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Culture - Exposition

Quand Tamara al-Samerraie scrute ses souvenirs et les murs de son atelier...

Nimbées d’un certain onirisme, les peintures de cette artiste koweïtienne, représentée par la galerie Marfa’, expriment un état de latence et de déliquescence à la fois étrange et si familier.

Quand Tamara al-Samerraie scrute ses souvenirs et les murs de son atelier...

Intitulée "Take Two, Red Green Buttons", cette acrylique est la seule où l’artiste investit le champ de sa propre toile (150 x 205.5 cm ; 2023). DR

À peine mettez-vous les pieds à la galerie Marfa’ que vous voilà propulsé dans un autre lieu, un autre espace, d’autres murs… Ceux de l’atelier beyrouthin de Tamara al-Samerraie que cette dernière s’est attelée à reproduire, totalement dénudés, juste maculés par endroits de taches et de coulures de peinture, dans une série d’acryliques sur toile sobrement intitulée « Studio ».

Étrange sujet que celui qu’a choisi de traiter cette artiste koweïtienne (de mère libanaise) en cette troisième année postexplosion au port de Beyrouth. Une catastrophe qui l’a impactée, comme tant d’autres. Et qui l’a amenée à ce travail suggestif, où la palette blafarde et la composition dépouillée évoquent cet état de latence dans lequel se sont retrouvés cette ville et ses habitants aux lendemains de la terrible tragédie.

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Un état d’indétermination et de déliquescence que semblent exprimer les lignes, aux tracés parfois délibérément inachevés, qui dessinent, sur canevas, le cadre de travail de Tamara al-Samerraie, et les « stigmates » sur ses murs de l’intense activité de création qui s’y est déroulée… avant.

Cette toile qui réapparaît dans une autre... 

Il y a quelque chose de l’« arrêt sur image » dans cette exposition intitulée « Promise You Made » (La promesse que vous fîtes) qui se tient jusqu’à la mi-septembre dans la galerie beyrouthine située, comme son nom l’indique, dans l’enceinte du port. Une exposition dont l’ensemble des œuvres – réparties sur deux sections : « Studio » et « Black Book » – réalisées en 2023, signe le retour de l’artiste cette dernière année à la création après une sorte de passage à vide… D’où le symbolisme des murs dénudés de la série des « Studio(s) » de laquelle se détache une pièce particulière. Celle dans laquelle l’artiste s’est autoportraiturée dans son atelier, allongée de dos, en train de scruter l’une de ses peintures représentant une vue sur le port de Beyrouth… Une mise en abyme par excellence, puisque cette « toile dans la toile » est la reproduction quasi à l’identique d’une peinture antérieure de Tamara al-Samerraie qui avait été dévoilée pour la première fois en 2015 au sein de l’exposition inaugurale de la galerie Marfaa’, avant d’y être à nouveau accrochée durant l’été 2020, dans le cadre d’une exposition collective où elle sera détruite lors de l’explosion du 4 août.

Il y a quelque chose de l’« arrêt sur image » dans cette exposition intitulée « Promise You Made ». Photo galerie Marfaa'

Mystérieusement intitulée Take Two, Red Green Buttons, cette pièce subtile clôture ce « temps de convalescence » qui a été nécessaire à l’artiste après les bouleversements de ces dernières années et qu’elle a mis à profit pour porter un regard introspectif  sur son travail, son parcours et même son cheminement intérieur…

Peindre la fin de quelque chose...

Une sorte de bilan rétrospectif qui transparaît d’ailleurs aussi dans les peintures, de plus petites dimensions, de la série « Black Book » (Livre noir) formant le second volet de cet accrochage. Issue de la transposition à l’acrylique sur toile marouflée des cahiers de dessin qu’elle a tenus entre 2020 et 2022, dans l’isolement d’une période de crises et de confinement sanitaire, cette série est marquée du sceau d’une nostalgie et d’une mélancolie voilées. Celles que l’on ressent forcément en faisant le point sur une partie de sa vie. Et qui se traduit chez Tamara al-Samerraie par un florilège d’esquisses colorées inspirées de moments vécus, de choses vues, de lieux traversés ou encore de souvenirs imprimés dans sa mémoire émotionnelle et rétinienne…


Ceux qui connaissent déjà le travail de cette artiste talentueuse y retrouveront les éléments organiques propres à son langage visuel. Sous son pinceau à l’étonnante transparence, trempé dans une palette de couleurs passées, naissent des formes quasi évanescentes, évocatrices d’un univers fait de réminiscences oniriques et d’une réalité aléatoire. Ici, une montagne qui semble perdre sa substance, là une piéta revisitée, un peu plus loin des plantes à l’allure inquiétante, presque vorace, ou encore des paysages troubles et des lieux vides, comme abandonnés, qui semblent dire la fin de quelque chose…

Faire de l’étrange avec ce qui était autrefois familier, voilà en somme la force de Tamara al-Samerraei, dont la dernière toile de cet accrochage, reproduisant cette fois la façade extérieure de son studio, se découvre – séparément, dans une pièce adjacente – au son d’un Soupir pour piano solo. Un morceau composé en 2020 par son amie la musicienne Jana Saleh, qui accompagne délicatement cette dernière œuvre raconteuse, elle aussi, de l’histoire d’un lieu et d’un parcours fragmenté.


Faire de l’étrange avec ce qui était autrefois familier... Photo DR

Bio express

Née au Koweït en 1977, de père koweïtien et de mère libanaise, après ses études en beaux-arts à la Lebanese-American University de Beyrouth, Tamara al-Samerraie a résolument choisi de s’installer à Beyrouth. Elle a à son actif plusieurs expositions collectives et personnelles, dont deux précédentes chez Marfa’ à Beyrouth, ainsi que trois importantes autres à la White Box à Munich, à l’Institut du monde arabe (IMA) et à la galerie In-situ, à Paris.

« Promise You Made » de Tamara al-Samerraei à la galerie Marfa’ (secteur du port du Beyrouth), jusqu’à mi-septembre. Horaires d’ouverture : de mercredi à vendredi, de 11hà 18h, ainsi que les samedis de 14h à 18h.

À peine mettez-vous les pieds à la galerie Marfa’ que vous voilà propulsé dans un autre lieu, un autre espace, d’autres murs… Ceux de l’atelier beyrouthin de Tamara al-Samerraie que cette dernière s’est attelée à reproduire, totalement dénudés, juste maculés par endroits de taches et de coulures de peinture, dans une série d’acryliques sur toile sobrement intitulée «...

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