Implanté à l’origine à Tripoli en 1977 avec pour objectif principal d’introduire l’enseignement supérieur dans le nord du pays, de contribuer à son développement et à celui des régions reculées et de limiter l’exode rural, le campus de l’Université Saint-Joseph (USJ) au Liban-Nord (CLN) n’a eu de cesse de répondre au fil des ans à sa véritable « raison d’être », comme l’explique Fadia Alam Gemayel, directrice du campus. C’est-à-dire « assurer aux jeunes de la région la même formation de qualité que celle qui est offerte à l’USJ à Beyrouth » et « créer des ressources humaines locales pour le développement de la région et les y retenir », précise-t-elle. Autrefois connu sous l’appellation de Centre d’études universitaires du Liban-Nord (Ceuln), le campus, qui s’articule autour de trois bâtiments, offre uniquement des licences en biochimie, en mathématiques – option data science (science des données)–, en éducation (primaire et préscolaire, orthopédagogie) ainsi que les deux années préparatoires du diplôme d’ingénierie. Il propose également un doctorat en psychologie ainsi qu’un master en lettres françaises. Par ailleurs, il comprend une branche du Centre professionnel de médiation (CPM). Reconfigurant en permanence son offre de formation pour mieux l’adapter aux besoins de l’écosystème local, national, régional et international, le campus du Liban-Nord a ainsi commencé à offrir, dès l’année dernière et avec la montée en flèche de l’intelligence artificielle, une nouvelle spécialité. « Nous avons ouvert l’année dernière, malgré les crises dans le pays, une nouvelle spécialité, très actuelle : le bachelor en mathématiques, option data science. La nouveauté, c’est que les cours sont assurés en langue anglaise et qu’il s’agit d’une formation récente en rapport avec notre nouveau monde virtuel de l’intelligence artificielle, du Big Data, et de la protection des données. C’est l’ère du numérique, du virtuel, du télétravail… Nos diplômés peuvent ainsi être embauchés par Google, Netflix… tout en résidant à Tripoli », ajoute Mme Gemayel. En revanche, avec la crise du secteur bancaire, les inscriptions à la section de la faculté de gestion et de management ont été suspendues au Nord. La raison à la base de cette démarche ? Le souci de garantir non seulement les meilleures conditions d’insertion sur le marché de l’emploi mais d’assurer des débouchés aux diplômés. « Actuellement, la plupart de nos diplômés vont soit à Beyrouth pour s’inscrire en master dans leurs domaines de spécialité, ou en France pour poursuivre leurs études. Les autres restent dans leurs régions d’origine, soit pour travailler, soit pour un master dans une université locale. Rares sont ceux au chômage, moins de 10 % », affirme-t-elle.
L’impact de la crise
À l’instar de l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur au Liban, le CLN s’est lui aussi trouvé au cœur de la tourmente, confronté aux multiples crises qui ont dévasté le pays du Cèdre et témoin de la fuite vertigineuse de ses cerveaux. « Comme partout au Liban, ces dernières années étaient dures », confie Mme Gemayel. « D’abord avec le confinement, il y avait le problème des cours en ligne, les coupures d’électricité, la mauvaise connexion et les enseignants qui ne connaissent pas très bien leurs étudiants et n’arrivent pas à les identifier facilement ni à détecter leur degré de réactivité. Puis est survenue cette crise financière persistante », égrène-t-elle avant de poursuivre : « L’USJ a trouvé la solution à ce dernier problème en augmentant les aides octroyées aux étudiants. » En effet, tout n’était pas si noir. Francophone, offrant un enseignement de qualité, l’antenne du Liban-Nord, l’une des plus anciennes universités installées dans la région, a accueilli durant l’année écoulée 270 étudiants, un effectif exceptionnel et inédit, dû en partie à la situation prévalant à l’Université libanaise (UL).
Si la directrice du CLN espère pouvoir maintenir ce taux pour 2023-2024, elle admet néanmoins que la prochaine rentrée s’annonce « plutôt difficile, comme celles qui l’ont précédée ces deux dernières années », d’autant que selon ses termes « le problème est double : d’un côté la crise financière qui touche les parents et, de l’autre, le départ des bacheliers qui ne voient plus d’horizon au Liban et n’ont plus confiance de pouvoir y bâtir leur avenir ». Rappelant que l’USJ restera fidèle à sa mission en mettant l’éducation au service des jeunes pas uniquement à Beyrouth mais également dans les régions les plus éloignées, Mme Gemayel a indiqué que « les frais de scolarité vont augmenter à la rentrée prochaine mais d’une manière raisonnable : une partie restera en dollars frais mais pas la totalité ». « Par ailleurs, notre recteur, le RP Salim Daccache, a annoncé que les aides et les bourses vont aussi augmenter. Notre bureau social va aider aussi bien nos étudiants actuels que les nouveaux candidats. Ces derniers peuvent d’ailleurs dès maintenant déposer une demande d’aide », ajoute-t-elle. Estimant « qu’en temps de crise, l’essentiel serait de pouvoir se maintenir », Mme Gemayel souligne la nécessité d’investir dans l’humain et dans l’éducation afin de pouvoir changer le cours des événements.
La nécessité d’investir dans l’humain
Évoquant le rayonnement culturel et social du CLN, son impact et son apport au territoire à travers sa « présence active » et les différentes actions qu’il mène et les multiples conférences, débats et tables rondes qu’il organise comme celle axée sur la capitale du Nord et qu’a accueilli récemment le campus principal à Beyrouth sous le titre « Tripoli, dans les yeux de ses enfants et de ses voisins », elle a mis en exergue le rôle qu’il joue dans le développement des collectivités qu’il dessert, en ces temps où le Liban Nord, plus particulièrement Tripoli, doit relever d’immenses défis pour retrouver la qualité de son environnement. Interagissant avec son entourage, l’antenne du Liban-Nord cherche en effet depuis sa création à renforcer ses liens avec les collectivités et à multiplier les partenariats stratégiques avec les différents acteurs de développement du nord, comme par exemple les écoles, principaux recruteurs de ses diplômés en éducation, ou encore avec les ONG à l’instar de Rouwad al-Tanmiah et Green Track avec lesquelles elle a dernièrement mené une action écocitoyenne permettant à 30 enfants en provenance à la fois de Bab el-Tebanné et de Jabal Mohsen de profiter d’une formation sur le tri et le recyclage… Une action qui s’inscrit dans la lignée du projet initial du campus du Liban-Nord, toujours d’actualité : « Continuer à résister et à croire en un avenir meilleur », conclut-elle.