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Culture - Musique

Arthaus Beirut ouvre ses portes à la scène locale

Dans une démarche de mécénat culturel, cet hôtel branché de Gemmayzé encourage des musiciens résidant au Liban affectés de plein fouet par la crise économique et sanitaire.

Arthaus Beirut ouvre ses portes à la scène locale

Le magnifique lobby de l’hôtel Arthaus Beirut, dont le nom est inspiré du mouvement artistique Bauhaus au début du XXe siècle. Photo DR

Au cœur du quartier animé de Gemmayzé, à quelques encablures du port de Beyrouth, se niche une oasis dédiée au bien-être et à la beauté. Au fond d’une impasse, en haut des escaliers, une grande propriété ottomane se déploie avec sa piscine et ses jardins ombragés. De là, on peut admirer les ruines d’une villa romaine. C’est à cet héritage ancien que les propriétaires Zoé et Nabil Debs ont voulu rendre hommage en restaurant leur ancienne demeure pour la transformer en hôtel, offrant la part belle aux pièces d’archéologie et d’art qu’ils collectionnent depuis des décennies.

Le sort a voulu que l’inauguration du lieu se tienne le 4 août 2020. Deux heures avant la double explosion au port de Beyrouth, survenue peu après 18 heures, les invités commençaient à affluer. « Réflexe de guerre, on est allé se réfugier sous le bar. Mais lors de la seconde explosion, c’était la catastrophe. Tout a brûlé et la façade est tombée », se souvient Nabil Debs.

Dès le lendemain, l’équipe est mobilisée pour tout reconstruire. Un ami artiste propose l’idée de faire une exposition dans les rues du quartier au profit des sinistrés, et c’est le directeur de la galerie Christie’s New York qui se charge de curater le show collectif. « On a décidé de refuser l’explosion, de reconstruire et d’aider, raconte Nabil Debs. Il y avait le risque que l’un des derniers quartiers à caractère traditionnel de la ville soit détruit et devienne la proie des promoteurs immobiliers. »

Un concert de jazz dans la nouvelle salle de concerts au sous-sol de l’Arthaus. Photo DR

« Voir le verre à moitié plein ou à moitié vide »

Dans un souci de limiter l’exode des habitants, « pour éviter que le Liban se réduise à une culture existant seulement par sa diaspora », comme le dit si bien Nabil Debs, il était important pour ce collectionneur d’art de continuer à encourager la créativité. « Les situations poststress sont les plus créatives, soutient-il. On a voulu créer un mouvement permettant d’extérioriser les émotions. En créant une plateforme donnant libre cours à la créativité, des choses extraordinaires peuvent jaillir. »

Depuis les années 1950, la capitale libanaise a toujours constitué un melting-pot, un point de rencontre pour les artistes et les intellectuels de la région qui y ont trouvé refuge, en raison de la liberté d’expression et de l’abondance de la vie culturelle. « Peu importe d’où ils viennent, l’essentiel est que les artistes se produisent, jouent, exposent, appuie le fondateur d’Arthaus. Les artistes irakiens, palestiniens, syriens ou égyptiens qui vivent à Beyrouth ont été très touchés par la double explosion. Car Beyrouth leur appartient tout comme elle appartient aux Libanais. C’est cette dimension internationale de la ville qui fait sa beauté. Les Libanais voyagent, ils vont et viennent, surtout depuis le 4 août et la crise économique, et cela enrichit la culture. »

Pour mémoire

Avec « Beirut Year Zero », Nabil Debs déclare la guerre aux stigmates du 4 août

« Libre à nous de voir le verre à moitié vide ou à moitié plein », poursuit Karim Ghattas, associé à la programmation musicale de l’Arthaus. Fondateur du festival Liban Jazz, ce quadragénaire franco-libanais s’était exilé en Grèce après la double explosion, avant de revenir s’installer au Liban moins de deux ans plus tard avec sa petite famille. « On ne va pas lutter contre tous les aspects négatifs de ce pays, constate-t-il. Au Liban, le manque de structure fait que la volonté d’un seul homme peut faire bouger les lignes. Je ne vais pas changer le monde avec la musique, mais à mon échelle, j’apporte du bonheur à un public qui va ensuite en faire autre chose. »

Les jardins idylliques de l’hôtel Arthaus, à Gemmayzé, avec la piscine. Photo Nada Ghosn

« Sans l’art, on est un peu mort »

Conçu comme une plateforme où tout le monde vient présenter de l’art visuel, du design ou de la musique, Arthaus n’a jamais interrompu sa programmation. Même pendant la crise sanitaire, de petites sessions de musique live accueillaient un public de quelques personnes. Après le 4 août, l’artiste contemporain Zad Multaka est venu interpréter une composition musicale sur le texte de L’apocalypse arabe d’Etel Adnan.

Lorsque Liban Jazz a repris en 2022, après deux ans d’interruption dus à la crise sanitaire, Arthaus s’est associé au festival, dont il est devenu le principal mécène. Le lendemain d’un concert à succès du musicien de jazz Eric Truffaz au MusicHall, un after-show est improvisé dans un sous-sol de l’hôtel. Quelque temps plus tard, le propriétaire fait part de son souhait de transformer la salle en un club underground. « Nous souhaitons mettre en valeur la scène libanaise prolifique, audacieuse et actuellement en difficulté, explique Karim Ghattas. Mais cela n’exclut pas d’accueillir des artistes étrangers. »

Deux concerts ont déjà été organisés dans ce cadre avec les groupes Préface et Interbellum, attirant un public éclectique de tous les âges. Le troisième est prévu ce jeudi 11 mai à 21h30 avec Sundowner (Ramzi Khalaf), accompagné de la chanteuse palestino-koweitienne Tamara Qaddoumi. « Les événements sont gratuits pour le public et n’engagent pas de coûts de production pour les artistes, souligne Nabil Debs. Ce qui compte, c’est d’offrir de la belle musique et de permettre à des musiciens qui n’ont pas forcément les moyens de se produire dans des lieux spécialisés. »

Pour mémoire

Nabil et Zoé Debs, anges gardiens des vieilles pierres

Arthaus Beirut porte une attention particulière à offrir aux artistes locaux le même traitement que les artistes étrangers, ce qui n’est pas toujours le cas au Liban. « Nous invitons des artistes talentueux que nous souhaitons soutenir en leur offrant de bonnes conditions pour présenter leur travail, ajoute Karim Ghattas. Petit à petit, ils se passent le mot. L’important, c’est de faire en sorte que la culture ne devienne pas le parent pauvre du pays qui fait face à des difficultés autres. Sans l’art, on est un peu mort. »

Au cœur du quartier animé de Gemmayzé, à quelques encablures du port de Beyrouth, se niche une oasis dédiée au bien-être et à la beauté. Au fond d’une impasse, en haut des escaliers, une grande propriété ottomane se déploie avec sa piscine et ses jardins ombragés. De là, on peut admirer les ruines d’une villa romaine. C’est à cet héritage ancien que les propriétaires Zoé...

commentaires (1)

"Curater" ca existe comme verbe? En tous cas, c'est moche : (

Emmanuel Durand

09 h 55, le 11 mai 2023

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Commentaires (1)

  • "Curater" ca existe comme verbe? En tous cas, c'est moche : (

    Emmanuel Durand

    09 h 55, le 11 mai 2023

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