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Politique - FOCUS

La succession de Riad Salamé, pomme de discorde entre Berry et le Hezbollah

Si le mouvement Amal dit soutenir la nomination d'un nouveau gouverneur de la Banque du Liban, le parti de Dieu dit vouloir ménager les susceptibilités de ses alliés chrétiens.

La succession de Riad Salamé, pomme de discorde entre Berry et le Hezbollah

Nabih Berry et Hassan Nasrallah durant une réunion en 2007. Hassan Ibrahim/Pool/AFP

« Nous ne donnerons pas notre feu vert à la nomination d’un successeur à Riad Salamé. » Mohammad Afif Naboulsi, le porte-parole du Hezbollah, est catégorique : le gouvernement actuel, qui expédie les affaires courantes, ne peut pas nommer de successeur au gouverneur de la Banque du Liban, d’autant plus en période de vacance présidentielle. Les menaces des quatre vice-gouverneurs de la banque centrale, qui ont fait comprendre jeudi qu’ils pourraient démissionner pour éviter d’assurer l’intérim après la fin du mandat de Riad Salamé, n’ont pas poussé le parti de Dieu à revoir sa position. Plus surprenant encore, le président de la Chambre Nabih Berry, qui se dit favorable « aux nominations, quelles qu’elles soient », n’a pas non plus réussi à faire fléchir la position de son allié. Si le parti de Hassan Nasrallah cède souvent aux demandes du maître du perchoir, au risque de provoquer son autre grand allié, le Courant patriotique libre, la donne est cette fois-ci différente. 

« Une alliance, pas un même parti »

L’annonce des quatre vice-gouverneurs ne pouvait pas tomber à un meilleur moment pour Nabih Berry, qui affirme que le gouvernement doit nommer un successeur à Riad Salamé « par nécessité », malgré le vide au niveau de la magistrature suprême. « Nous avons besoin d’un véritable gouverneur de la banque centrale pour éviter que la livre libanaise ne continue sa dégringolade », affirme à notre journal un proche de Aïn el-Tiné. Mais ces appels se heurtent au refus notamment du Courant patriotique libre, qui accuse le chef du législatif et le Premier ministre sortant Nagib Mikati de vouloir gouverner sans président de la République. Comprendre, sans partenaire chrétien. Pis encore, le poste de gouverneur de la BDL est réservé à un chrétien maronite, tout comme la présidence de la République. Les forces politiques de cette confession estiment donc qu’elles sont incontournables dans la nomination du numéro un de la banque centrale, et que cela ne peut donc pas se faire avant l’élection d’un président. « Ce n’est vraiment pas une question de prérogatives. Le pays a besoin de quelqu’un pour piloter la politique monétaire », rétorque-t-on à Aïn el-Tiné, alors que le vide présidentiel en cours depuis huit mois semble parti pour durer, faute de consensus sur un présidentiable.

L'édito de Issa GORAIEB

La République intérimaire

Certes, après la fin du mandat de l’ancien président Michel Aoun, le Hezbollah a permis à Nagib Mikati (et à Nabih Berry, en coulisses) de tenir des réunions du Conseil des ministres au nom de la continuité du service public, au grand dam des chrétiens. Mais, alors qu’il est au bord de la rupture avec son allié aouniste, il ne souhaite pas pousser le bouchon trop loin, en permettant une nomination-clé sans son feu vert. Surtout que le parti de Hassan Nasrallah n’a pas envie de rompre complètement les ponts avec le CPL. « Une importante partie des chrétiens serait lésée si le gouvernement actuel, dont les chrétiens contestent la légitimité, nomme un gouverneur de la banque centrale », avance M. Naboulsi. « Dès lors, nous ne pouvons pas permettre cette nomination », abonde-t-il, tout en minimisant le désaccord avec Nabih Berry. « Nous ne sommes pas toujours sur la même longueur d’onde, notamment dans les petits dossiers », souligne-t-il. Du côté d’Amal, on rappelle que les deux formations forment « une alliance, et pas un même parti ». En mai, Hassan Nasrallah avait ouvert la voie à une accession du premier vice-gouverneur de la BDL, Wassim Mansouri, à la tête de l’institution pour une période intérimaire après le départ de Riad Salamé. « Nous ne sommes pas avec la désignation d’un nouveau gouverneur de la Banque du Liban… Donc la solution légale, c’est que le premier vice-gouverneur assure l’intérim », avait-il déclaré dans une allocution. M. Mansouri serait le premier chiite à diriger la banque centrale. Tout comme le général Élias Baïssari, un maronite, a été chargé il y a quelques mois d’assurer la direction par intérim de la Sûreté générale, prenant ainsi la succession du général chiite Abbas Ibrahim, parti à la retraite.

Que veut donc Nabih Berry ?

Mais l’annonce choc des vice-gouverneurs jeudi vient contrarier les plans du Hezbollah. « Pour le moment, ce ne sont que des menaces. Ils n’ont pas encore démissionné », relativise M. Naboulsi, pour qui la démarche de ces hauts fonctionnaires vise à trouver un prétexte pour maintenir Riad Salamé en poste. Ce dernier est dans le viseur de la communauté internationale, qui refuse catégoriquement son maintien à la tête de la BDL. D’abord, parce qu’il est soupçonné de corruption par de nombreuses capitales occidentales, la cour d’appel de Paris ayant confirmé en début de semaine les saisies opérées sur le patrimoine qu’il aurait « frauduleusement acquis ». Mais aussi pour son rôle dans le développement d’une économie parallèle de « cash » au Liban, qui profite notamment au trafic international de Captagon vraisemblablement piloté par le régime syrien et ses alliés régionaux. Dans ce contexte, le Hezbollah a-t-il intérêt lui aussi à ce que Riad Salamé soit maintenu dans le cadre d’une répartition des rôles avec Nabih Berry ? « Absolument pas, répond Mohammad Afif Naboulsi. Mais nous ne comprenons pas ce que veut Nabih Berry. »

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Si de nombreux observateurs supposent que la démarche de M. Mansouri (proche de Berry) et ses collègues est motivée par le président de la Chambre, les intentions du chef du Parlement ne sont pas claires. Pourquoi ne voudrait-il  pas qu’un de ses proches prenne la tête de la BDL ? Selon nos informations, une délégation des vice-gouverneurs de la BDL s’est discrètement rendue en début de semaine à Washington. Longtemps interlocuteur privilégié des Américains, qui souhaitent la nomination d’un successeur à Riad Salamé au plus vite, le chef du législatif pourrait avoir été « convaincu » par Washington de nommer un successeur avant la tenue de l’élection présidentielle. En effet, si la communauté internationale souhaitait la fin du vide au sommet de l’État avant la date butoir de fin juillet, ce scénario semble de moins en moins réaliste. Selon une autre lecture, la démission des vice-gouverneurs viserait à démontrer que  le maintien de Riad Salamé est le seul scénario possible, les chrétiens n’étant pas d’accord pour lui nommer un successeur avant l’élection présidentielle. Nabih Berry l’imposerait ainsi comme un  fait accompli. Une troisième lecture suppose que le président de la Chambre utilise le maintien de Riad Salamé comme un épouvantail pour faire pression sur les partis de l’opposition et le CPL, dans l’objectif de les pousser à accepter un compromis présidentiel permettant l’arrivée de son candidat, le leader des Marada Sleiman Frangié, à Baabda. Que veut vraiment Nabih Berry ? Même le Hezbollah ne le sait pas. 

« Nous ne donnerons pas notre feu vert à la nomination d’un successeur à Riad Salamé. » Mohammad Afif Naboulsi, le porte-parole du Hezbollah, est catégorique : le gouvernement actuel, qui expédie les affaires courantes, ne peut pas nommer de successeur au gouverneur de la Banque du Liban, d’autant plus en période de vacance présidentielle. Les menaces des quatre...

commentaires (7)

Le désert des tartars

Robert Moumdjian

05 h 33, le 09 juillet 2023

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Commentaires (7)

  • Le désert des tartars

    Robert Moumdjian

    05 h 33, le 09 juillet 2023

  • La fin du monde? Rien que ça. Comme vous y allez. Le Liban a toujours payé le prix fort de tout qui se trame dans cette région sans qu’aucun des pays du monde ne soit égratigné. Alors la fin du Liban oui peut être mais du monde?

    Sissi zayyat

    11 h 43, le 08 juillet 2023

  • Les opposants chrétiens sont d’une telle naïveté qu’ils ont cru avoir marqué un point dans leur opposition en ayant un chrétien au poste de la sûreté générale qui était tenue par un chiite sans même avoir à livrer bataille. Un cadeau empoisonné de HN puisque tout le monde sait qui tient les ficelles de la sécurité et de la sûreté de nôtre entre ses mains et ce quelque soit la personne nommée au poste. Pauvres diables, vous n’avez vu que du feu. Il louchait sur le poste de gouverneur, celui qui lui rapporte beaucoup plus puisqu’il tient à contrôler les finances et l’économie de notre pays et qu’il ne pourrait pas magouiller si la nomination lui échappait et pour cause, les américains veillent de près pour imposer leurs conditions quand à son rôle effectif. Ces naïfs sont à mille lieux de ce qui se trame dans notre pays par ces deux mafieux qui simulent la mésentente et la divergence pour faire écran à leurs projets méticuleusement préparés en tandem pour s’accaparer notre pays. Poste après poste et ministère après ministère jusqu’au point de rupture et de non retour. Écouter donc HN parler de ne pas fâcher ses alliés chrétiens, lui qui veut leur imposer son candidat à la présidence, l’autre un gouverneur de banque à sa mesure. N’est ce pas HN qui instaurer un état islamique et qui manipule tout le monde dans le but d’y arriver légitimement et avec, soit disant , l’aval des chrétiens pour boucler le caquet aux pays aidants qui veulent le voir disparaître? Reveillez-vous donc

    Sissi zayyat

    11 h 34, le 08 juillet 2023

  • Les différentes composantes de la structure mafieuse qui gouverne le Liban depuis plus de 30 ans serrent les rangs et font preuve d'une solidarité agressive pour éviter la chute de l'une des pièces du domino, ce qui risque alors de faire vaciller tout l'édifice. Tant que cette mafia tient les rênes du pouvoir politique, économique et monétaire entre ses mains, il n'y a aucune lueur d'espoir pour le Liban. Il faut à tout prix que ceux qui ont volé le pays pendant des décennies et appauvri son peuple rendent les fonds détournés et ramènent au pays le butin qu'ils ont planqué à l'étranger. L'ère de l'impunité doit prendre fin. Telle est la condition de la survie du Liban.

    Georges Airut

    11 h 21, le 08 juillet 2023

  • Tout ça, c’est des magouilles. Assez de vous moquer de nous et démissionnez tous en bloc, ce serait une leçon pour le peuple à qui voter.

    Mohamed Melhem

    22 h 35, le 07 juillet 2023

  • Ils n'ont pas le droit de démissionner. C'est acquis. Salamé lui-même avait indiqué que le premier vice gouverneur Mansouri, remplira les fonctions par intérim. Il n'y aura pas de vide, mais, une continuité. Tout le reste est pour des fins politiques.

    Esber

    20 h 26, le 07 juillet 2023

  • On se fiche carrément de la livre libanaise…Elle n’est que le baromètre de l’impunité forcée de la mafia qui dit vouloir sauver le pays ! Passez à la caisse espèces de voyous mafieux encravatés , et la livre se portera on ne peut mieux !

    LeRougeEtLeNoir

    19 h 31, le 07 juillet 2023

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