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Culture - Installation

Zad Moultaka : Le 4 août, après 18h08, une minute est devenue une éternité...

« Apocalypse-Our » occupe le sous-sol du centre d’art Arthaus, à Gemmayzé, où l’idée d’une ville naissante et d’un port en ruine cohabite.

Zad Moultaka : Le 4 août, après 18h08, une minute est devenue une éternité...

Sous des éclairages subtilement dardés sur les toiles, le quatuor de tableaux de Zad Moultaka déploie, dans son abrasive abstraction, des paysages de désolation, de destruction et de chaos. Photo DR

Au Arthaus, à Gemmayzé, quartier lourdement sinistré par les explosions du 4 août, plus de 50 artistes offrent leur art, en une généreuse levée de fonds et de solidarité en aide aux victimes, sur une initiative de Nabil Debs. En tête de liste, l’installation baptisée « Apocalypse-Our » de Zad Moultaka, œuvre iconoclaste (une fois de plus) d’un artiste pluridisciplinaire qui interpelle, secoue le spectateur et tord le cou aux conventions.

Moultaka a effectué un passage éclair de 48 heures dans la capitale libanaise, juste le temps de signer son installation qui occupe le sous-sol du centre d’art. « Our » signifie le début et le commencement. C’est le nom de la première ville de Mésopotamie et le premier espace de vivre-ensemble dans notre civilisation. Quant à l’apocalypse, l’image de la capitale éventrée et détruite nous y ramène forcément. Et la combinaison des deux devient une évidence…

Là, dans ce sous-sol où l’idée d’une ville naissante et un port en ruine cohabitent, il y a la présence d’un ancien puits découvert lors des travaux. Un puits aux pierres venues d’un autre temps qui se marie parfaitement avec la notion et l’esprit « d’énergie souterraine » dont parle l’artiste dans l’installation Shamas ou Soleil noir qui avait été exposée au musée Sursock en 2018 après son succès au pavillon du Liban à la 57e Exposition internationale d’art contemporain de la Biennale de Venise. L’œuvre – ce bombardier fidèle à la stèle de Hammourabi sur fond de panneaux sertis de piastres (250 livres libanaises) aux tons cuivrés – pourrait être perçue, avec le recul, comme une prémonition, et un avertissement pour tous les consuméristes asservis à l’argent et à ses moyens de gain détournés et dévoyés.

Toile de Zad Moultaka exposée à Arthaus, Gemmayzé. Photo DR

Toiles incandescentes

Le travail artistique et créatif de Zad Moultaka n’a jamais été seulement décoratif, vain et innocent. Au contraire, pour ce plasticien inventif, il s’agit toujours d’engagement. Beyrouth et le Liban, chevillés au cœur et au corps, sont des cris d’alerte et de prises de conscience. La dégringolade du pays et le refus de la suprématie des adorateurs du veau d’or, il les clame depuis des lustres. Les quatre tableaux (acrylique sur papier) de son nouveau cru sont inspirés par le cataclysme du port – lui qui travaillait ce jour-là sur une partition de musique dans son atelier de Furn el-Chebback dont les vitres ont été soufflées, alors que sa fille venait juste de quitter la maison. Zad Moultaka, à propos de ce choc que nul n’est prêt à oublier, a les mots suivants : « Le temps s’est ralenti le 4 août, après 18h08, une minute est devenue éternité, bruyante, assourdissante comme un sifflement dans la tête d’oiseaux errants dans un vide… lourd. Une minute est devenue éternité contenant dans ses profondeurs une révélation. » Ces tableaux, dont la genèse effective remonte à 2019, trouvent leur résonance dans ce tragique cataclysme. Sous des éclairages subtilement dardés sur les toiles, ce quatuor de tableaux déploie, dans son abstraction, des paysages de désolation, de destruction et de chaos dans un fouillis de couleurs sombres qui s’entrechoquent, et qui reprennent en écho les souffrances des Libanais laissés à eux-mêmes dans leur tragique histoire, sans le soutien, ni le réconfort d’un État failli et arrogant, aux abonnés absents.

Pour mémoire

Zad Moultaka à Venise avec les murmures des ombres du passé...

Paradoxalement, ces toiles incandescentes recèlent aussi une force vive et secrète, une « énergie souterraine » torrentielle. Une énergie mystérieusement canalisée dans un incoercible élan pour une reconstruction, une renaissance, une résurrection.

Ces œuvres picturales, reflets des événements qui transforment le regard, le temps intérieur et l’être, sont accompagnées d’une musique signée par le compositeur et déjà jouée à Amsterdam en 2007. Avec une atmosphère portée par le verbe simple, mais intense d’Etel Adnan intitulé Apocalypse arabe, un texte poétique scandé et chanté par le chœur de la radio d’Amsterdam. Comme un rappel contre l’anarchie, la corruption et la cupidité de gouvernants véreux… Un appel à la vie, au renversement du passé, un urgent besoin de faire table rase…

À noter que ces tableaux feront partie d’une vente aux enchères caritative en novembre prochain à Londres.

L’exposition « Beirut Year Zero » au Arthaus (Gemmayzé) a lieu du 2 au 14 octobre.

Au Arthaus, à Gemmayzé, quartier lourdement sinistré par les explosions du 4 août, plus de 50 artistes offrent leur art, en une généreuse levée de fonds et de solidarité en aide aux victimes, sur une initiative de Nabil Debs. En tête de liste, l’installation baptisée « Apocalypse-Our » de Zad Moultaka, œuvre iconoclaste (une fois de plus) d’un artiste pluridisciplinaire...

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