Beyrouth, comment as-tu pu me faire peur ?
Quand je t’ai découverte, j’ignorais tes secrets, je pensais que les lambeaux de festivités qui animaient tes rues étaient l’orchestre qui accompagne le crépuscule de ton histoire dans ses derniers feux. Les yeux sur les balafres de béton, je ne savais pas que tu étais mille fois détruite et mille fois ressuscitée.
Tes églises, qu’elles soient maronites, grecques, latines, arméniennes, syriaques, orthodoxes ou catholiques, font sonner à toute volée les cloches dans cet océan d’islam qu’est le Proche-Orient. Beyrouth, tu es l’un des derniers ports de liberté au Levant. Tes rues ont parlé libanais, français et parfois arménien. Un coin ressemble à la Grèce, cet autre à la France, à l’Empire ottoman ou à la patrie de Grégoire l’Illuminateur. À la Quarantaine, le père Hani, véritable pilier de la branche horizontale de la croix, donne à manger à ceux qui n’ont rien.
Beyrouth, il est impossible de ne pas verser une larme en découvrant tes palais orientaux, les bâtiments qui datent du mandat français, tes églises et ton peuple. Certains te pensent maudite, mais tu es bénie.
Le Liban est ce miracle que les matérialistes athées ne sauraient voir. Cité de souffrance et de joie, cité littéraire et guerrière, moitié Athènes et moitié Sparte, avec saint Charbel et sainte Rafqa, Notre Dame du Liban veille sur toi. Saint Georges n’a-t-il pas terrassé le dragon dans ta baie !
Cité martyre, cité antique, cité biblique, tu es de poudre et d’eau bénite.
Beyrouth, je sais que tu es immortelle.
Pierre-Pascal PELLEGRI
Corse et profondément amoureux du Liban
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