Rechercher
Rechercher

Économie - Immobilier

Location d’appartements à Beyrouth : mais pourquoi est-ce si cher ?

Depuis plusieurs mois, les prix des loyers sont repartis à la hausse dans la capitale libanaise, forçant nombre de locaux à déserter certains quartiers.

Location d’appartements à Beyrouth : mais pourquoi est-ce si cher ?

Un nouvel immeuble à Gemmayzé. Photo João Sousa

Fraîchement diplômé, Ahmad* a eu beaucoup de difficultés à trouver un logement près de son lieu de travail à Achrafieh. « C’est très dur de trouver un appartement à un prix décent dans cette zone », confie-t-il. Le jeune travailleur originaire de Tripoli est finalement parvenu à trouver une colocation dans le quartier de Geitaoui, mais avec les charges supplémentaires pour l’eau et l’électricité, à la fin du mois, il ne lui reste plus grand-chose de son salaire déjà maigre.

Le cas d’Ahmad est loin d’être isolé à Beyrouth. Une étude réalisée à partir de 2021 par Beirut Urban Lab, un espace de recherche interdisciplinaire de l’Université américaine de Beyrouth, avance que près de la moitié des foyers interrogés comptent sur l’aide d’ONG pour payer leurs loyers et les frais qui les accompagnent.

S’ajoutent à cela les pénuries d’électricité et d’eau, allant et venant dans un Liban en crise depuis quatre ans et qui forcent les résidents à sous-traiter avec des fournisseurs privés pour pallier aux lacunes de l’État. Sans oublier la dépréciation de la monnaie nationale, qui a perdu plus de 98 % de sa valeur face au dollar depuis 2019, tandis que la « dollarisation » des loyers a repris de plus belle en parallèle de la reprise touristique depuis l’été 2022. 

Les jeunes Libanais interrogés se disent ainsi « frustrés » par le manque de logements adaptés et abordables sur le marché, en particulier beyrouthin. « Coincés » entre les longs trajets quotidiens pour se rendre au travail, avec des coûts en essence élevés et des loyers exorbitants sur place, beaucoup se voient donc obligés de rester chez leurs parents afin d’économiser de l’argent.

D’autant que les revenus ne suivent pas l’augmentation du coût de la vie. Selon quatre professionnels interrogés, la reprise du secteur foncier s’est démarquée en 2022 et les prix ont poursuivi leur hausse cette année. La fourchette moyenne de cette augmentation serait ainsi revenue à entre 20 et 50 % de celle d’avant la crise, les chiffres variant selon chaque expert. Et cela ne risque pas d’aller en s’améliorant, notamment avec le retour des touristes et des travailleurs étrangers au Liban.

Étrangers et Airbnb

Dans les zones les plus attractives de la capitale, comme les quartiers de Mar Mikhaël et de Gemmayzé, nombre d’appartements sont loués à des étrangers sur les court, moyen et long terme, forçant les locaux aux salaires modestes à renoncer à habiter dans ces quartiers. Les travailleurs étrangers venant d’Europe ou d’Amérique du Nord sont le profil le plus recherché par les bailleurs libanais, surtout ceux travaillant pour des ONG ou des services diplomatiques, parmi lesquels certains reçoivent de la part de leur employeur une allocation logement.

« Les étrangers représentent seulement 30 % de nos affaires, mais il est vrai que les propriétaires préfèrent généralement louer à des Européens qu’à des Libanais. Ils ont l’impression que c’est plus sûr légalement, car aucune loi ne les protège au Liban, et qu’il y a une plus grande sécurité financière », analyse Johnny Assaf, fondateur de l’agence immobilière Beirut Living. « Ils payent bien », résume Fadi*, qui loue des appartements à Furn el-Chebbak.

De plus, ce phénomène s’est amplifié avec le boom Airbnb à Beyrouth. Il y a plus de 1 000 annonces d’appartements meublés sur cette plateforme. Selon Layal Chahine, copropriétaire de Masharii Properties, une société de gestion immobilière, « rien qu’entre Gemmayzé et Badaoui, il y a plus de 250 meublés à louer ». Les bailleurs choisissent donc de mettre leur bien sur cette plateforme car ils y gagnent près du double que s’ils le louaient sur le long terme.

Une chambre à louer dans un appartement à Gemmayzé. Photo J.R.B.

Des prix... européens

Mais cela a également des conséquences négatives plus larges sur le marché. Guillaume Boudisseau, consultant à l’agence Ramco Real Estate, met en garde contre cette tendance : « Airbnb a entraîné une hausse générale des loyers et réduit le stock des appartements disponibles pour de longues périodes. »

Les prix des loyers dans la capitale finissent par rattraper ceux des villes européennes. Charlotte*, une étudiante américaine en stage pour l’été à Beyrouth, a trouvé son logement sur Airbnb. « Je paye 700 dollars par mois pour une chambre dans un appartement à Mar Mikhaël, charges de l’immeuble et générateur compris », raconte-t-elle.

Lire aussi

La vague Airbnb continue de déferler sur Beyrouth

Des tarifs qui révoltent certains acteurs du marché : « Les jeunes Libanais qui travaillent pour des entreprises locales ne peuvent pas payer ces prix-là. Si on ajoute les charges, dont le générateur, ça devient une somme énorme ! » s’insurge ainsi Walid Moussa, président du syndicat des agents et consultants immobiliers au Liban. Car l’envolée des prix de l’électricité en a fait fuir plus d’un parmi les foyers à faibles revenus de la capitale libanaise. Des familles ont fait le choix de partir habiter dans des villes où les services sont moins coûteux, leur faisant parfois rater des opportunités de travail.

« Si, en général, les charges représentent 15 à 20 % du loyer, il arrive qu’elles dépassent le prix de celui-ci selon les types de logement. Par exemple, pour un appartement entier payé 2 000 dollars par mois, les charges oscillent entre 250 et 300 dollars mensuels pour 10 ampères et les charges supplémentaires. Mais pour un appartement en colocation, dont le prix est divisé par chambre, vous paierez le même montant de charges pour l’électricité, soit peut-être plus que votre loyer, auquel peuvent s’ajouter les frais d’immeuble, d’électricité publique, d’internet et de l’eau », estime Guillaume Boudisseau.

Un appartement à louer à Ras Beyrouth. Photo G.B.

Un marché opaque

D’autant que les locataires se trouvent souvent en position de faiblesse. Le marché immobilier libanais étant en partie opaque, ils n’ont pas accès à toutes les informations nécessaires pour faire leur choix. Au Liban, aucun outil ne permet de comparer les prix des loyers en fonction de la position géographique, ce qui nuit aux locataires qui n’ont pas de point de référence pour négocier leurs loyers. Les plateformes qui se rapprochent de cette fonction sont le site propertyfinder.com ou l’application OLX. Elles comprennent néanmoins leurs inconvénients : peu de gens y listent leurs appartements et la localisation précise n’y est pas indiquée. Les groupes Facebook sont un autre moyen de partir à la chasse d’appartements à louer, mais, encore une fois, les logements n’y sont pas précisément répertoriés sur une carte.

Pour mémoire

Le secteur foncier libanais plus « opaque » que jamais

Pour échapper au gonflement des prix, il y a le bouche-à-oreille, mêlé à un peu de hasard. Ce fut le cas pour Emma et Carl*, un jeune couple franco-libanais. « On s’est baladé dans Geitaoui à la recherche des pancartes “À louer”. Finalement, on a demandé à un monsieur assis dans la rue s’il connaissait quelqu’un qui louait un appartement, et il nous a emmenés chez l’un de ses amis », raconte l’étudiante française de 23 ans. « Avec le propriétaire, on a un contrat entre nous, sous la table », plaisante son compagnon. Ce genre de procédé n’est pas inhabituel au pays du Cèdre, beaucoup de locations sur le long terme se faisant sans papier officiel.

Se rendre en agence immobilière reste donc l’option la plus sûre légalement. « Nous faisons toujours des contrats avec nos clients, mais nous ne suivons pas tout le processus d’enregistrement à la municipalité. Il est possible que certains propriétaires n’y inscrivent pas leur bien », nuance Johnny Assaf. Cependant, c’est une sécurité que seuls les plus aisés peuvent s’offrir. « Les gens qui se rendent en agence ont généralement un budget de 1 000 dollars minimum. Sinon, ils se débrouillent autrement », affirme de son côté Guillaume Boudisseau.

Fraîchement diplômé, Ahmad* a eu beaucoup de difficultés à trouver un logement près de son lieu de travail à Achrafieh. « C’est très dur de trouver un appartement à un prix décent dans cette zone », confie-t-il. Le jeune travailleur originaire de Tripoli est finalement parvenu à trouver une colocation dans le quartier de Geitaoui, mais avec les charges supplémentaires...

commentaires (1)

Il n'y a pas à chercher midi à 14h (en réponse au titre) : parce que le Liban est une arnaque et que ses habitants (pas tous heureusement) ont détruit leur pays par cupidité et goût pour l'argent facile. Tout simplement.

Benjamin Le Biavant

15 h 21, le 15 août 2023

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Il n'y a pas à chercher midi à 14h (en réponse au titre) : parce que le Liban est une arnaque et que ses habitants (pas tous heureusement) ont détruit leur pays par cupidité et goût pour l'argent facile. Tout simplement.

    Benjamin Le Biavant

    15 h 21, le 15 août 2023

Retour en haut