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Culture - Quoi qu’on en lise

« Maradona, Tyson et Tonna »

« Dans le sport, il y a Maradona, Tyson et Tonna », affirme un vieil ami du boxeur Gratien Tonna dont le destin n’a pas été celui qu’il méritait selon ses proches. L’écrivain Didier Castino s’est penché sur l’histoire de cette légende de la boxe, de ce mythe marseillais, dans son roman « Boxer comme Gratien ».

« Maradona, Tyson et Tonna »

Pourquoi Gratien Tonna boxe-t-il ? se demande l’écrivain Didier Castino tout au long de son roman. Portrait par Chloé Vollmer

C’est dans le sac à main d’Oona que j’ai trouvé Boxer comme Gratien de Didier Castino. Oona est attachée de presse, mais elle ne travaille pas pour la maison d’édition qui a publié ce livre. Il est toujours bon de découvrir ce que les attachés de presse lisent vraiment. Oona boxe aussi à ses heures perdues. Je me suis toujours demandé pourquoi cette jeune femme de trente ans boxait, ce qui la poussait à pratiquer ce sport qui la passionne. Elle m’a même dit, après avoir terminé son deuxième verre de vin : « Demain, je vais m’en prendre plein la gueule à la salle par mes deux meilleurs amis, mais c’est très bien. » Sa remarque m’en rappelait une autre, du fils d’une amie qui, désemparée de voir son jeune adolescent se rendre à la boxe quatre fois par semaine, s’interrogeant sur ce qu’elle avait raté dans son éducation, lui avait demandé : « Mais pourquoi tu aimes ça ? » Il lui avait répondu : « Parce que j’aime prendre des coups. »

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Des coups, le boxeur Gratien Tonna en a donné. Dans les années soixante à Tunis quand il était jeune. Gratien aimait se battre. Il s’est fait remarquer dans la rue et on l’a emmené s’entraîner dans une salle, on l’a mis sur le ring. La boxe, il est tombé dedans par hasard. Boxer comme Gratien revient sur l’histoire de ce champion déchu, de ce Maltais né à Tunis qui a passé une grande partie de sa vie à Marseille. Là-bas, tout le monde le connaît ou presque ; quand on dit Gratien, les Marseillais répondent du tac au tac Tonna, Gratien Tonna. L’homme a tout vu, tout vécu : la pauvreté, la gloire, la déchéance, les médailles, la prison, les hôtels de luxe et maintenant une vie sans le sou dans un mobile home. C’est là que débute ce roman, quand Hervé, écrivain, accompagné par son ami Édouard, va à la rencontre du boxeur âgé maintenant de plus de soixante-dix ans pour écrire sa biographie. Durant une journée entière qui finira dans l’ivresse, Hervé le suit et cherche à percer le mystère de cet homme démuni, un peu voyou, trop généreux, vainqueur de cinq titres de champion de France et deux d’Europe.

Alors oui, pourquoi les gens boxent ? Pourquoi Gratien Tonna boxe ? Pourquoi Oona boxe ? Cette question, Hervé, qui n’est pas amateur de ce sport, se la pose tout le long du roman. Pour Gratien, c’est presque une évidence : il ne savait ni lire ni écrire, il n’y avait que la boxe pour lui. C’était même inné. Avant même de monter sur un ring, il savait déjà y faire. Il avait également le physique qui allait avec, « il a une tête de boxeur. Il en a la beauté ». En plus de cette réponse qui semble aller de soi, Hervé en trouve une autre, plus insaisissable, et c’est un vieil ami de Gratien qui la lui donne : « Si on savait ce qui se passait dans sa tête, la boxe n’existerait plus. Ça, c’est la vérité. Il y a en Tonna comme en chacun une part obscure où la vérité n’a plus de sens, plus d’importance. » C’est donc, peut-être, dans ce non-lieu que se situerait la raison véritable pour laquelle les gens boxent : dans la part obscure où la vérité n’a plus de sens.

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« Boxer comme Gratien », Didier Castino, éditions Les Avrils

Écrivain, journaliste, photographe et commissaire d’exposition, Sabyl Ghoussoub a reçu le prix Goncourt des lycéens pour son livre « Beyrouth-sur-Seine », aux éditions Stock. Sa traduction en arabe vient de paraître chez Dar el-Jadeed.  Il a publié auparavant deux autres romans aux éditions de l’Antilope : « Le nez juif » et « Beyrouth entre parenthèses ».

C’est dans le sac à main d’Oona que j’ai trouvé Boxer comme Gratien de Didier Castino. Oona est attachée de presse, mais elle ne travaille pas pour la maison d’édition qui a publié ce livre. Il est toujours bon de découvrir ce que les attachés de presse lisent vraiment. Oona boxe aussi à ses heures perdues. Je me suis toujours demandé pourquoi cette jeune femme de trente ans...

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