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Nos Lecteurs ont la Parole

Le Liban nécessaire : causes, dangers et conditions

Le Liban nécessaire : causes, dangers et conditions

Photo Élie Abi Hanna

Le Liban est-il et demeure nécessaire pour les Libanais, les Arabes et le monde ? Il se répand aujourd’hui que le Liban est un « monstre ingouvernable » (Le Monde, 30/11/2020), un « champ de mines », d’après des expériences historiques diplomatiques, un « maître sévère », d’après William Quant dans les années 1980…

On continue cependant à répéter les propos du pape Jean-Paul II aux évêques du monde : « Le Liban est plus qu’un pays, c’est un message et sa disparition serait sans aucun doute l’un des plus grands remords du monde. » Le recteur de l’Université Saint-

Joseph, le professeur Salim Daccache, le répète encore en insistant sur le remords (entretien avec Fady Noun, L’Orient-Le Jour, 1/9/2020). Cela est encore rapporté dans mon nouvel ouvrage, État et vivre-ensemble au Liban : culture, mémoire et pédagogie. Kamal Joumblatt écrit dans son testament, Pour le Liban, Stock, 1978, pp. 101-102, ce qui suit : « Le Liban est le pays de la diversité culturelle la plus grande, et il serait infiniment riche s’il se reconnaissait. Il aurait vraiment pu donner un exemple au monde et être la patrie du syncrétisme des cultures, symbole nécessaire, bien plus qu’utile : vraiment humain. Nous aurions donné un sens nouveau à la cohabitation humaine et à la société moderne l’exemple d’une collectivité différente, non pas faite d’un assemblage d’individus, à la manière occidentale, mais peut-être d’un assemblage de cultures – une petite « Société des Nations ». L’Empire arabo-islamique a autrefois joué ce rôle en unissant des gens et des races de cultures et de langues différentes, suscitant une extraordinaire renaissance culturelle (…). Pour moi, la formule libanaise aurait pu être idéale si l’on s’était contentés de cette symbiose de cœur et d’esprit, dans une nation unie et traditionnellement humaine : une variété dans l’unité, et non une multiplicité dans l’unité. Ce rêve est-il réalisable dans le monde d’aujourd’hui ? »

Metternich disait autrefois : « Ce petit pays, si important ! » Mais le Liban demeure-t-il dans la conscience libanaise, arabe et mondiale une nécessité qui mérite vigilance et protection ? La question de Akl Awit (an-Nahar, 11 et 18/7/2023) sur Le Liban nécessaire pose trois perspectives pour la réponse : les causes, les dangers et les conditions.

1. Liban nécessaire : pourquoi ? Les principales raisons découlent d’effets pervers de la mondialisation et d’un progrès exclusivement technologique :

– Extension de l’individualisme aux dépens du lien social, ce qui menace les rapports familiaux et sociaux, la solidarité et la référence à l’État garant suprême du vivre-ensemble.

– Extension des radicalismes et fanatismes avec des revendications d’espace identitaire, alors que l’idéologie sioniste affronte de nos jours les plus grandes difficultés.

– Exploitation des religions dans la mobilisation politique conflictuelle, ou politologie de la religion, et perception de religions paniquées et d’autres qui font peur.

– Le Liban, exemple d’avenir pour le christianisme, non pas de l’autre, mais plutôt du prochain, et donc d’une théologie du prochain.

– Le Liban, modèle de l’islam musulman, ravagé par une politologie de l’islam et des organisations transétatiques, sans rapport ni avec les religions ni avec la foi, ce qui a notamment amené à la déclaration d’al-Azhar (Citoyenneté et vivre-

ensemble, 2017) à la déclaration d’Abou Dhabi (La fraternité humaine, 2019) et à l’encyclique du pape François (La fraternité humaine, 2020).

– Le Liban, acteur privilégié pour l’arabité du pluralisme et de la civilisation, avec la contribution de chrétiens éminents à la renaissance arabe d’autrefois, en pleine conformité à la philosophie même de l’islam sur le pluralisme juridique.

– Le Liban, facteur de stabilité régionale, de restauration de la solidarité arabe et l’émergence d’un régime efficient de sécurité arabe régionale et pour la paix internationale.

Il faut ajouter d’autres considérations persistantes en dépit des désastres et mondialement reconnues : rayonnement de la diaspora libanaise, beauté de la nature, îlot de liberté dans une région ravagée par l’autoritarisme et non l’arabité du pluralisme et de la civilisation, rayonnement éducatif et culturel dans tous les domaines…

2. Les dangers. Les menaces à l’encontre du Liban nécessaire et « si important » découlent à la fois de structures mentales libanaises et de mutations dans les relations internationales. Le Liban est menacé par trois structures mentales :

– Aliénation culturelle, avec la considération que l’entité nationale et constitutionnelle libanaise est, dans ses fondements, traditionnelle en comparaison avec des formes constitutionnelles de pays comme la France, la Grande-Bretagne, les États-Unis d’Amérique…

– Esprit jacobin, qui voudrait fondre dans un moule la diversité culturelle en vue de l’édification nationale.

– Ignorance de la diversité historique des modes d’édification nationale par des auteurs qui n’ont pas suivi les recherches internationales comparatives, depuis surtout les années 1970, notamment la conférence internationale à Cerisy-la-Salle en France, l’édification nationale dans diverses régions, notamment à propos de nations contractuelles ou par des pactes dans les cas notamment des pays suivants : Suisse, Autriche, Pays-Bas, Irlande du Nord, Afrique du Sud, Ghana, Liban… Il en découle l’incompréhension par des Libanais, et souvent par d’éminents historiens, de la proclamation de l’État du Grand Liban, le 1er septembre 1920, le constitutionnalisme de 1926, le pacte de 1943… et le rejet idéologique du pacte pour y revenir ensuite avec quelque nouveau décor !

L’imaginaire mental chez des intellectuels sans expérience et le complexe d’infériorité en ce qui concerne l’entité constitutionnelle nationale contribuent à la propagation de palabres sur le « confessionnalisme », le « confessionnalisme politique »… sans méthode ni dans le diagnostic ni dans la thérapie, alors qu’il faut se référer à la théorie du pluralisme juridique et aux normes de l’autonomie personnelle (articles 9, 10 et 19 de la Constitution) et de la discrimination positive (article 95 de la Constitution).

Il faudra désormais se comporter avec les idéologues et les complexés avec le maximum de méfiance. Des intellectuels ébranlent en effet dans la conscience collective la légitimité du Liban, avec une modernité verbale, et rejoignent l’idéologie sioniste à propos du Liban : « Erreur historique et géographique ! »

L’autre danger sur le Liban nécessaire et « si important » est le

Liban-arène (sâha) ! Après la régression des guerres entre États en raison de l’armement nucléaire et de l’armement sophistiqué, des guerres par procuration se répandent dans des États fragiles ou fragilisés. Leur pluralisme est exploité et manipulé pour des objectifs d’hégémonie sectaire interne et régionale. Pas d’immunité pour le Liban nécessaire et message sans un traumatisme salutaire, une mémoire collective et partagée, et une remédiation au complexe libanais de la Sublime Porte, en vue du passage, institutionnalisé et culturel, du pays-arène (sâha) au Liban-patrie.

3. Les conditions. Elles résident dans deux perspectives, culturelle et institutionnelle.

– Culturellement, si nous soumettons la production d’intellectuels sans expérience, d’idéologues, de doctrinaires sur la modernité et des palabres sur le « confessionnalisme » et le « confessionnalisme politique », depuis 1920, au tribunal de l’effectivité, le résultat est nul ! Il s’agit d’opérer une révision en profondeur à propos des fondements de l’entité libanaise, sans aliénation culturelle ni ignorance des formes d’édification nationale et de gestion démocratique du pluralisme en conformité au patrimoine arabe et musulman de pluralisme juridique.

– Sur le plan institutionnel, la gouvernabilité du Liban, un et pluriel, implique quatre conditions prérequises qui se dégagent de la Constitution même : souveraineté d’abord, dans un État détenteur exclusif de ses quatre attributs régaliens (rex, regis, roi), monopole de la force organisée avec une armée et non deux, monopole des rapports diplomatiques avec une diplomatie et non deux et en conformité au préambule de la Constitution libanaise, « Liban arabe par son identité et son appartenance », perception et gestion de l’impôt, gestion des politiques publiques ; le président de la République est le « chef de l’État qui veille au respect de la Constitution » (article 49) ; la formation de gouvernements « exécutoires » (ijrâ’iyya) comme qualifiés dans le chapitre 4 de la Constitution et non de mini-Parlements qui, par nature, violent le principe de séparation des pouvoirs et dénaturent le régime parlementaire pluraliste libanais et le transforment en régime d’assemblée qui institutionnalise la dictature au sommet, la corruption et le partage de prébendes ; acculturation de l’État dans la conscience collective à travers une historiographie scientifique et réaliste, et à travers les divers pôles de socialisation dont l’éducation, en pleine conformité au cadre général de l’enseignement préuniversitaire proclamé au Grand Sérail gouvernemental le 15 novembre 2022.

Chaire Unesco – USJ

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Le Liban est-il et demeure nécessaire pour les Libanais, les Arabes et le monde ? Il se répand aujourd’hui que le Liban est un « monstre ingouvernable » (Le Monde, 30/11/2020), un « champ de mines », d’après des expériences historiques diplomatiques, un « maître sévère », d’après William Quant dans les années 1980… On continue...

commentaires (1)

Le Liban c’est un petit grand pays, dans l’ancien testament 23 fois il est nommé, dans le nouveau testament le Christ a été Tyr et Saida ( Sidon ) et Canaa, que Dieu protège notre Liban

Eleni Caridopoulou

01 h 37, le 23 août 2023

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Commentaires (1)

  • Le Liban c’est un petit grand pays, dans l’ancien testament 23 fois il est nommé, dans le nouveau testament le Christ a été Tyr et Saida ( Sidon ) et Canaa, que Dieu protège notre Liban

    Eleni Caridopoulou

    01 h 37, le 23 août 2023

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