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Le Hezbollah ressort les griffes

Il s’en est fallu de peu. Le Hezbollah est passé à un cheveu de réussir l’un des plus gros hold-up de son histoire politique. Après des mois de blocage, il était parvenu à hisser son candidat, Sleiman Frangié, aux portes de la présidentielle, grâce à l’appui de la France et à l’indifférence de l’Arabie saoudite dans un contexte de détente régionale. Il ne lui restait plus qu’à convaincre Gebran Bassil de franchir le cap – ce que ce dernier semblait prêt à faire il y a une dizaine de jours – pour finaliser l’opération.

Mais tout a changé au cours de cette dernière semaine. L’accord entre l’opposition et le Courant patriotique libre sur la candidature de Jihad Azour bouleverse complètement les plans du parti pro-iranien. Il le met sur la défensive et le pousse à sortir à nouveau les griffes.

L’ancien ministre des Finances est soutenu par les deux plus grands partis chrétiens et pourrait obtenir, si les consignes de vote sont respectées, une majorité de voix au sein du Parlement. Cela suffit à en faire une sérieuse menace pour le Hezbollah qui se trouve désormais confronté à une situation qu’il n’avait plus connue depuis le 7 mai 2008. Non seulement il est mis en minorité sur un sujet d’ordre stratégique, mais il est en plus privé de son principal allié sur la scène chrétienne. Et comme à chaque fois qu’il se sent acculé, il durcit le ton afin de déplacer la bataille sur un terrain où personne ne peut contester sa supériorité.

Sa réaction à la candidature de Jihad Azour est aussi caricaturale que limpide. Tout au long du week-end, les membres du parti ont multiplié les sorties afin de présenter le responsable au sein du Fonds monétaire international « comme un candidat de défi » qui « ne parviendra pas à Baabda ». Le journal al-Akhbar a pour sa part illustré l’un de ses articles par une photo de Jihad Azour aux côtés de Mohammad Chatah, tué le 27 décembre 2013 dans un attentat à la voiture piégée, imputé au Hezbollah. Beaucoup y ont vu une menace à peine voilée, ce qui est loin d’être étranger aux méthodes de ce parti.

La vague d’assassinats qui a débuté au Liban en 2004 a constamment visé le même camp. Les cibles étaient, à chaque fois, des personnalités ouvertement opposées à Damas et au Hezbollah. Elle s’est arrêtée au moment où le parti et ses alliés n’ont plus été frontalement combattus sur la scène politique avant de reprendre en février 2021 avec l’assassinat de Lokman Slim.

La formation de Hassan Nasrallah n’en est pas encore là. Elle peut se contenter, pour le moment, de menacer ses ennemis comme elle l’a fait durant le 17 octobre, ou au lendemain des événements de Tayouné.

Le Hezbollah peut encore espérer que Gebran Bassil ne soutienne le candidat Azour que pour mieux le griller et s’entendre par la suite avec lui sur une troisième option. Mais même dans ce cas-là serait-t-il prêt à lâcher Frangié, qu’il considère comme son assurance-vie à Baabda ? Est-il enclin à faire le moindre compromis à un moment où il estime que les changements régionaux lui sont favorables ? Rien n’est moins sûr. Il paraît très improbable que le parti accepte l’élection d’un candidat qui ne lui serait pas directement obligé. Et pour cause : toute personnalité qui n’est pas avec lui est nécessairement contre lui. Sur ce point, on ne peut lui donner tort : il ne peut y avoir de position neutre à son égard, le Hezbollah étant le principal (mais pas le seul) obstacle à l’édification d’un État digne de ce nom.

Le tandem chiite ne prendra probablement pas le risque de convoquer une nouvelle séance électorale si Jihad Azour est effectivement, comme l’affirme l’opposition, soutenu par au moins 65 députés. Il ne le fera que si le haut cadre du FMI n’a aucune chance de l’emporter afin de l’éliminer de la course, mais cela mettrait également à nu la faiblesse de la candidature Frangié, qui ne peut compter que sur une quarantaine de voix.

Ce scénario, qui suppose qu’une partie des membres du CPL ne vote pas pour Jihad Azour, serait un moindre mal pour le Hezbollah. Il lui permettrait de continuer de négocier avec Gebran Bassil et avec Paris.

Le pire serait que l’ancien ministre des Finances ait effectivement les 65 voix et que la pression monte d’un cran tant sur la scène interne que de la part de la communauté internationale. Dans cette configuration, combien de temps le tandem pourra-t-il bloquer les portes du Parlement ? Et jusqu’où sera-t-il prêt à aller pour pousser ses adversaires à reculer ?

La période qui s’ouvre a le mérite de sortir le pays de sa torpeur, mais elle est pleine d’inconnues et de dangers. Personne n’a intérêt à ce que le Hezbollah montre à nouveau son vrai visage. Celui d’un parti qui, quoi que l’on pense des différentes formations, ne ressemble à aucun autre. Celui d’un parti qui, à lui seul, peut prendre le pays en otage et le plonger dans une nouvelle guerre civile. La guerre ou la soumission : l’équation de 2005, de 2008 et dans une moindre mesure de 2019 est à nouveau sur la table. Tout le monde est prévenu.

Il s’en est fallu de peu. Le Hezbollah est passé à un cheveu de réussir l’un des plus gros hold-up de son histoire politique. Après des mois de blocage, il était parvenu à hisser son candidat, Sleiman Frangié, aux portes de la présidentielle, grâce à l’appui de la France et à l’indifférence de l’Arabie saoudite dans un contexte de détente régionale. Il ne lui restait plus...

commentaires (19)

Bon, la petite mascarade pour élire Joseph Aoun à la fin... un peu de décence et de respect envers les citoyens, accélérez ce va et vient et qu'on en finisse.

Ghali Elias

16 h 36, le 07 juin 2023

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Commentaires (19)

  • Bon, la petite mascarade pour élire Joseph Aoun à la fin... un peu de décence et de respect envers les citoyens, accélérez ce va et vient et qu'on en finisse.

    Ghali Elias

    16 h 36, le 07 juin 2023

  • Quel que soit le candidat, Frangieh, Azour ou Bassil, il est parfaitement clair que nous aurons un président affaibli par un maigre consensus parlementaire (65 voix*) et donc peu de partis politiques porteront leur appui pour toute la durée du mandat. Le prochain président sera sur le grill du barbecue et le soufflet sur la braise sera dans les mains des 2 puissances régionales qui divergent sur la question Libanaise. Ceci veut dire que le pouvoir n’habitera plus au palais. Ce n’est pas de bon augure ! *Comme S. Frangieh, 51 /99…et on connait la fin du mandat !

    Achikbache Dia

    01 h 06, le 06 juin 2023

  • Dès le premier jour de l’annonce par le “duo” chiite de la candidature de Frangié gebran Bassil s’y était catégoriquement opposé .

    Hitti arlette

    21 h 46, le 05 juin 2023

  • Guerre civile pourquoi pas

    Eleni Caridopoulou

    20 h 20, le 05 juin 2023

  • En répondant à C.A. que vous faites cher ex Ambassadeur, des Milliards que Bassil Gebran et Michel Aoun ont usurpé à l'état et au peuple Libanais. Depuis quand Gebran Bassil tient ses promesses ? N'oubliez jamais ce que ce fourbe et arriviste a fait de l'accord de Merab! Bassil ne pense qu'à ses intérêts et ceux du Mollah de La Dahyé. Faire confiance à cet homme me fait penser au Scorpion et le Renard, pour traverser la rivière... Le Scorpion ne peut s'empêcher de ne pas suivre sa nature.

    Marwan Takchi

    17 h 52, le 05 juin 2023

  • Je donne raison à C.A. Frangié ne passera pas! Il n'en est pas question que celui-ci accède à la chaise couverture pour le HA. J'aurais préféré mille fois Michel Mouawad, personnellement. À force de se la fermer vis-à-vis du Hezbollah et des Syriens, voilà ou le Liban est arrivé. Ou nous sommes pour le Liban uniquement ou nous sommes traîtres! Le Hezbollah, sa seule utilité est de mettre la pagaille au pays et au M.-O. Que fait Nasrallah quand il sent la soupe chaude, il menace d'une guerre civile ? HN à le CULOT après prétendre qu'il est ouvert aux suggestions. Il n'y a que les cruches qui le croient. Que l'Arabie se rapproche ou non, je m'en contrefou. Le Liban est unique, ni Arabe et ni Perse. Nous sommes la croisée des chemins entre les pays arabes et l'Occident. Cela a toujours été. Bassil le Fourbe, est bien capable de trahir encore une fois la confiance des chrétiens en se réfugiant encore sous la Robe Iranienne et les Bottes Syriennes. Bassil ce n'est pas gêné de poignarder de sang-froid le dos des Libanais indépendant.

    Marwan Takchi

    17 h 44, le 05 juin 2023

  • En arrière-plan de la présidentielle se trouve la question du gouverneur de la banque centrale, et des éventuelles mesures que pourraient prendre les américains et le européens. Telles que les choses apparaissent actuellement, il n'y aura vraisemblablement pas d'élection de sitôt, car ni le Hezb ni ses adversaires ne semblent en mesure d'imposer rapidement leur candidat. Et donc le mandat de Salamé se terminera vraisemblablement avant l'élection. Si l'anarchie continue de prévaloir dans le secteur bancaire, il y a de fortes chances que les occidentaux renforcent, par exemple, leurs mesures anti-blanchiment à l'égard du Liban. Sans même qu'il y ait de véritables sanctions, de telles mesures auraient un lourd impact sur l'économie. Comment les politiciens libanais réagiront-ils alors? Ils essaieront sans doute d'ignorer les pressions aussi longtemps qu'ils le peuvent. Pourront-ils le faire sans conséquence pour eux-mêmes? A long terme, je ne crois pas, mais on ne peut être sûr de rien.

    Nagi Nahas

    16 h 44, le 05 juin 2023

  • Il ne passera pas , vous perdez votre temps .

    Chucri Abboud

    15 h 25, le 05 juin 2023

  • Pour qu’une guerre civile ait lieu il faut que le peuple soit pour les usurpateurs et contre leur pays. Or dans ce cas de figure, Les libanais dans leur majorité et toutes confessions confondues se sont rendus à l’évidence que ce parti ne veut en aucun cas leur bien être ni leur salut. Pourquoi HB croit pouvoir diviser à nouveau un peuple qui n’est plus sensible à ses argumentations à deux balles alors que les seules victimes de sa toute puissance ont été les libanais de tous les bords et en premier lieu les chiites qui ont servi de chair à canon pour servir sa cause pour le moins farfelue et grotesque dans toutes les guerres auxquelles il a participé sur ordre des Faqikhs qui se sont servi du sang libanais chiite pour instaurer la terreur sans contre partie, sinon les mausolées pour ces morts pour rien et quelques dollars aux familles qu’on a pris le soin d’affamer auparavant pour accepter de sacrifier leurs enfants contre une bouchée de pain.

    Sissi zayyat

    10 h 49, le 05 juin 2023

  • Attachez vos ceintures, alerte a la bombe,

    Zampano

    08 h 33, le 05 juin 2023

  • "Le pire serait que l’ancien ministre des Finances ait effectivement les 65 voix" Je me comprends pas très bien. Si Azour obtient 65 voix, il est élu et l'affaire est terminée!

    Yves Prevost

    08 h 28, le 05 juin 2023

  • Est-ce un parti politique ou une milice armée aux ordres d'un état étranger? La question est de pure forme tant le monde entier connaît la réponse.

    CODANI Didier

    08 h 21, le 05 juin 2023

  • 10 à 15 pour cent des Libanais qui soutiennent effectivement le Hezb ses armes illégales et ses maîtres étrangers ne peuvent plus continuer à prendre en otage les 85 à 90 pour cent restants. S’il y a guerre ce sera uniquement de la faute du Hezb et ce sera très différent de la guerre de 75 contrairement à ce que veut nous faire croire le Hezb, mais pas que.. En 75 on peut dire grosso modo que 50 pour cent des Libanais était dans le camp national et 50 pour cent dans le camp anti-national. Alors que maintenant on est plutôt sur du 90 / 10. Mais les 10% d’antinationaux de 2023 sont autrement mieux organisés et motivés que les 50% de 1975 ! Les 50% d’antinationaux de 1975 étaient majoritairement soutenus par les peuples de la région, les 10% de 2023 sont très majoritairement haïs.. Si le Hezb le veut il y aura guerre nul ne pourra l’empêcher, par contre la guerre sera aussi différente de celle de 75 que la guerre de 39-45 a été différente de la guerre de 14-18 qu’on se le dise !

    Citoyen libanais

    07 h 26, le 05 juin 2023

  • Il faudrait chercher une solution qui oblige Berri à remplir son vrai rôle pour qu'il arrête de se comporter en chef de milice en fermant les portes du Parlement. Tout est clair et frappant maintenant.

    Esber

    07 h 03, le 05 juin 2023

  • Votre article met le feu aux poudre. Aussi bien que Frangié, Moawad, Azour est un présidentiable sérieux. Pourquoi le combattre si l’on persiste à dire que le Hezbollah conservera ses armes jusqu’au dernier retrait des territoires libanais, du Golan et de la Palestine d’avant 1967..

    Mohamed Melhem

    05 h 10, le 05 juin 2023

  • NE SOYEZ PAS DUPE BASSIL JOUE UN JEU OU IL SERA VAINQUEUR QUI EST MIEUX BASSIL OU AZOUR POUR LE HEZBOLLAH? SUREMENT BASSIL DONT IL CONNAIT TOUTES LES CORRUPTIONS DONC IL SERA UN PANTIN POUR HEZBOLLAH MAIS PRESIDENT MALGRE TOUT LA VERITE:POUR NASRALLAH ENTRE BASSIL ET AZOUR IL N'A PAS VRAIMENT LE CHOIX SE SERA BASSIL PAUVRE LIBAN

    LA VERITE

    02 h 58, le 05 juin 2023

  • MR BASSIL EST TROP MALIN. IL EFFRAIE NASRALLAH AVEC UN CANDIDAT MAIS EN FAIT IL FAIT SAVOIR QUE LE SEUL PRESIDENT PRO HEZBOLLAH C'EST LUI ET IL PENSE OBLIGER DONC NASRALLAH A LE NOMMER A LUI CAR IL POURRAIT ALORS DEVENIR PRESIDENT LA VERITE: PERSONNE N'EST DUPE ET NASRALLAH PREFERERA BASSIL A UN AUTRE SI FRANGIE NE PEUT PAS REUSSIR DONC MIEUX VAUT POUR NASRALLAH AVOIR BASSIL SUR QUI IL CONNAIT TELLEMENT DE CORRUPTION PROBABLEMENT PLUTOT QU'UNE AUTRE PERSONNE SIMPLE COMME BONJOUR BASSIL SERA DONC LE PROCHAIN PRESIDENT CQFD. PAUVRE LIBAN

    LA VERITE

    02 h 51, le 05 juin 2023

  • Hezbollah Va continuer à menacer si nous s’inclinons pas à sa volonté À force de plier et de s’incliner pour préserver la paix civile ca nous arriverai tel qu’ils dit Churchil 1 Vous avez eu à choisir entre la guerre et le déshonneur vous avez choisi le déshonneur, vous aurez la guerre.

    william semaan

    00 h 57, le 05 juin 2023

  • Il faut soutenir la candidature Azour afin d’éviter une nouvelle guerre civile qui pointe son sale nez.

    TrucMuche

    00 h 34, le 05 juin 2023

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