L’Islande, sa musique et le viking Ólafsson

L’Islande, une île située à l’extrême ouest de l’Europe... On entend rarement parler d’elle, à moins qu’un volcan n’entre en éruption. Musicalement, elle est restée complètement absente du domaine de la musique classique. C’est surtout dans le domaine de la pop moderne, avec la chanteuse Björk, qu’elle a commencé à émerger, avec quelques groupes jeunes de musiques alternative : GusGus, Sigur Rós, Múm, Kaleo…

En musique classique, ce pays n’a pas eu d’expérience importante dans son histoire, que ce soit en compositeurs ou interprètes. C’est un peu étrange quand on voit ce que le Japon a fait ces dernières années (la Chine plus tard) dans le domaine, malgré l’éloignement géographique et surtout la différence culturelle.

Soudain, alors que personne ne s’y attendait, elle est apparue sur la scène musicale. Si l’on fait une recherche approfondie, on trouvera des noms qui ne diront rien à personne.

« Impressions », un disque d’œuvres françaises avec une pochette couverte de couleurs vives. Photo DR

On peut citer le nom de Johann Johannsson (1969-2018), musicien, compositeur, producteur et réalisateur islandais qui, en 2016, a signé un contrat avec le bonze de la musique classique et le plus ancien éditeur dans ce domaine , le fameux label jaune allemand Deutsche Grammophon Gesellschaft fondé en 1898 par Emile Berliner. Après lui, la violoncelliste star Hildur Ingveldardóttir Guðnadóttir s’est mis à briller en 2019. C’est elle qui a composé la bande originale du film Joker (2019|) de Todd Phillips. C’est elle aussi qui a composé la musique de Tár (2022) de Todd Field où on entend le nom de l’auteur islandais prononcé par Cate Blanchett (dans le rôle de la cheffe d’orchestre Lydia Tàr, personnage fictif qui énumère les noms de la gent féminine dans le domaine de la musique classique).

Depuis 2017, et sans aucune indication préalable, même pour les adeptes de l’interprétation classique, plus particulièrement dans la catégorie piano, le même éditeur allemand a sorti un disque d’un illustre inconnu, un pianiste dont personne n’avait entendu parler : Víkingur Ólafsson. Ce jeune pianiste islandais né à Reykjavik, la capitale, a déjà un certain nombre d’enregistrements dont le niveau oscille entre bon et excellent. Soit dit en passant, la capitale possède un édifice magnifique, le Harpa, salle de concert et d’opéra à la façade moderne en nid d’abeille et verre.

On attend d’Ólafsson un événement majeur en octobre prochain.

En 2017, le label Deutsche Grammophon a publié un disque au design moderne qui ne correspond pas du tout à sa ligne de conception classique. À l’exception d’un concerto pour violon et d’une symphonie de Philip Glass (1937) ainsi que d’un enregistrement du collègue de Glass, Steve Reich, une œuvre intitulée Drumming, DGG n’a pas, à notre  connaissance, publié une grande partie de la musique de ce courant, malgré son intérêt pour de nombreuses expérimentations musicales modernes et contemporaines.

L’édition comprenait une collection d’œuvres pour piano de Glass et une partie d’une œuvre avec accompagnement de quatuor à cordes. Considéré comme l’un des compositeurs les plus influents de la fin du XXe siècle, Glass est, avec des contemporains La Monte Young, Terry Reiley et Reich, l’un des pionniers de la musique minimaliste et répétitive.

D’un coup, Ólafsson enregistre un disque dédié à Bach. Cet enregistrement est une bombe dans laquelle le pianiste flashe toutes ses cartes en termes de style de jeu du point de vue technique et surtout de son toucher.

De la soie sur de l’ivoire

Dans le temps, on reconnaissait un pianiste grâce à son toucher, son timbre (Kempff, Michelangeli, Gould, Weissenberg, Arrau, Lipatti) comme on reconnaît une personne grâce à sa voix.

Aujourd’hui, tous les pianistes se ressemblent. Donc il n’était pas facile pour Ólafsson d’ajouter son nom à cette liste. Il a pu le faire grâce à son jeu très particulier, de la soie sur de l’ivoire. Le CD a reçu des tonnes d’éloges et de timides dénigrements de la part de plumes célèbres ébranlées par la chute d’une telle comète venue d’ailleurs. Qui est donc cet homme dont l’apparence physique n’évoque pas plus qu’un employé dans une banque ou un chef d’entreprise ?

Il est né en 1984. Il est considéré comme tardif dans sa carrière pianistique. Parfois, certains interprètes importants ne font pas parler d’eux parce qu’ils enregistrent chez des éditeurs obscurs et ne sont mis en lumière (c’est injuste) que lorsqu’ils sont pris par une firme de premier rang.

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Après son Bach, Impressions, un disque d’œuvres françaises de deux époques éloignées, le baroque Rameau et l’impressionniste Debussy – avec une pochette couverte de couleurs vives –, est d’une exécution, d’une précision et d’une beauté époustouflantes. L’homme travaille à un rythme relativement rapide, mais avec un grand professionnalisme. On a souhaité que M. Ólafsson (dont je suis devenu un inconditionnel) grave l’immense œuvre des Variations Goldberg Miracle. Deutsche Grammophon annonce la nouvelle de son prochain album qui sera disponible le 6 octobre. Sur la pochette calme, froide et sereine, simplement 4 mots : « Vikingur », « Goldberg Variations », « Bach ». Vivement le 6 octobre, qui ne tombe pas un dimanche.