
Nour Hajjar, comédien libanais de 31 ans, sur les planches d'awk.word. Photo fournie par awk.word
Peu après 20h mardi, le comédien Nour Hajjar a finalement été relâché, après que le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, a ordonné son arrestation plus tôt dans la journée.
Environ une trentaine de personnes s'étaient rassemblées devant le Palais de justice de Beyrouth en signe de solidarité avec le comédien, et l'ont acclamé lorsqu'il a été remis en liberté.
Présente sur les lieux, l'humoriste Shaden Fakih avait déclaré à notre journaliste Zeina Antonios que « la liberté d’expression est en net recul » au Liban. « Nous nous dirigeons vers un régime baassiste dans un pays dirigé par le Hezbollah. Il faut lutter pour ne pas régresser », a encore affirmé la jeune femme. De son côté, le comédien George Mahfouz avait mis en garde contre un « régime répressif et un Etat policier », accusant les responsables de chercher « à détourner l'attention dans le pays et à jouer sur la corde sensible de la religion ». « De nombreux comédiens sont venus soutenir Nour car notre espace d'expression est en train de rétrécir », avait-il encore ajouté.
Nour Hajjar avait été interrogé vendredi pendant 11 heures par la police militaire après un sketch évoquant l'armée. Et mardi matin, la plus haute autorité sunnite du Liban, Dar el-Fatwa, avait déposé une demande d'ouverture d'information judiciaire contre Nour Hajjar devant le parquet général près la Cour de cassation, a confirmé un porte-parole de l'institution. « Maintenant, c'est entre les mains de la justice et nous attendons la prochaine étape », nous a expliqué le porte-parole de Dar el-Fatwa. Le standupper fait également l'objet d'une autre demande du même genre déposée par un juge chérié (religieux), le cheikh Waël Chbaro. La cause de ces deux actions en justice ? « Une blague qui daterait de cinq ans », où le comédien se serait moqué du comportement de ses parents lors d'occasions religieuses, ajoute M. Chahrour, confirmant les informations de plusieurs médias locaux.
Egalement devant le Palais de justice, l'avocate de Nour Hajjar, Diala Chehadé, avait dénoncé « le populisme derrière l'arrestation de Nour ». « Nous avons expliqué que la vidéo dans laquelle il parle de l'islam a été coupée et montée de manière à (paraître) offensante », a-t-elle aussi précisé.
Embarqué de « manière illégale ! »
Nour Hajjar s'était rendu mardi matin au siège de la police militaire à Rihaniyé afin de signer une caution d'élection de domicile délivrée à l'issue de son interrogatoire, vendredi. Mais il a ensuite été embarqué par la police militaire qui l'a conduit au Palais de justice de Beyrouth, sans qu'il ne soit accompagnée de son avocate. Le juge Oueidate l'a ensuite interrogé là-bas, avant d'ordonner son arrestation.
Jad Chahrour, responsable média du centre SKeyes pour la liberté des médias et de la culture, a reconstitué le récit de cette matinée : « Nour Hajjar s'est rendu à la police militaire à Rihaniyé à Baabda pour signer une caution d'élection de domicile, comme on le lui avait demandé vendredi après son interrogatoire. Ils ont signifié à son avocate, Diala Chehadé, d'attendre dehors ». Trente minutes, une heure... pour finalement apprendre que son client a été évacué et emmené pour être interrogé par le juge Oueidate au Palais de justice.
« Ils l'ont embarqué de manière illégale ! », s'est indigné Jad Chahrour. Avant de raccrocher, il a confirmé qu'un peu plus de trente personnes, « des proches et amis » du comédien, se sont rassemblés devant le Palais de justice pour le soutenir.
L'un des fondateurs de la plateforme de comédiens awk.word, Dany Abou Jaoudé, avait pour sa part comparu devant la police militaire à Rihanié lundi, au sujet du sketch sur l'armée. Il avait été relâché sous caution d'élection de domicile sur décision de la juge Mona Hankir. Contactée par L'OLJ, celle-ci n'a pas répondu pour le moment.
La vidéo de la blague sur les militaires, elle, n'apparaît plus sur le compte Instagram d'awk.word.
N’oublions pas qu’ils sont en train de libérer notre pays. Ils le libèrent de tous ses citoyens assoiffés de liberté, de dignité et de souveraineté. Seuls resterons les libanais qui ignorent le sens de ces mots et qui font semblent de vivre dans un paradis, celui que les fossoyeurs ont décidé de leur aménager. Cynique? Oui avec un peuple long à la détente comme celui du nôtre, c’est le cynisme qui l’emporte. Je ne suis plus fière de mes racines, vous les avez bousillées.
10 h 12, le 31 août 2023