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Culture - Rétrospective

Aimée Boulos et le cinéma libanais : un engagement indéfectible

La présidente de la Fondation Liban Cinéma Maya de Freige revient pour « LʼOrient-Le Jour » sur les différents projets accomplis par Aimée Boulos (30 octobre 1933- 12 août 2023), grande figure du 7e art. 

Aimée Boulos et le cinéma libanais : un engagement indéfectible

Aimée Boulos, une dame de fer à sa manière. Photo Michel Sayegh/Archives L'OLJ

Que dire encore qui n’a pas été déjà dit à travers les nombreux témoignages qui ont suivi la triste nouvelle de sa disparition ?

Qui évoque Aimée Boulos pense cinéma libanais. Cette association systématique liant le personnage au 7e art se fait naturellement. Aimée et le cinéma, c’est une longue histoire d’amour, plus qu’une passion, je dirais une conviction qu’elle a réussi à transmettre au fil des années à des générations, tous les âges et genres confondus.

Aimée Boulos. Je ne lʼai pas connue durant les années 80. Un temps où Beyrouth et tout le Liban subissaient encore les affres de la guerre, sʼembrasaient quotidiennement sous des déluges de feu et de fer... Un temps où elle a réalisé son projet fou, lʼAldec - Association libanaise pour le développement de la culture, une ode à la culture de la vie, entraînant derrière elle un public à sortir de ses abris, de ses peurs... lui offrant un havre de paix en couleur. Elle était là, une dame de fer à sa manière, m’a-t-on dit, placide, calme et sereine...

Je ne lʼai pas connue lorsqu’elle a cofondé lʼIesav - Institut des études scéniques et audiovisuelles. Jʼai raté les péripéties au quotidien de son autre pari, quand elle avait cru en lʼélan et l’enthousiasme de la jeunesse du Liban. LʼIesav fut un réceptacle de ses soubresauts créatifs. Seule elle pouvait endiguer toute cette énergie primitive et chaotique... lui offrant une éducation en émulation avec les plus grandes universités internationales.

Et puisque jamais deux sans trois ! Me voilà à lʼaube de ma première rencontre avec Aimée. Un ami commun qui nous a quittés trop tôt œuvra à sa réalisation. Un fidèle acquis à la cause de la Fondation Liban Cinéma qui remarquait mon enthousiasme pour le cinéma libanais, une industrie culturelle prometteuse, étayée par une expérience riche au sein du ministère de la Culture. Il jugeait que je pouvais apporter à cet organisme de la société civile un autre regard, une valeur ajoutée fruit dʼun possible partenariat entre un secteur privé dynamique et créatif, et un secteur public cimetière le plus souvent des espoirs et des rêves. Et la rencontre fut... Je fus séduite par l’énergie contagieuse d’Aimée, par des rêves qui cherchaient des adhérents, mais surtout, par un amour débordant pour le cinéma et le monde qu’il représente.

Nous sommes en 2003, date de création de la Fondation Liban Cinéma. Aimée déploie son conducteur de rêves comme un stratège qui déploie devant lui ses cartes, boussole et équerre à la main. Des idées simples et claires. Elle fixe ses objectifs et agit sur plusieurs fronts : elle accorde sa priorité à la production à travers la mise en place d’un fonds de soutien, le financement étant le problème majeur auquel font face les cinéastes. Son passage à la tête de l’Iesav lui avait ouvert les yeux sur une réalité : la nécessité de compléter la formation académique par une formation professionnelle continue, indispensable à un secteur en constante mutation. Ateliers et séminaires spécialisés vont être dispensés à un rythme annuel, insistant sur l’écriture du scénario, maillon faible de la chaîne de production.

Raisonnable, Aimée visait lʼimpossible avec une foi amplement suffisante pour déplacer des montagnes.

Mais Aimée réussissait aussi à emballer, à entraîner dans ses élans et caprices les plus fous. « Yalla !  Le cinéma libanais va arpenter à nouveau le tapis rouge du Festival de Cannes à côté de ses grands manitous. » On voyait dans ses yeux les éclats de milliers de flashes qui étincelaient en même temps. Les mêmes qui, en mai de chaque année, nous accueillaient sur les marches de la Croisette. Depuis 2005, Aimée réussit à créer un précédent, à instaurer un rendez-vous fixe et récurrent. Le cinéma libanais à Cannes. Le Liban à Cannes.

Pour elle, cette tribune internationale est un passage obligé avant toutes les autres, pour le développement de l’industrie cinématographique libanaise et la promotion à travers ses films d’une autre image du Liban que celle véhiculée par la guerre, celle de sa diversité culturelle, de son ouverture sur les mondes arabe, francophone et anglophone, de la richesse de son patrimoine historique et naturel, de ses ressources humaines et techniques hautement compétitives qui en feraient, volonté politique aidant, un centre régional de production et de postproduction. Occasion ratée, on le verra plus tard, comme tant d’autres… « À ce grand rendez-vous cinématographique international, Aimée a toujours tenu à répondre présent, parfois seule, sans moyens financiers et contre tous. Et elle y a réussi, impliquant les pouvoirs publics à force de détermination, de persévérance et de persuasion.

…et la saga continue.

La pendule d’Aimée pointant toujours en direction du futur, ses projets allaient se pencher cette fois-ci sur le « passé » ! Dans un souci de sauvegarder la mémoire des Libanais, de réhabiliter l’âge d’or des « trente glorieuses » libanaises… cap sur le patrimoine filmique pour le redécouvrir et le léguer aux générations futures. Désormais, la mission de la Fondation Liban Cinéma consiste à nettoyer et à valoriser les pellicules d’anciens films. Mais c’est le Plan images archives qui lui tient le plus à cœur, un projet de longue durée, à savoir la restauration et la numérisation des archives de Télé Liban, ces trésors-témoins de l’histoire politique, culturelle, sociale et sportive du Liban entre les années 1960 et 1980.

Chère Aimée. Tu nous as quittés, mais tu resteras toujours présente à travers ton legs : la Fondation Liban Cinéma, laquelle, en dépit de toutes les difficultés, poursuivra sa mission, forte de ton exemple, de tes enseignements et de tes valeurs, gardant toujours à l’esprit l’image de ton sourire. Contre vents et marées, nous retiendrons les talents libanais au pays, reprendrons avec eux le chemin du Festival de Cannes, mais surtout, réussirons enfin à créer ce fonds de soutien si nécessaire à l’épanouissement du cinéma et au rayonnement du Liban.


Maya de Freige

Présidente de la Fondation Liban Cinéma

Que dire encore qui n’a pas été déjà dit à travers les nombreux témoignages qui ont suivi la triste nouvelle de sa disparition ?Qui évoque Aimée Boulos pense cinéma libanais. Cette association systématique liant le personnage au 7e art se fait naturellement. Aimée et le cinéma, c’est une longue histoire d’amour, plus qu’une passion, je dirais une conviction qu’elle a réussi...

commentaires (1)

Très bel hommage…. Qui me fait regretter de n’avoir pas connu cette grande dame! Un combat à continuer ..,

Madi- Skaff josyan

11 h 55, le 17 août 2023

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Commentaires (1)

  • Très bel hommage…. Qui me fait regretter de n’avoir pas connu cette grande dame! Un combat à continuer ..,

    Madi- Skaff josyan

    11 h 55, le 17 août 2023

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