890. C’est le nombre de jours durant lesquels le Liban s’est retrouvé sans président entre la fin du mandat de Michel Sleiman le 25 mai 2014 et l’élection de Michel Aoun le 31 octobre 2016. Le délai sera-t-il plus court cette fois-ci ?
Jusqu’à peu, il y avait de quoi être « relativement » optimiste (nous sommes déjà à 127 jours). La voie semblait dessinée pour un compromis autour de l’élection de Joseph Aoun avant la fin du mandat de Riad Salamé en juillet prochain. Le commandant en chef de l’armée apparaissait comme le favori des Arabes et des Occidentaux, et le Hezbollah donnait le sentiment d’être ouvert à la négociation. Restait à déterminer les contours de ce compromis, qui implique la nomination du futur Premier ministre et celle du prochain gouverneur de la banque centrale, ainsi que les marges des manœuvres des uns et des autres pour répondre à la crise.
Mais la perspective d’un déblocage dans les prochaines semaines s’éloigne de plus en plus. Essentiellement pour une raison : le Hezbollah et l’Arabie saoudite ont clairement fait comprendre qu’ils n’étaient pas sur la même longueur d’onde.
Le Hezbollah veut Sleiman Frangié. Il le veut plus qu’il ne l’avait laissé entendre pour le moment et a fait passer le message via Nabih Berry. Pour le parti de Hassan Nasrallah, le chef des Marada est l’option la plus sécurisante. Non seulement il ne le trahira jamais, mais il a en plus l’avantage de pouvoir s’entendre, contrairement à Michel Aoun, avec une bonne partie du spectre politique et de connaître ses limites. S’il met les bouchées doubles, le Hezbollah pourrait (peut-être) parvenir à convaincre 65 députés de voter pour son candidat. Il faudrait pour cela embarquer Walid Joumblatt, les ex-haririens et quelques aounistes qui se démarquent de Gebran Bassil.
S’il pose l’équation « Frangié ou le chaos », et joue sur la lassitude et la peur de la population et des puissances extérieures, il pourrait (peut-être) même à terme obtenir le quorum de 86 députés nécessaire à l’élection de son protégé. Mais tout porte à croire qu’il n’optera pas pour cette option. Pourquoi ?
Parce qu’elle est beaucoup trop coûteuse. La situation n’est plus la même qu’en 2014. Le parti jaune a conscience que le vide le met en première ligne. Il a besoin, notamment pour répondre aux demandes de sa base, d’un minimum de stabilité et d’un afflux de billets verts. Or, le seul acteur à pouvoir garantir cela, c’est l’Arabie saoudite. Et cette dernière ne veut pas de Sleiman Frangié. Ses relations avec le leader de Zghorta ne sont pas mauvaises. Mais Riyad estime que le Hezbollah est le cœur du problème libanais et – à moins d’une évolution importante sur le plan régional – ne donnera pas son aval à l’arrivée à Baabda d’un allié de premier plan du parti chiite. Et cela même si c’est la condition sine qua non à la nomination d’un Premier ministre de son choix. Le royaume ne se réinvestira au Liban que s’il est convaincu de la couleur politique et du sérieux de ses interlocuteurs. En attendant, il préfère le « chaos » à Frangié.
À l’heure actuelle, faire élire Sleiman Frangié contre la volonté de Gebran Bassil et sans l’accord de l’Arabie est le meilleur moyen pour le Hezbollah et ses alliés de (re)vivre un mandat cauchemar. La surenchère récente du parti est-elle une façon de renforcer sa position avant le compromis ? Est-elle sinon le reflet d’une escalade régionale à venir sur la question du nucléaire iranien ? Pour le moment, la stratégie du parti jaune demeure floue.
A-t-il définitivement fermé la porte à l’option Joseph Aoun ? La candidature du commandant en chef de l’armée a en tout cas pris du plomb dans l’aile, en témoigne l’intensification de la campagne menée contre lui par Gebran Bassil via les canaux médiatiques du Hezbollah.
Le parti chiite le perçoit (désormais) comme le candidat du camp adverse et non comme celui d’un éventuel compromis. Non seulement il ne lui facilitera pas la tâche – et Nabih Berry a été clair à ce niveau-là –, mais il voudra « encaisser » au prix fort une éventuelle concession de sa part. L’élection de Joseph Aoun serait en effet un pied de nez à Sleiman Frangié et à Gebran Bassil que le Hezbollah ne pourrait accepter que s’il dispose de sérieuses garanties (notamment sur ses armes, sur la couleur politique du futur Premier ministre et sur la certitude d’obtenir une aide extérieure). Or, et l’on en revient au principal problème, l’Arabie n’est aucunement disposée à lui offrir ces garanties.
Dans ces conditions, il est possible qu’une troisième option commence à émerger. Dans les coulisses, plusieurs noms sont déjà évoqués. Mais cela peut-il suffire à débloquer la situation ? Rien n’est moins sûr tant les obstacles vont bien au-delà des simples questions de personnalités. Le message saoudien est limpide : le Hezbollah ne peut plus avoir le beurre (le contrôle des postes-clés) et l’argent du beurre (les pétrodollars). S’il veut un président, il doit renoncer, au moins partiellement, à l’un des deux. Mais combien de temps encore le Liban – sans président, sans directeur de la Sûreté générale et bientôt sans gouverneur de la banque centrale – pourra-t-il attendre que Hassan Nasrallah fasse son choix ?
Je suis toujours surpris de cette tendance à mettre tous les problèmes sur le dos du hezbollah... Mais comme tout le monde doit le savoir, dans ce pays faussement démocratique, personne ne respecte la constitution et qui plus est les fonctions d'homme d'état, de députés pour lesquelles ils ont été élu. Je remarque que les législatives ont eu lieu parce que c'était dans l'intérêt de tous les chefs de clans et pas dans l'intérêt du pays. Et tout le reste est bloqué car les chefs de clans mafieux qui sont au pouvoir n'arrivent pas à se mettre d'accord... Cette vision manichéenne avec un méchant et des honnêtes politichiens est vraiment partisane et franchement hypocrite. Ils sont tous coupables du blocage sans exception car ils ne représentent que leurs propres intérets. Pour finir, on a les dirigeants que l'on mérite...on les a réélu...
17 h 44, le 06 mars 2023