Le Beirut Urban Lab (BUL) de l'Université américaine de Beyrouth a annoncé mercredi son retrait total et définitif du projet de la place Mar Mikhael mercredi, expliquant que ses travailleurs avaient été "menacés et intimidés" au cours d'une visite sur le chantier. Celui-ci fait polémique depuis des semaines, entre les développeurs du projet et les habitants.
"Ce matin, les travailleurs et les ingénieurs travaillant pour le BUL ont été menacés et intimidés par des individus prétendant représenter les habitants des quartiers de Gemmayzé et de Mar Mikhael'', à l'intersection desquels le chantier avait été lancé, a écrit le laboratoire d'urbanisme sur son compte Twitter. Ces personnes ''les ont forcés, sous un flot de menaces, d'insultes et de cris, à interrompre les travaux nécessaires à une circulation sécurisée des véhicules et des piétons". "Hier, [le BUL] a reçu une demande directe de la municipalité de Beyrouth d'achever certains travaux afin d'ouvrir la voie à la circulation entre les rues Pasteur et d'Arménie. Cependant, au vu de ce qui s'est passé aujourd'hui et des risques encourus par les ouvriers, nous annonçons notre retrait total et définitif de ce projet", a ajouté le laboratoire.
Lancé en 2020 dans le cadre des efforts de rénovation de la capitale après l'explosion au port de Beyrouth, le plan de reconstruction visait à améliorer la praticabilité de Mar Mikhael et à créer des espaces conviviaux pour les piétons. Les travaux ont cependant été suspendus en juin après que les habitants se sont opposés au projet. Le BUL et l'architecte en charge des travaux avaient alors pointé du doigt des interférences politiques, démenties par le député Ghassan Hasbani (Forces libanaises). Le 12 juillet, le BUL s'était déjà dit "contraint d'interrompre" le projet.
Mona Fawaz, professeur d'études urbaines et de planification et cofondatrice du BUL, a confirmé à L'Orient Today le retrait du laboratoire du projet. Elle a expliqué que la municipalité a demandé à la BUL "d'ouvrir la route, de traiter la chaussée pour qu'elle ne soit plus glissante, de planter les trois arbres prévus, ainsi que quelques lampadaires". "Nous voulions également niveler la route car nous n'avons réussi à installer des pavés que d'un côté et pas de l'autre. Et comme nous sommes conscients que les gens sont stressés et que la fermeture de la route a causé beaucoup de problèmes, nous avons demandé à l'entrepreneur de travailler pendant un jour férié", a-t-elle ajouté. Le Nouvel An de l'Hégire était célébré ce mercredi. "Peu après que notre entrepreneur a commencé à travailler aujourd'hui, ceux qui prétendent représenter les habitants des quartiers de Gemmayzé et de Mar Mikhael sont venus le voir, le menaçant et lui demandant d'interrompre tous les travaux", a raconté Mona Fawaz.
Conditions de travail dangereuses
À la suite de ces menaces présumées, la responsable a indiqué qu'elle avait tenté de contacter la municipalité, mais que "personne n'a répondu parce que c'est un jour férié". Elle a alors demandé à l'entrepreneur de quitter la zone pour préserver sa sécurité. ''Nous ne pouvons plus tolérer ces conditions de travail. Les travailleurs et les ingénieurs se sentent constamment sous pression et en danger. Soit la municipalité assure une protection policière aux ouvriers pour qu'ils puissent terminer le travail, soit nous arrêtons''.
Contacté par L'Orient Today, le moukhtar de Gemmayzé - un élu local chargé des tâches administratives - Béchara Gholam, qui est également le président de l'association des moukhtars libanais, a démenti que les travailleurs du BUL avaient fait l'objet de menaces et d'intimidations. "Je ne permettrais pas que de telles choses se produisent", a-t-il affirmé. Bien qu'il ait d'abord soutenu le projet, le moukhtar a expliqué qu'il s'en est ensuite distancé lorsque le BUL ''a commencé à l'exécuter''. "Nous n'étions pas opposés au projet, nous voulions en fait que la zone soit plus belle de la manière dont ils l'avaient proposée", a-t-il affirmé. "Mais l'architecte de l'Urban Lab qui nous a présenté le projet ne s'est concentré que sur les aspects positifs, laissant de côté les aspects négatifs''.
"Le projet visait à créer un petit jardin avec des sièges et des arbres où les gens pourraient s'asseoir la nuit, ce qui créerait de la place pour les trafiquants de drogue et des actes immoraux", a encore dit M. Gholam.
Dans un communiqué précédent, le BUL avait défendu le projet, affirmant qu'il s'inscrivait dans le cadre d'une "stratégie globale visant à améliorer la vie des gens et à développer des voies efficaces et sûres pour les piétons". "Le seul changement qui peut résulter de ce projet est d'empêcher les voitures de se garer en deuxième file, ce qui est actuellement possible bien qu'illégal et constitue la principale cause de congestion et une source de danger pour la sécurité routière", poursuivait le texte.
Il est triste de voir que l’intérêt personnel de certains prime sur l’intérêt general...
11 h 44, le 14 août 2023