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Le Petit Liban

Depuis sa création en 1920, le Liban n’a jamais fait plus de 10 452 km2. À bien des moments pourtant, au cours de ce dernier siècle, il a semblé beaucoup plus grand que cela. Le pays du Cèdre a suscité un réel intérêt, qui peut parfois paraître disproportionné pour un si petit territoire ne contenant pas de richesses naturelles, de la part des plus grandes puissances internationales et régionales. Beyrouth était l’endroit où il fallait être pour comprendre la région, pour en rencontrer les plus grands artistes, écrivains, journalistes et hommes d’affaires. C’est là que certaines idées naissaient et que d’autres étaient diffusées dans tout le monde arabe.

Ce temps est malheureusement révolu. Il ne s’agit pas ici d’alimenter une nostalgie souvent artificielle et fataliste, mais de voir la réalité telle qu’elle est et non telle qu’on voudrait qu’elle soit pour s’y adapter au plus vite.

Nous, Libanais, avons la fâcheuse tendance à penser que le monde tourne encore – à supposer que ce fut un jour le cas – autour de nous. Or, le monde n’en a que faire. Certains acteurs voient évidemment le Liban comme un espace stratégique en raison de sa proximité avec Israël et de la présence du Hezbollah. D’autres ont encore une attache sentimentale pour un pays qui laisse rarement indifférent. Mais de façon générale, le Liban n’intéresse plus personne. Tant les Occidentaux, à l’exception des Français, que les Arabes se sont lassés de ses querelles de clocher, de sa profonde allergie aux réformes et de son incroyable capacité à toujours rejeter la faute sur l’extérieur.

Le monde a le regard tourné vers la guerre en Ukraine, vers les tensions en Asie et la rivalité sino-américaine. Il doit se préparer ou se prépare déjà depuis des années à une double révolution écologique et numérique. Où est le Liban dans tout cela? Quelle est sa contribution à tous ces sujets majeurs qui vont façonner le monde de demain ? Voilà les questions qu’un pays avec autant de ressources humaines que le nôtre devrait se poser.

Mais nous sommes si loin de tout cela. Pire, nous reculons, si bien qu’un siècle après sa création, le Grand Liban paraît bien petit. Il y a bien sûr des milliers d’initiatives individuelles qui font encore la fierté du pays. Mais collectivement, nous avons échoué. Et cet échec ne peut être seulement imputé hier aux Palestiniens et au panarabisme, aujourd’hui au Hezbollah et à l’Iran.

En 2019, nous avons vécu une parenthèse enchantée. Pour la première fois dans l’histoire du Liban, toutes les communautés sont descendues dans la rue pour réclamer la fin d’un « système », sans trop savoir le définir ni par quoi elles souhaitaient le remplacer. Au moment où l’État finissait de se déliter, un embryon de nation apparaissait, comme un dernier chant du cygne. Mais presque quatre ans après, tout cela ressemble à un mirage. Les esprits se sont recroquevillés. Les identitarismes se sont réaffirmés. Le séparatisme a gagné du terrain. Et le Liban est redevenu petit. Plus aucun projet collectif ne parvient à en émerger.

Le Hezbollah a largement participé à cet appauvrissement général de la pensée, en instaurant un régime de terreur qui laisse peu de place à l’imagination. Mais même pour le combattre, ses adversaires ne proposent aucune stratégie susceptible de réunir le plus grand monde, au-delà des slogans creux et réactionnaires.

Le Liban est en train de devenir un agglomérat artificiel de territoires plus qu’un pays. Un endroit où l’on boit, l’on mange et l’on s’amuse, où l’on blanchit de l’argent et où l’on fabrique du Captagon, où l’on veut interdire Barbie et où l’on fait la chasse aux homosexuels. Mais où l’on a renoncé à construire un État, à bâtir une nation.

Depuis sa création en 1920, le Liban n’a jamais fait plus de 10 452 km2. À bien des moments pourtant, au cours de ce dernier siècle, il a semblé beaucoup plus grand que cela. Le pays du Cèdre a suscité un réel intérêt, qui peut parfois paraître disproportionné pour un si petit territoire ne contenant pas de richesses naturelles, de la part des plus grandes puissances...

commentaires (21)

Excellent article mais il manque un point important pour démontrer que le principale responsable n’est pas seulement Hezbollah mais Aoun et surtout Bassil promulgué sultan tout puissant qui a tout fait pour lui personnellement et s’est asservi pour cela au Hezbollah Et le vieux Aoun l’a laissé faire QUEL DOMMAGE POUR LE PEUPLE DE CE SI BEAU PAYS EN ESPÉRANT QUE NASRALLAH NE FERA PAS SUBIR AUJOURDHUI MÊME UNE NOUVELLE GUERRE AVEC ISRAËL POUR OBÉIR AUX DÉSIRS DE L’IRAN ET ANÉANTIR LE LIBAN DE NOS RÊVES

LA VERITE

05 h 13, le 17 octobre 2023

Tous les commentaires

Commentaires (21)

  • Excellent article mais il manque un point important pour démontrer que le principale responsable n’est pas seulement Hezbollah mais Aoun et surtout Bassil promulgué sultan tout puissant qui a tout fait pour lui personnellement et s’est asservi pour cela au Hezbollah Et le vieux Aoun l’a laissé faire QUEL DOMMAGE POUR LE PEUPLE DE CE SI BEAU PAYS EN ESPÉRANT QUE NASRALLAH NE FERA PAS SUBIR AUJOURDHUI MÊME UNE NOUVELLE GUERRE AVEC ISRAËL POUR OBÉIR AUX DÉSIRS DE L’IRAN ET ANÉANTIR LE LIBAN DE NOS RÊVES

    LA VERITE

    05 h 13, le 17 octobre 2023

  • ca me blesse de lire cet article...car la verite blesse...Merci

    Jack Gardner

    11 h 22, le 23 août 2023

  • Bien dit, bien pensé, Mais quel Libanais a, la solution miracle, à court, ou long terme? Un si petit pays, à la fois adoré et hais, par les voisins, jaloux de ses succès, dansant prématurément à la cérémonie d'enterrement?? Que cela s'appelle Beyrouth ou Lubnan, ils ont en vu d'autres et redeviendront mieux qu'avant, avec l'aide du tout puissant et ses aides.

    Samir ZIADE

    10 h 41, le 21 août 2023

  • C'est bien écrit et pensé, Mais, qui des Libanais a une solution, acceptable et fonctionnelle ? à court ou long terme?

    Samir ZIADE

    10 h 32, le 21 août 2023

  • Très bonne analyse de la situation, merci

    Saliba Patricia

    23 h 43, le 18 août 2023

  • Votre article correspond, mot pour mot, à ce que je pense depuis une 15aine d'année. Et c'est la première fois que je lis une analyse d'une telle honnêteté politico-intellectuelle sur la situation du Liban. A force de vouloir se dédouaner à n'importe quel prix de toutes ses erreurs, tant celles de ses dirigeants que celles de ses habitants, le Liban a perdu sa "grandeur" pour reprendre vos mots, et plus que tout, son âme :( Ma mère avait coutume de dire que l'argent était un bon serviteur mais un mauvais maître. Dieu sait combien elle avait raison. Dommage que ce soit le talon d'Achille du Liban. Enfin... un des deux.

    Sarah Abboud

    18 h 40, le 16 août 2023

  • Bravo Anthony !!!quel diagnostic juste et courageux par qu il a le mérite de dire la vérité !! Pour ceux qui peuvent l entendre . Vous avez été personnellement témoin de mon retour et mon installation à Beyrouth après 40 and d absence !! J ai restauré l appartement de ma mère et y ai investit toutes mes économies .J ai repris contact avec tout le milieu libanais et arabe avec qui je partage tant ,sur le plan politique et culturel . Moi qui aime le Liban , mon pays de naissance ou mes parents et grands parents sont enterrés, et la Palestine la cause du peuple auquel j appartiens . Mais aujourd’hui je n ai plus envie d y vivre pour toutes les raisons que vous analysez si bien . Et ça me fend le cœur et me rend très triste . Bravo pour ce journal que je lis tous les jours et qui est la dernière chose qui me rattache à ce beau pays détruit par l aveuglement de son élite politique tout bord confondus . Leila Shahid

    Chahid Leila

    16 h 53, le 16 août 2023

  • Que c'est vrai... et pourtant, il fallait aussi mentionner les assassinats qui ont minés la volonté de survie du Liban et l'ont écrasé, à chaque fois qu'une voix se levait pour nous rendre notre fierté de patriote libanais et ramener notre volonté de survie. L'acharnement destructeur qu'on subit ne cesse de nous martyriser

    Wlek Sanferlou

    04 h 52, le 16 août 2023

  • Juste un petit rappel. Ce n'est pas 17 communautes mais bien 18, oui 18!

    IMB a SPO

    17 h 48, le 15 août 2023

  • Voilà c’est dit. Malheureusement il y a encore des libanais qui font passer leurs abrutis de zaims avant leur pays d’où notre désespoir de voir un jour ce pays requérir sa place dans le monde qui n’était pas beaucoup plus grande mais au moins très apprécié pour sa culture, son ouverture au monde et son bon vivre. Nous étions fiers de dire que nous sommes libanais. A présent nous sommes connus à cause des explosions, les vols et des crimes commis par ses propres enfants qui s’acharnent encore sur le corps de leur pays déjà déchiqueté. Quelle honte.

    Sissi zayyat

    14 h 51, le 15 août 2023

  • Très bon éditorial. Clair. Je crois cependant qu'il vaut mieux se réjouir et espérer que tout le monde nous oublie (=TOUT LE MONDE). Nos chers et nos détestés voisins. Mais aussi ceux qui prétendent que nous sommes des "mendiants" alors qu'ils injectent leur argent dans les poches de leurs agents qui les aident à asseoir leurs intérêts personnels et géopolitiques. Notre peuple à prouvé que 17 confessions peuvent vivre ensemble à condition qu'on le laisse tranquille. On a vécu 7 ans sans président. On vit depuis plusieurs mois sans premier ministre. On a vécu depuis 30 ans avec un Président du Parlement bourré de conflits d'intérêt. Qui est celui qui osera dire: KAFA. Les 17 communautés libanaises sont formées de citoyens libanais et égaux. Et libres dans le cadre d'une loi qu'il faut respecter. Commençons à reconstruire le pays en sécurisant ses frontières. Commençons à souder un peuple en commençant à construire des écoles primaires qui permettront de former les citoyens de demain. Il y a beaucoup à faire. Et notre peuple sait que c'est impossible. Mais il le fera.

    sejean sejean

    12 h 57, le 15 août 2023

  • Merci pour ton édito - super bonne reflexion!

    Christopher Tegho

    11 h 26, le 15 août 2023

  • Vous avez parfaitement exprimé la triste réalité que beaucoup s'attardent à se l'avouer.

    Kgz

    10 h 54, le 15 août 2023

  • Tellement vrai.

    Brunet Odile

    10 h 19, le 15 août 2023

  • Encore une fois mr samrani vous avez raison et merci de nous envoyer en pleine gueule notre vérité toute crue… et cruelle. Et maintenant quoi? Pouvez-vous éclairer notre lanterne? Nous avons tellement besoin de voir, d’imaginer et de croire a des lendemains meilleurs !

    Madi- Skaff josyan

    10 h 13, le 15 août 2023

  • Ou la vérité toute nue .... Bravo pour cet éditorial .... Le mal est à l'intérieur d'abord

    COURBAN Antoine

    09 h 42, le 15 août 2023

  • bien dit

    Ma Realite

    08 h 23, le 15 août 2023

  • Entièrement d'accord. Pour moi ce renoncement est aussi et de toute façon affaire de ressources humaines désormais et sans vraies réformes (et encore) pour de bon insuffisantes, que ce soit au niveau des capacités ou de la volonté, pour l'avancement du bien commun, autrement dit susceptibles de s'intéresser au renforcement et au fonctionnement des institutions et du service public avant tout par vocation. En bref, ce pays ne peut plus retenir des jeunes qui rêvent à autre chose qu'eux-mêmes, qui savent et qui peuvent.

    M.E

    08 h 09, le 15 août 2023

  • Absolument Anthony Soumrani ! Très bon article comme d’habitude et analyse on ne peut plus perspicace. Malheureusement combien de libanais adhèreraient à cette analyse ??!!

    Nadim Emile Melki

    07 h 39, le 15 août 2023

  • Très bon article, mais les vrais Libanais ont encore des projets de vraie nation , c'est à chacun de décider de réunir tous ces amoureux du Liban pour construire une stratégie. Réunions de secteurs en secteurs, pour finir par une seule réunion générale!!Au travail chacun de vous au Liban, et faites participer nous tous qui sommes à l'étranger!!!Mais commencez par trouver le moyen d'élire notre président!!!Peut-être que M. Frangié accepterait de refuser la présidence par amour pour le Liban, et permettre ainsi une vraie coalition libanaise!

    Hélène SOMMA

    04 h 52, le 15 août 2023

  • Il est surtout devenu un endroit où l'on peut commettre impunément toutes sortes de crimes: voler les fonds des déposants par milliards de dollars, faire exploser le port et la moitié de la ville de Beyrouth, tuer, piller, se livrer à des règlements de comptes.... dans l'indifférence générale!

    Georges Airut

    04 h 01, le 15 août 2023

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