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Nos Lecteurs ont la Parole

Réprimer et laisser réprimer

Réprimer et laisser réprimer parce qu’il faut faire taire tout ce qui est beau et passionnément différent. Parce que seuls des vents sinistres soufflent ici et portent avec eux l’obscurité. Parce qu’il faut sacrifier l’art sur l’autel du fanatisme et réduire au silence tout retentissement de l’esprit.

Plus de « vivre et laisser vivre », fermons les bars dansants de Mar Mikhaël parce qu’on ne supporte pas l’éclat de la diversité. Laissons régner la terreur, et laissons régner l’obscurantisme qui nourrit des mentalités d’ignorance. Où la différence est une menace et le fanatisme aveugle la raison au profit de l’émotion exacerbée. Laissons les idéaux extrêmes ériger des murs infranchissables entre celles et ceux qui partagent pourtant le même ciel. Laissons faire et assistons à la diabolisation des différences, au décès du dialogue et à la chute du peu qui nous reste.

Réprimer et laisser réprimer parce que l’art est un acte de résistance qui questionne l’établi et défie les normes. Il encourage la réflexion en créant des ponts entre les cultures et les générations. Il est le miroir qui reflète notre vécu, nos peines, nos aspirations et toutes les contradictions qui animent individus et communautés.

L’art est tout simplement une invitation à embrasser la complexité de l’expérience humaine et à nous connecter à notre humanité partagée.

Réprimer et laisser réprimer parce que, de toute manière, c’est la continuité naturelle de la déchéance de l’État.

Un État déchu qui a perdu toute crédibilité, incapable de maintenir l’ordre public et d’assurer la sécurité. Nous sommes témoins d’une page sombre qui se dessine, d’un rêve collectif qui s’effrite parce que plus le temps passe, plus je me rends compte que ce pays qu’on a rêvé ensemble n’était rien d’autre qu’une désillusion.

Un État déchu où règne l’incertitude, et qui n’arrive plus à se porter garant des libertés individuelles. Une déchéance de l’État qui se manifeste surtout par l’érosion du tissu de la société elle-même. Il y a ceux dont l’âme, voilée par l’ignorance, devient le berceau de la cruauté, et tout aussi sombre est le silence des complices passifs qui détournent le regard et bâillonnent leur voix.

Alors oui, déployons les ciseaux de la censure, violentons les artistes et fermons toutes les scènes de Beyrouth parce qu’il faut réprimer et laisser réprimer.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Réprimer et laisser réprimer parce qu’il faut faire taire tout ce qui est beau et passionnément différent. Parce que seuls des vents sinistres soufflent ici et portent avec eux l’obscurité. Parce qu’il faut sacrifier l’art sur l’autel du fanatisme et réduire au silence tout retentissement de l’esprit. Plus de « vivre et laisser vivre », fermons les bars dansants de...

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