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Nos Lecteurs ont la Parole

La coquille mystérieuse de Hanna Karam

La coquille mystérieuse de Hanna Karam

Une coquille de mer que Hanna Andraos Karam a construite en 1962 à Amchit. Figurante Ahlam Awad. Photo Frédéric Zakhia

Au cœur d’un magnifique jardin à Amchit, paisible et tranquille, se dresse une mystérieuse coquille de mer. À première vue, on pourrait penser à une lampe d’Aladin d’où sortirait un génie, mais ce n’est pas le cas. Ce n’est pas non plus une simple coquille ramassée au bord de la mer, mais il s’agit d’une construction manuelle fine, une excellente reproduction d’une vraie coquille de mer, œuvre d’un artisan hors pair, Hanna Andraos Karam.

Élégante et imposante, elle a été réalisée en 1962 et présente de jolies courbes brillantes au soleil. Elle est sise sur un socle formé de galets et mesure 97 cm de hauteur et 2,2 m de longueur. L’ouverture de la coquille, là où l’animal sortirait pour manger, est orientée vers l’ouest, c’est-à-dire vers la mer. Le côté opposé à l’ouverture, la pointe, est

dirigé vers l’est.

Installée sur une surface teintée de blanc et de rose, agrémentée de motifs en demi-cercles évoquant doucement les ondulations de la mer, cette merveille architecturale est accompagnée d’un banc aux couleurs harmonieuses, offrant un lieu pour s’assoir et méditer. Un magnifique jardin encadre cette scène. À un certain instant, la coquille était nourrie d’eau, créant ainsi l’effet d’une fontaine. À travers les épreuves du temps, elle a vaillamment perduré, témoignant ainsi de sa résilience.

Hanna voulait sans doute ornementer son jardin. Pour construire cette coquille, il fait appel à des enfants du village – contre une rémunération –, en vue de l’aider dans la fabrication du moule (fait de zinc et de bois). Certains de ces enfants sont devenus de grands artisans plus tard. Hanna utilise du ciment auquel il ajoute des pigments colorés. Il a l’idée d’introduire sa fille Samia, alors âgée de 8 ans, dans la coquille encore inachevée afin de cimenter le mur de l’intérieur.

Hanna Karam (1912-1982) était un homme aux multiples talents et inventions qui a su maîtriser le

savoir-faire artisanal et qui a, en outre, accumulé des connaissances vastes tant théoriques que pratiques dans le domaine de la musicologie. Il s’est formé en autodidacte.

En 1938, au début de sa vie, il entra dans les forces de l’ordre et devient policier, puis à la fin de son service, il devient trésorier de municipalité, ensuite entrepreneur et propriétaire d’une ferme de volailles.

Hanna Karam est aussi connu comme musicien. Il est par ailleurs un descendant d’une famille de propriétaires terriens ayant légué leur demeure qui est devenue le siège actuel de l’évêché maronite à Amchit.

Hanna Karam jouant à son self made oud (1933). Photo courtoisie de Salwa Karam

Le musicien

Il y a quelques mois, le chanteur Marcel Khalifé écrivait sur sa page Facebook : « Adolescent, je pressais le pas afin d’arriver à temps chez Hanna Karam pour mon cours de musique. » C’est lui donc le professeur qui a initié Marcel Khalifé à jouer au oud. Hanna demeure ce musicien discret, resté dans l’ombre, chez qui ce chanteur de renommée internationale a été formé dans ses débuts.

Fait à signaler, Hanna a appris tout seul la musique au début du siècle passé. Il a même fabriqué lui-même son propre oud en 1933, que la famille conserve précieusement. Le fait d’être policier et musicien à la fois rappelle la trajectoire des frères Rahbani, qui furent aussi des policiers.

Sa fille Salwa raconte : « Papa a enseigné à toute sa famille à jouer de la musique : oud, violon, piano, etc. » Salwa, la petite de la famille, est aujourd’hui pianiste et professeure de piano. Elle se souvient : « Étant enfant, mon père a commencé par m’initier au violon tout d’abord. Ensuite j’ai choisi le piano. Il était strict et je devais faire preuve de respecter les pauses, les soupirs, faire attention aux notes et au rythme quand je jouais devant lui. Son instrument favori était le oud. »

Son père, véritable alchimiste de l’art et de la musique, a par ailleurs à son actif plusieurs inventions notables : transformer une voiture pour fonctionner au gaz quand il y a eu une pénurie d’essence pendant les années de la guerre ; invention d’un premier système d’énergie solaire ; création des outils de jardinage originaux, bien en avance pour leur temps, etc.

Enfin, en marchant à Amchit, le visiteur non averti passera probablement sans remarquer la présence discrète de cette coquille géante. Celle-ci ainsi que le oud et les nombreuses créations de Hanna demeurent des témoins intemporels du talent de leur auteur, incarnant la puissance de la passion humaine.


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Au cœur d’un magnifique jardin à Amchit, paisible et tranquille, se dresse une mystérieuse coquille de mer. À première vue, on pourrait penser à une lampe d’Aladin d’où sortirait un génie, mais ce n’est pas le cas. Ce n’est pas non plus une simple coquille ramassée au bord de la mer, mais il s’agit d’une construction manuelle fine, une excellente reproduction d’une vraie...

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