Crime de lèse-majesté par excellence

Le pays baigne regrettablement dans la corruption, la cupidité, la contrebande, la mauvaise gouvernance, la violation des droits et les crises de toutes sortes...

En contrepartie, les autorités en place bien de chez nous, au lieu de procéder à opérer, ne serait-ce qu’une toute petite réforme orpheline, s’acharnent paradoxalement à poursuivre en justice un jeune comédien de stand-up, pour une blague considérée comme étant un crime impardonnable par excellence. Pour eux, il s’agit du « Crime » (avec un grand C) inexcusable qui a porté atteinte à l’ordre public, a déstabilisé les assises de la République et qui, de surcroît, ne mérite aucune circonstance atténuante.

Lorsqu’une autorité quelconque craint une plaisanterie destinée – d’une façon spontanée et quasi improvisée – à faire rire et s’efforce de sanctionner son auteur, tout en négligeant le b.a.-ba de ses responsabilités, en détournant son regard de tout ce qui concerne la dignité et la prospérité du peuple dont elle a la charge, dans ce cas-là, on peut facilement déduire que cette autorité est tombée au plus bas et se trouve dans une grande déchéance matérielle, morale et sociale. Et en général, lorsqu’un pouvoir n’arrive plus à supporter une boutade ou bien un sarcasme, on peut manifestement dire qu’il est en pleine faillite, en pleine déconfiture et qu’il est aux commandes non pas par une assise populaire solide, mais par un état de fait imposé et par la force des choses évidemment.

Et le comble, c’est que malgré tout ce qui a eu lieu dans le pays comme catastrophes, aucun des politiciens véreux (c’est-à-dire presque tous, à quelques exceptions près et à des degrés différents) n’est encore derrière les barreaux. Toutefois, haro sur le baudet contre un comédien pour une blague considérée absurdement comme étant une atteinte à la haute sécurité de l’État.

Avec un détail important à ne pas mésestimer. Il paraît que cette raillerie aurait eu lieu depuis une affaire de cinq ans à peu près.

Juste pour attirer l’attention de nos gros bonnets du pouvoir, en remettant les choses dans leur contexte, que les comédies stand-up ne sont rien d’autre qu’un spectacle au cours duquel un comédien, seul sur scène, commente de manière humoristique et même sarcastique le quotidien des gens en interaction avec le public. Avec trois traits sous le terme « le quotidien des gens ». Quotidien qui n’est pas ces derniers temps, cela va sans dire, au beau fixe.

Il faut donc vivement rappeler à l’adresse de nos VIP locaux que si ces derniers croient que ce genre de comédien va les complimenter ou leur lancer des fleurs ou, dans le meilleur des cas, les ménager, eh bien ! ils se trompent énormément. Pour la simple raison que depuis le 17 octobre 2019, aucun changement, à caractère profond et radical, n’a été placé sur les rails en vue d’améliorer le fonctionnement de notre République (bananière) ou le quotidien des Libanais.

Pour info et à titre d’exemple, bientôt quatre ans, depuis octobre 2017, et même pas une loi valable, (devenue aujourd’hui, soit dit au passage, presque inutile), sur le transfert des capitaux (capital control) n’a encore vu le jour.

Ne dit-on pas, à juste titre, que l’arbre est jugé à son fruit ? Sauf si – et ils sont, sans honte ni pudeur, capables de le faire – ils considèrent que leur bilan au niveau national est digne de louanges et de félicitations. Si c’est le cas, il faut donc remettre les pendules à l’heure et leur dire qu’ils se bercent d’illusions et se fourrent tout carrément un doigt dans l’œil.

Le menteur finit bizarrement, très souvent, par être convaincu de la véracité de son mensonge.

Michel Antoine AZAR

avocat à la cour

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