’accusation, indiquent ses avocats : « Association de malfaiteurs en bande organisée, fabrication de preuves, faux témoignages, violation de domicile, vol et recel de documents, violation du secret de l’instruction, diffamation et dénigrement. »
Contactés, les avocats du géant japonais de l’automobile n’ont pas répondu à nos sollicitations. De son côté, l’équipe de défense de M. Ghosn « déplore » l’absence de toute représentation de Nissan à l’audience « qui va à l’encontre de l’intérêt des actionnaires et des employés » de l’entreprise. Affaire à suivre.
– Mai 2023 : le recours pour un milliard
Quatre mois plus tôt jour pour jour, le 18 mai, Carlos Ghosn avait déposé plainte devant la Cour de cassation au Liban contre Nissan et certains de ses employés. Il réclame un milliard de dollars de dommages et intérêts, selon les indications d’une source judiciaire à l’AFP. En résumé, il accuse Nissan d’avoir « fabriqué » les accusations qui avaient conduit à son arrestation au Japon, en novembre 2018, puis à son assignation à résidence.
– Avril 2023 : deuxième mandat d’arrêt français
Une juge d’instruction française, qui se penche sur les contrats noués par une filiale de Renault-Nissan quand Carlos Ghosn en était le PDG, émet un mandat d’arrêt international contre l’homme de 69 ans, en avril 2023.
La raison ? M. Ghosn ne s’était pas présenté à sa convocation pour son éventuelle inculpation en mai 2022, notamment sur des soupçons de corruption. Le Liban n’extradant pas ses ressortissants, Carlos Ghosn ne peut donc pas répondre aux convocations, ni être mis en examen.
– Mai 2022 : notice d’Interpol envoyée au Liban
Sur la base d’un mandat d’arrêt international émis par la justice française à l’encontre de Carlos Ghosn un mois plus tôt, le Liban reçoit une notice rouge d’Interpol. Encore une, puisqu’une première avait déjà été émise après la fuite rocambolesque de l’ex-PDG de Renault-Nissan du Japon, en 2019.
– Avril 2022 : mandat d’arrêt français, premier du nom
Un magistrat instructeur de Nanterre (banlieue parisienne) délivre le 22 avril 2022 un mandat d’arrêt contre Carlos Ghosn dans une information judiciaire ouverte notamment pour abus de biens sociaux et blanchiment en bande organisée, en lien avec le distributeur omanais Suhail Bahwan Automobiles (SBA). Cette société est celle du milliardaire Suhail Bahwan, le concessionnaire de Nissan à Oman.
En échange de paiements réguliers effectués par Renault et Nissan au bénéfice de SBA, Suhail Bahwan aurait envoyé quant à lui des sommes importantes vers les comptes de Carlos Ghosn via une quarantaine de sociétés-écrans. Ces fonds sont considérés comme des rétrocommissions par la justice japonaise, mais M. Ghosn clame qu’il s’agit de paiements liés à des conseils qu’il aurait prodigués au milliardaire omanais.
– Février-mars 2022 : visite de magistrats « acharnés »
Des juges français effectuent un déplacement à Beyrouth pour interroger Carlos Ghosn, entre la fin de février et le début du mois de mars.
Son impression après cette visite ? « Il y un acharnement des juges d’instruction en France », lance-t-il au micro de France 2 quelques semaines après. « Je veux être jugé au Liban », ajoute-t-il.
– Janvier 2020 : première notice d’Interpol
Fraîchement arrivé au Liban, Carlos Ghosn ne peut plus en sortir. Nous sommes en janvier 2020, moins d’un mois après son évasion du Japon, et Interpol vient d’émettre une notice rouge à son encontre. La justice nippone avait émis un mandat d’arrêt contre lui, pour malversations financières.
– Décembre 2019 : la malle du fugitif
C’est l’épisode qui aura marqué tous les esprits. Caché dans une boîte d’un instrument à musique embarquée à bord d’un jet privé, Carlos Ghosn fuit le Japon. Il arrive à Beyrouth le 30 décembre 2019 : « Je suis à présent au Liban. Je ne suis plus l’otage d’un système judiciaire japonais partial où prévaut la présomption de culpabilité, où la discrimination est généralisée et où les droits de l’homme sont bafoués », lance-t-il dans un communiqué.
Le magnat de l’automobile avait été arrêté une première fois le 19 novembre 2018, à Tokyo. Sur base d’un rapport, Nissan indique que M. Ghosn « a pendant de nombreuses années déclaré des revenus inférieurs au montant réel » et lâche son propre président.
Le Liban est vraiment miraculeux. C'est le pays ou les banquiers depouillent leurs clients, ou les repris de justice portent plainte contre les juges, ou les voleurs reclament des dommages et interets et ou les tueurs mettent en prison les proches de leurs victimes. Un paradis mafieux dans toute sa splendeur.
09 h 00, le 24 septembre 2023