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Moyen-Orient - REPÈRE

Les ambassades du Qatar et des Émirats arabes unis reprennent leurs activités

Fermées depuis six ans, les ambassades respectives du Qatar et des Émirats ont rouvert ce lundi, concrétisation d'une normalisation dont la conclusion était loin d'être une évidence. 

Les ambassades du Qatar et des Émirats arabes unis reprennent leurs activités

L’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad al-Thani (à droite), recevant le conseiller à la sécurité nationale des EAU, cheikh Tahnoun ben Zayed al-Nahyan (aujourd’hui vice-gouverneur d’Abou Dhabi) à Doha, le 28 juin 2022. Photo d’archives AFP

Conformément à l'annonce faite en avril dernier, la réouverture mutuelle des ambassades des Emirats arabes unis (EAU) et du Qatar a eu lieu ce lundi 19 juin, ce qui représente une étape significative dans la normalisation diplomatique entre les deux pays, grands rivaux du Golfe. Ce qui suit est une actualisation du Repère publié le 18 avril sur le contexte et les enjeux de cet événement.

Les ambassades respectives du Qatar et des EAU ont rouvert lundi après que les deux États du Golfe ont convenu de rétablir leurs liens diplomatiques, a déclaré le ministère des Affaires étrangères du Qatar. Si les Emirats ont signé les accords d’Al-Ula en Arabie saoudite, mettant un terme au blocus du Qatar en janvier 2021, il leur aura fallu beaucoup plus de temps que leurs voisins pour achever leur normalisation avec Doha. La réouverture des ambassades marque une avancée dans le réchauffement entre les deux anciens rivaux, à l'heure où les pays du Golfe sont en compétition pour diversifier leur économie.

Les faits

• Le 19 juin, le ministère des Affaires étrangères du Qatar a annoncé officiellement la réouverture des ambassades respectives du Qatar et des Émirats arabes unis. Selon l'agence de presse qatarie QNA, les deux ministres des Affaires étrangères, cheikh Mohammad ben Abdulrahman Al-Thani et cheikh Abdullah ben Zayed, se sont entretenus au téléphone lors de la réouverture des deux chancelleries lundi.

• Le Qatar et les Émirats arabes unis avaient annoncé, mardi 18 avril, la réouverture prochaine de leurs ambassades respectives, plus de deux ans après la fin du boycott de Doha. « Des travaux sont en cours » pour rouvrir les ambassades « dès que possible », avait alors déclaré le bureau international des médias du Qatar dans un communiqué. Les EAU avaient annoncé, pour leur part, que « l’activation des relations diplomatiques, qui comprendra la réouverture des ambassades, est en cours entre les deux pays ».

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• Un responsable du Golfe a déclaré que les missions diplomatiques devraient rouvrir et accueillir de nouveaux ambassadeurs d’ici à la mi-juin. Une autre source a dit que les relations diplomatiques seraient entièrement rétablies d’ici à quelques semaines, toujours selon l’agence de presse.

Le contexte

• Un certain nombre de désaccords géopolitiques avaient conduit les EAU, l’Arabie saoudite, Bahreïn, l’Égypte et d’autres pays (dont la Libye et le Yémen) à rompre leurs relations avec le Qatar, en juin 2017. L’émirat gazier était jugé trop proche de l’Iran, avec qui il entretient de bonnes relations, partageant avec lui le plus grand gisement du monde à sa frontière maritime, ainsi que des Frères musulmans honnis par ses voisins.

• Le blocus, poussé avant tout par Abou Dhabi, s’était terminé à l’initiative de l’Arabie saoudite lors des accords d’al-Ula en janvier 2021. Le Qatar n’avait rien cédé aux exigences des initiateurs du blocus, à savoir une mise à distance de ses relations avec l’Iran et les groupes islamistes, et la fermeture de la chaîne al-Jazeera, principal outil d’influence qatari au Moyen-Orient. L’Arabie saoudite avait toutefois annoncé la réouverture de son ambassade à Doha dans la foulée, tout comme l’Égypte.

• « La réconciliation entre le Qatar et les pays qui ont mené le blocus ont progressé à des rythmes très différents parce qu’il y a une longue histoire de méfiance entre le Qatar et les émirats, tout comme entre le Qatar et Bahreïn (qui ont annoncé le rétablissement de leurs liens diplomatiques vendredi) », constate Anna Jacobs, chercheuse au International Crisis Group.

• Le soutien du Qatar à la confrérie et ses affiliés pendant les printemps arabes de 2011 en Égypte, en Syrie, en Tunisie et en Libye a intensifié le clivage intra-golfique. Il s’est notamment manifesté par le soutien qatari au gouvernement frériste de Mohammad Morsi en Égypte, renversé en 2013 par un coup d’État du général Abdel Fattah el-Sissi, lui-même appuyé par Riyad et Abou Dhabi. Mais les Frères musulmans, lâchés par la Turquie, représentent aujourd’hui une moindre menace aux yeux des émirats, ce qui a sans doute contribué à apaiser les tensions avec le Qatar.

• En matière d’influence et de soft power, les EAU et le Qatar sont en compétition. Dotés d’une vision de diversification économique à long terme et d’un fonds souverain quasi inépuisable, les deux pays riches en hydrocarbures ont de longue date investi dans la culture (Louvre d’Abou Dhabi), l’éducation, avec les plus grandes universités américaines ayant ouvert des branches dans les deux pays (NYU à Abou Dhabi, Georgetown et Northwestern à Doha…), et bien sûr le sport (PSG et Coupe du monde de football pour Doha, Manchester City pour Abou Dhabi).

• La rivalité s’est poursuivie après la fin du blocus, le Qatar accusant les EAU de mener une guerre médiatique contre lui. En mars, une enquête de Mediapart a révélé que le renseignement émirati avait fait appel à Alp Services, une société d’intelligence économique basée en Suisse, pour mener en France une campagne de « contre lobbying » visant le Qatar.

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• Malgré tout, des signes de réchauffement se sont manifestés entre les deux parties depuis la levée du blocus. Plusieurs rencontres entre responsables des deux pays se sont tenues en août 2021, notamment entre Tahnoun ben Zayed, alors conseiller à la sécurité nationale, et l’émir du Qatar Tamim ben Hamad al-Thani. Une autre visite notable fut celle du président de la fédération, Mohammad ben Zayed, à Doha durant la Coupe du monde, suivie de celle de ses frères les princes Mansour et Tahnoun en mars. Enfin, les émirats ont récemment levé l’interdiction de diffusion de la plupart des médias qataris, dont al-Jazeera, un signe majeur que l’heure est à la détente.

• Ces changements s’inscrivent dans une dynamique régionale de réconciliation, alors que l’Arabie saoudite et l’Iran avaient annoncé le rétablissement de leurs relations, que la Syrie a normalisé ses relations avec Riyad. Des pas qu’Abou Dhabi avait franchis avant son voisin saoudien, en envoyant un émissaire à Téhéran l’année dernière et en rouvrant son ambassade à Damas en 2018. Alliée du Qatar durant le blocus, la Turquie a aussi rétabli ses relations diplomatiques avec le royaume wahhabite et la fédération émiratie ces derniers mois.

Les enjeux

• « Mais plusieurs points de friction entre le Qatar et ses voisins du Golfe ont été mis à l’écart plutôt que résolus, prévient Anna Jacobs. Le soutien du Qatar aux groupes islamistes n’est plus un problème aussi important qu’il l’était lors des printemps arabes, mais cela reste un sujet de préoccupation. » Il en est de même pour les relations entre le Qatar et l’Iran, malgré le fait que l’Arabie saoudite a annoncé le rétablissement de ses liens diplomatiques avec Téhéran.

• L’indépendance du Qatar dans sa prise de décisions de politique étrangère a toujours irrité ses voisins. Actuel sujet de divergence entre le Qatar et ses alliés : la normalisation avec la Syrie de Bachar el-Assad. Alors que, selon le média al-Mayadeen, Riyad avait envoyé une invitation officielle au président syrien par l’entremise de son ministre des Affaires étrangères, présent à Damas, Doha a de son côté exclu tout projet de normalisation avec le régime syrien. 

Conformément à l'annonce faite en avril dernier, la réouverture mutuelle des ambassades des Emirats arabes unis (EAU) et du Qatar a eu lieu ce lundi 19 juin, ce qui représente une étape significative dans la normalisation diplomatique entre les deux pays, grands rivaux du Golfe. Ce qui suit est une actualisation du Repère publié le 18 avril sur le contexte et les enjeux de cet...

commentaires (1)

Encore une victoire par ricochet pour Bachar !

Chucri Abboud

16 h 03, le 19 juin 2023

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Commentaires (1)

  • Encore une victoire par ricochet pour Bachar !

    Chucri Abboud

    16 h 03, le 19 juin 2023

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