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Nos Lecteurs ont la Parole

Tueurs de l’État, voleurs de la République !

Comment ne pas voir l’effondrement de l’État et comment ne pas entendre la souffrance du peuple ? L’État n’arrive pas à gérer la nation, la population. L’État n’arrive pas à protéger ses frontières. L’État n’a pas le gouvernement qui assume le pouvoir politique et la souveraineté de la nation. Quant à la République et le système politique qui incarnent la souveraineté, ils sont assumés par les élus du peuple en tant que pouvoir pour une bonne gouvernance. Tout cela fait défaut.

Tous les observateurs du monde, les médias, les politiques qualifient nos responsables de corrompus. Il n’y a que de petits groupes de Libanais qui continuent à en suivre certains par intérêt, par une déviance haino-agressive ou bien par un attachement passionnel. Un fossé générationnel entre les Libanais nous révèle un abîme d’incompréhension. Les pères fondateurs avaient posé les bases d’une nation, d’un État, d’une république avec des hommes d’État honnêtes et capables. Un rêve commun faisait le ciment d’une union évoluant par étapes pour aboutir à une république viable malgré ses imperfections. L’État actuel du Liban s’éloigne de plus en plus par le dévoiement de groupes qui gouvernent et par leur trahison des principes de l’État. Notre pays se déclasse à tous les niveaux : monétaire, économique, social, culturel, éducatif et en soins de santé. De plus, nous assistons à une détérioration de la nature et un manquement aux règles d’urbanisme. L’occupation des propriétés d’autrui et des espaces communs ou collectivités locales ne fait que s’étendre. En général, un mécontentement profond tourne en révolte, la révolte évolue en révolution partout dans le monde, sauf au Liban où tout est figé en attendant on ne sait quelle solution. Comme si le Libanais hésitait à réagir ou à comprendre le sens de la révolte. Il est plus enclin à accepter le servage qu’à lutter pour sa liberté. Une liberté tant proclamée et tant chantée par le passé. Ce choc subi par les Libanais remonte à des dizaines d’années passées sans solutions. Des miliciens se sont emparés du pouvoir, ils se maintiennent par la force des armes et font dévier toutes les institutions à leur solde. Malgré des élections dites démocratiques, des miliciens se confirment dans leurs fonctions et élargissent les profiteurs autour d’eux. Cette génération de miliciens semble compter sur l’inconscience du Libanais, sur l’oubli, sur le blocage de la justice. Toutes les réformes indispensables sont en veilleuse. Ces réformes sont étalées par les médias, mais le gouvernement ne fait aucune action ou application. Les accords avec le Fonds monétaire ne voient pas le jour faute d’avoir les chiffres exacts et faute d’un accord intérieur. Les décideurs oublient le roman national et empêchent toute transmission du pouvoir et tout effort de redressement. La société civile se débat et ne trouve aucun point de ralliement. Ces mêmes décideurs augmentent les impôts face à une inflation galopante et le peuple s’enfonce dans une misère sordide (prix du pain, de l’électricité, internet, téléphone et eau). Les jeunes générations postmiliciennes semblent absentes ou insouciantes. Au lieu de lutter pour prendre la relève, elles ne regardent pas la réalité, ne voulant rien voir. Les jeunes semblent se désintéresser de l’avenir et pourtant c’est leur lendemain qui se joue et qui se dessine sans eux. La plupart des jeunes se détournent de l’essentiel pour des activités stériles, la recherche de distractions et de loisirs.

Les idéaux sociaux sont en mutation dans le monde et au Liban. Les règles de la famille, de la société et même de la religion sont mises en cause dans différents milieux. On aboutit à une société sans règles, une société éclatée où domine l’exhibition et la jouissance. En face, il y a une nouvelle conjonction de l’autorité et du sacré. Cela a prédominé pendant des siècles où le pouvoir a été théologico-politique. De nos jours, c’est presque la fin du politique au profit du sacré.

La majorité de nos politiques s’accrochent à leurs postes, s’abritent derrière le sacré ou attendent un appui de l’extérieur, ou bien les deux à la fois. Ils espèrent certains succès tactiques au risque de tomber dans une faillite stratégique. Toutes les tractations entre les groupes politiques semblent un marchandage de bas niveau. L’élection d’un président est une chose importante, la formation d’un gouvernement est aussi importante. Mais le plus important est de retrouver une république libérée de ses déviances, capable de fonctionner démocratiquement et rationnellement sans blocage. Le plus important est le fonctionnement de l’État. Le Liban est face à une crise de repères. Le Libanais est comme étourdi, ne sachant où aller, mais il ne fait que fuir ou se plaindre. Les vieux ressassent un passé de bonheur et de rêves : « C’était le bon temps. » Les jeunes semblent dans le déni, une façon confortable de plonger dans la jouissance, à « vouloir le beurre et l’argent du beurre ». La perte de repères entraîne un doute qui balaie nos certitudes (notion de patrie en déclin, une confiance économique impossible, un moral en berne). Mais il faut réagir, affronter par tous les moyens et ne pas oublier. Ne pas oublier surtout le 4 août 2020, qui reste une plaie ouverte pour l’histoire, avec la souffrance des parents des victimes. Cette plaie restera une énigme de l’histoire jusqu’au jour où certaines grandes puissances voudront dévoiler le secret qu’elles partagent avec les acteurs du drame. Nous voulons rappeler que le Liban pourra sortir de ce tunnel lugubre par des responsables qui oseront exprimer la vérité et se réunir pour planifier le redressement. Ne pas oublier surtout le poids des réfugiés syriens et des Palestiniens par une activité diplomatique incessante dans les quatre coins du monde. En son temps, le calife Maamoun a fait ériger à Bagdad « la maison de la sagesse » (Beyt el-Hekmé) pour réunir tout le savoir du monde. Il voulait protéger les savants, les philosophes, les gens créateurs et cultivés. C’était la période florissante qui pouvait concilier le ciel et la terre. D’ailleurs, avoir le doigt sur la gâchette ne peut durer qu’un temps. Ce qu’il faut, c’est créer un consensus politique et insuffler un élan national, protégé par l’armée libanaise. Il y a intérêt à régler le problème libanais par les Libanais honnêtes et courageux qui peuvent repenser le roman national et agir selon les grands principes démocratiques. Le Liban restera en difficulté, pas tant à cause de ceux qui font du mal, mais à cause de ceux qui voient et se taisent. Rappelons une réflexion en médecine où le patient demande à son médecin : « Quel est votre pronostic, docteur ? » La réponse : « Tout dépend de votre chirurgien ! » Pour le Liban, tout dépendra des personnes d’action honnêtes et dynamiques à venir, ni tueurs ni voleurs.

Psychiatre, psychanalyste

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Comment ne pas voir l’effondrement de l’État et comment ne pas entendre la souffrance du peuple ? L’État n’arrive pas à gérer la nation, la population. L’État n’arrive pas à protéger ses frontières. L’État n’a pas le gouvernement qui assume le pouvoir politique et la souveraineté de la nation. Quant à la République et le système politique qui incarnent la...

commentaires (2)

L'Histoire nous apprend, que le calife Haroun al Rachid ( 765 - 809 ) contemporain de Charlemagne, se déguisait pour aller de nuit, dans les souks de Bagdad, pour mieux écouter les plaintes et les doléances de ses sujets, afin de pouvoir y remédier, Le roi de France, Saint Louis ( 1214 - 1270 ) grâce à ses envoyés dans les rues de sa capitale Paris, lui aussi se tenait au courant des récriminations de son peuple, pour une meilleure gouvernance. Voici donc, il y a un millier d'années, l'exemple de deux monarques soucieux du bien - être de leurs concitoyens, une invitation aux dirigeants du pays des cèdres, pour méditer longuement sur l'Art de Gouverner avec sagesse et justice ! Raymond Melki

MELKI Raymond

15 h 42, le 19 septembre 2023

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Commentaires (2)

  • L'Histoire nous apprend, que le calife Haroun al Rachid ( 765 - 809 ) contemporain de Charlemagne, se déguisait pour aller de nuit, dans les souks de Bagdad, pour mieux écouter les plaintes et les doléances de ses sujets, afin de pouvoir y remédier, Le roi de France, Saint Louis ( 1214 - 1270 ) grâce à ses envoyés dans les rues de sa capitale Paris, lui aussi se tenait au courant des récriminations de son peuple, pour une meilleure gouvernance. Voici donc, il y a un millier d'années, l'exemple de deux monarques soucieux du bien - être de leurs concitoyens, une invitation aux dirigeants du pays des cèdres, pour méditer longuement sur l'Art de Gouverner avec sagesse et justice ! Raymond Melki

    MELKI Raymond

    15 h 42, le 19 septembre 2023

  • Il faut dire la vérité il y a des chrétiens traîtres , pas tous heureusement

    Eleni Caridopoulou

    16 h 59, le 18 août 2023

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