Souvent accusée d'avoir une approche « partisane » dans sa gestion des dossiers d’intérêt public (banques, corruption, etc.), la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, proche du Courant patriotique libre, vient de faire l’objet d’une plainte dans le cadre d’une affaire d’ordre privé portée devant elle, à savoir un litige conjugal. Mary Khairallah, 38 ans, a ainsi présenté lundi un recours contre la magistrate devant le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, pour « violation de lois ». Ce recours fait suite à un mandat de recherche lancé à son encontre par la juge Aoun, sur base d’une plainte déposée par son mari, Naji Farès, un partisan du CPL, qui l’accuse d’avoir kidnappé ses enfants, alors qu’elle-même affirme être victime de ses violences. Les deux conjoints sont en instance d’annulation de mariage devant le tribunal religieux maronite.
Le mandat de recherche lancé par la procureure contre Mary Khairallah se base sur l’article 495 du code pénal, qui punit de prison quiconque enlève ou déporte un mineur de moins de dix-huit ans, dans l'intention de le soustraire à l'autorité de ceux qui ont une tutelle sur lui. La jeune femme a quitté le domicile conjugal le 12 avril dernier, emmenant ses enfants de six et onze ans, avant de disparaître avec eux un mois plus tard. Dans la plainte contre la juge Aoun, son avocat, Georges Abboud, soutient que l’article 495 ne s’applique pas en l’absence de décisions judiciaires sur la garde des enfants et le droit de visite, comme c’est le cas pour sa cliente.
« Je travaille selon ma conscience »
Joint par L’Orient-Le Jour, Patrick Slaïby, beau-frère de Mme Khairallah, affirme que Naji Farès est un proche de la procureure. « Partisan aouniste, spécialisé en informatique, il avait recueilli les données informatiques de la société de convoyage de fonds Mecattaf, suite aux perquisitions effectuées en 2021 par la juge Aoun dans les locaux de l’entreprise, à Awkar (Metn) », avance-t-il. Pour sa part, la juge Aoun assure à L’OLJ que « les sympathies partisanes n’ont aucun rôle dans (ses) décisions professionnelles », et dénonce « les attaques constantes et la propagation de mensonges avec intention de nuire ». « Je travaille selon ma conscience », ajoute-t-elle, indiquant qu’en tout état de cause, « les conjoints sont tous deux aounistes ». L’avocat de Naji Farès, Élias Gédéon, estime, dans le même esprit, que « les accusations contre la juge Aoun relèvent de la diffamation et portent atteinte à la magistrature ».Le conflit qui déchire le couple prend une autre tournure le 12 avril dernier. Patrick Slaïby assure que « lors d’une nouvelle dispute, Naji Farès frappe pour la énième fois Mary Khairallah ».
L’OLJ a pu consulter le rapport d’un médecin légiste, Malek Hilal, qui confirme l’existence de blessures sur le corps et le visage de la jeune femme. Pour sa part, Me Gédéon met en doute ce rapport, faisant observer qu’« il n’est assorti d’aucune photographie ». « Nous sommes d’ailleurs en possession d’un message vocal envoyé à Naji Farès par son épouse, dans lequel elle menace de le détruire, tout en reconnaissant qu’il ne l’a pas frappée », déclare-t-il.Après l'agression présumée contre elle, Mary Khairallah porte plainte contre son mari au poste de police d’Antélias. Elle retourne ensuite à la maison pour… constater qu’elle ne peut plus ouvrir la porte, son mari ayant changé la serrure. Selon M. Slaïby, la police lui conseille de se faire accompagner d’un mokhtar pour tenter un nouvel essai. Naji Farès la laisse alors entrer. Elle récupère ses affaires personnelles, avant de se réfugier avec ses enfants au domicile de son oncle, où cohabite sa mère veuve.
Durant la dernière semaine d’avril, Ghada Aoun décide de la convoquer au poste de police d’Antélias. Toujours sur ordre de la procureure, elle se présente le 4 mai avec ses deux enfants au bureau des mineurs de Baabda. Selon des sources concordantes, les enfants disent à l’assistante sociale qu’ils ne veulent plus voir leur père, au motif "qu’il bat (leur) maman". Il en résulte un rapport de l’assistante sociale, que L’OLJ n'a pas pu consulter mais qui, selon une source judiciaire, affirme que Mary Khairallah "incite ses enfants à haïr leur père". Le 12 mai, convoquée de nouveau devant la police, la jeune femme ne comparaît pas. Depuis, elle a disparu avec ses enfants.
C’est dans ces circonstances que la procureure d’appel lance un mandat de recherche contre elle, mais les services de renseignements des FSI ne parviennent toujours pas à la localiser, son téléphone portable étant fermé, affirme une source judiciaire.Le 20 juin, les domiciles de son oncle et de sa sœur sont perquisitionnés, sur ordre de la juge Aoun. Le lendemain, l’époux de cette dernière, Patrick Slaïby, est convoqué au poste de police de Jdeidé (Metn) pour un interrogatoire de trois heures. N’ayant fourni aucun indice sur l’endroit où se trouve Mary, il est arrêté, mais relâché 24 heures plus tard, après un tollé médiatique et sur les réseaux sociaux. Entendue le 22 juin, la mère de la jeune femme affirme également à la police qu’elle ignore où se trouve sa fille.
Dans le cadre de l’action en annulation du mariage du couple, une audience doit se tenir le 4 juillet auprès du tribunal religieux maronite. Contrainte d’y assister, comment Mary Khairallah échappera-t-elle au mandat de recherche dont elle fait l’objet, d’autant que selon une source judiciaire informée, Ghada Aoun, qui ne se trouve pas actuellement au Liban, entend déférer son dossier au Premier juge d’instruction du Mont-Liban, Nicolas Mansour, à qui il reviendra d’ordonner ou non son arrestation ?
commentaires (12)
Combien d’affaires similaires ne sont pas publiées. Franchement !!! Je suis très loin d’apprécier Madame Ghana Aoun a cause de sa justice spectacle alors pourquoi faire de même avec une affaire strictement personnelle qui de plus concerne deux enfants innocents ballotes par des parents pour le moins perturbés. OLJ les lecteurs devraient s’ériger en modérateurs de vos journalistes et pouvoir ainsi censurer certains articles tout comme la censure par vos modérateurs de plusieurs commentaires dont sans doute celui ci
Lecteur excédé par la censure
08 h 28, le 01 juillet 2023