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Politique - Décryptage

Des médiateurs irakiens tentent un dialogue entre Riyad et le Hezbollah

« Ceux qui parlent désormais avec les houthis, après avoir essayé pendant des années de les éliminer du paysage politique au Yémen, peuvent très bien amorcer un dialogue avec le Hezbollah. » C’est le seul commentaire que l’on peut arracher à un proche du Hezbollah sur l’ouverture d’un dialogue entre des représentants de cette formation et les responsables saoudiens.Mais cette phrase qui se veut lapidaire résume bien la situation actuelle des liens entre les deux camps, rompus depuis des années, mais qui pourraient bien être renoués dans un proche avenir. Ces derniers jours, des informations sur des contacts indirects entre des responsables saoudiens et des représentants du Hezbollah ont circulé dans les médias. Mais les deux parties précisent que rien de tel n’a encore eu lieu.

Toutefois, selon des sources proches des deux camps, chacun a changé de ton à l’égard de l’autre. Même si, jusqu’à présent, le seul élément concret est le fait que des intermédiaires de bonne volonté s’activent et proposent leurs services aux deux parties.

À ce sujet, des sources du Hezbollah précisent que des démarches ont été effectuées en ce sens par des émissaires irakiens. Il y a eu précisément deux tentatives de la part de deux personnalités de haut rang, l’ancien Premier ministre Moustafa el-Kazimi et le cheikh Ammar el-Hakim, un influent politicien chiite. Tous les deux étaient au Liban il y a quelques jours pour voir leurs familles respectives (l’épouse de Kazimi est originaire de Tripoli et l’ancien Premier ministre a une résidence au Liban, alors que la mère de Ammar el-Hakim est originaire de Bint Jbeil et il vient régulièrement au Liban où vivent des membres de sa famille). Il faut préciser que ces personnalités irakiennes ont noué de bonnes relations avec le Hezbollah, notamment cheikh Ammar el-Hakim qui, pendant la période où il était persécuté dans son pays, avait comme beaucoup d’autres figures irakiennes trouvé refuge au Liban sous la protection du parti chiite.

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Au cours de son dernier séjour au Liban, Moustafa el-Kazimi, qui a gardé de très bonnes relations avec les dirigeants saoudiens, a donc proposé au Hezbollah de tenter une médiation pour établir un dialogue indirect entre les deux camps. Ammar el-Hakim, de son côté, a été encore plus précis. Il a révélé aux dirigeants du Hezbollah qu’avant de venir au Liban, il s’était rendu en Arabie saoudite où il avait rencontré le prince héritier Mohammad ben Salmane. Il a évoqué avec lui la possibilité d’initier un dialogue indirect avec la formation chiite et il est ensuite venu au Liban pour tâter le terrain.

Jusqu’à présent, le Hezbollah reste très discret sur cette question, mais plusieurs personnalités proches de la formation précisent que celle-ci n’a aucun inconvénient à établir un dialogue avec les autorités saoudiennes. Elles affirment que « ce n’est pas le Hezbollah qui a attaqué le royaume saoudien ou qui a cherché à rompre les relations avec lui, mais bien les dirigeants saoudiens eux-mêmes qui ont décidé de considérer le Hezbollah comme un ennemi », lorsque la guerre au Yémen a commencé et qu’ils ont appuyé le camp du président en place à l’époque Abed Rabbo Mansour Hadi (en été 2014). À partir de cette date, et en raison des développements sur le terrain yéménite – qui ont permis au camp des houthis de tenir bon face aux loyalistes appuyés par l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et d’autres pays arabes–, les Saoudiens ont accusé le Hezbollah d’aider militairement les rebelles chiites et ont alors considéré cette formation comme étant terroriste, selon les figures proches du parti.

Aujourd’hui, et alors que le dossier yéménite est en voie de règlement et que la trêve qui se prolonge depuis des mois pourrait devenir une paix durable, l’approche saoudienne à l’égard du Hezbollah pourrait changer, surtout si le dialogue avec l’Iran s’approfondit et se développe. C’est donc en se basant sur ces données que les deux médiateurs irakiens ont lancé leur initiative. Les sources proches du Hezbollah ne cachent pas que le parti accueille favorablement l’idée d’un rapprochement avec le royaume wahhabite dans une perspective d’apaisement des tensions régionales, suite à l’accord irano-saoudien. Ces sources rappellent que les relations entre les autorités saoudiennes et le Hezbollah ont été bonnes pendant de longues années. Une délégation du parti pro-iranien (présidée par le numéro deux de la formation, le cheikh Naïm Kassem, et avec la participation du ministre Mohammad Fneich) avait même effectué en 2007 une visite à Djeddah. La délégation avait alors rencontré pendant près de 3 heures et demie le roi Abdallah, en présence du prince Bandar ben Sultan, alors président du conseil de sécurité nationale du royaume. Cette visite avait été organisée par le chef des services de renseignements saoudiens de l’époque, le prince Mokren, qui avait effectué dans ce but une visite au Liban, avant d’envoyer son avion privé pour amener la délégation du Hezbollah. Par la suite, les ambassadeurs saoudiens qui se sont succédé au Liban, notamment Abdel Aziz Khoja, menaient régulièrement des concertations avec le Hezbollah dans le cadre de leurs rencontres avec les différentes parties libanaises. Tout cela s’est arrêté à partir du déclenchement de la guerre au Yémen. Les relations entre les deux camps ne se sont donc pas détériorées à cause de la guerre en Syrie ou d’un autre dossier, précisent les sources proches du Hezbollah. Aujourd’hui, le règlement qui se profile au Yémen ouvre donc de nouvelles perspectives pour la région et notamment pour la reprise d’un dialogue entre les Saoudiens et le Hezbollah. Même indirect.

« Ceux qui parlent désormais avec les houthis, après avoir essayé pendant des années de les éliminer du paysage politique au Yémen, peuvent très bien amorcer un dialogue avec le Hezbollah. » C’est le seul commentaire que l’on peut arracher à un proche du Hezbollah sur l’ouverture d’un dialogue entre des représentants de cette formation et les responsables...

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