Le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, a été entendu mercredi pendant un peu plus de trois heures par le premier juge d’instruction de Beyrouth, Charbel Abou Samra, dans le cadre des poursuites engagées contre lui, notamment pour "faux et usage de faux, blanchiment d’argent, enrichissement illicite et évasion fiscale".
C'est la première fois que Riad Salamé se présente devant la justice libanaise dans cette affaire.
Le frère de M. Salamé, Raja, et son ancienne assistante, Marianne Hoyek, se sont également présentés à la convocation dans le bureau du juge Abou Samra, mais n'ont pas été interrogés par le juge, qui s'est concentré sur son audition du haut-responsable de la BDL. Après avoir attendu plus d'une heure sur les lieux, Raja Salamé et Marianne Hoyek ont finalement quitté le palais de justice, selon une source présente sur place.
Une nouvelle audience est prévue mardi prochain pour Riad et Raja Salamé ainsi que Mme Hoyek. Selon une source judiciaire, le magistrat a déjà couvert une "grande partie" de l'interrogatoire du gouverneur, qu'il poursuivra le 18. S'il parvient à terminer son audition de Riad Salamé, il procèdera alors le même jour à l'audition de Raja Salamé et Marianne Hoyek.
Des questions de la juge Iskandar
Selon une haute source judiciaire, le gouverneur a coopéré durant l'audience et n'a pas émis de réserves à l'égard des questions posées par le juge Abou Samra. Outre ses propres questions, le magistrat a également posé à M. Salamé une série de questions préparées par la juge Hélène Iskandar, en sa qualité de cheffe du Contentieux de l'Etat, qui s'est portée partie civile pour préserver les intérêts de l'Etat libanais dans cette affaire. Celle-ci n'a pas le pouvoir de poser ses questions directement au gouverneur lors de ces interrogatoires, mais souhaitait obtenir des "clarifications" sur certains aspects du dossier. Selon la même source, le juge Abou Samra aurait toutefois refusé de poser certaines des questions préparées par Mme Iskandar. Pendant son audience, Riad Salamé s'est engagé à présenter certains documents lors de son prochain rendez-vous devant la justice.
Riad Salamé devait déjà être entendu le 18 mai par le juge Abou Samra, mais l’audience qui lui avait été fixée avait été consacrée aux exceptions de forme présentées par le gouverneur, son frère et son ex-conseillère. Ces derniers contestaient le droit de la juge Iskandar de se joindre à la procédure judiciaire entamée contre eux par le parquet libanais. Des requêtes finalement rejetées par M. Abou Samra qui avait admis la participation de Mme Iskandar à l’action portée à leur encontre. De son côté, Raja Salamé s'était absenté à une audience prévue le 16 juin devant le juge Abou Samra, prétextant de raisons de santé.
Contacté par L'Orient-Le Jour avant l'audience, l'avocat français du gouverneur, Pierre-Olivier Sur, a souligné que son client "s'est toujours rendu aux convocations des magistrats libanais, même d’ailleurs lorsque ceux-ci agissaient dans le cadre de la coopération internationale" avec les différentes juridictions européennes ayant engagé des poursuites contre Riad Salamé. "Mais pourquoi et comment répondre aux convocations de juges étrangers, en particulier lorsque celles-ci ne respectent pas les formes, comme c'était le cas pour la convocation reçue hors délai des juges français", a-t-il ajouté. M. Salamé était convoqué le 16 mai à Paris, mais il ne s'était pas rendu à l'audience, assurant ne pas avoir reçu la convocation à temps. C'est après cette audience manquée que la juge française Aude Buresi avait émis un mandat d'arrêt à son encontre.
La demande allemande
A l’issue de l’audience du gouverneur de la banque centrale, le premier juge d’instruction a reçu mercredi dans son bureau une délégation de magistrats allemands formée de la procureure de Munich, d’une enquêteuse et d’un enquêteur. La veille, ceux-ci s’étaient également rendus devant le magistrat libanais. Selon des informations recueillies par L’OLJ, l’équipe de magistrats allemands se trouve à Beyrouth pour tenter de faire suite à une demande adressée récemment par la justice allemande au parquet de cassation libanais par l’intermédiaire du ministre libanais de la Justice. Parvenue au premier juge d’instruction, cette requête consisterait à accéder au siège de la BDL pour y obtenir des documents relatifs au gouverneur, indique une source judiciaire. Or le juge Abou Samra estime qu’une telle demande constitue une violation de la souveraineté nationale, ajoute la même source. Il refuse donc de la satisfaire, acceptant uniquement de "livrer des pièces qui ont déjà été publiées". Interrogée pour savoir sur quels actes porte l’enquête allemande contre le gouverneur et ses proches, la procureure de Munich n’a pas fourni d’indications à L’OLJ. "Nous ne faisons aucun commentaire, tant que les investigations sont en cours", s’est-elle contentée d’affirmer.
A la tête de la BDL depuis 1993, M. Salamé, 72 ans, est accusé dans son pays de corruption et d'être l'un des principaux responsables de la grave crise financière qui frappe le Liban depuis l'automne 2019. Dans ce dossier, qui fait l'objet d'enquêtes dans plusieurs pays européens, il est soupçonné de s'être constitué un riche patrimoine immobilier et bancaire en Europe via un montage financier complexe et un détournement massif de fonds publics libanais.
Cependant il est toujours LE GOUVERNEUR DE LA BDL. Du pur délire en toute conscience. Nous sommes impatients de voir qui va le remplacer pour redresser notre pays. Serait-ce une autre crapule choisie par les mafieux eux mêmes ou un un honnête homme qui viendrait ouvrir la boîte de Pandore et révéler l’inavouable au risque de se faire des ennemis?
12 h 05, le 13 juillet 2023