Le chef de l'Église maronite Béchara Raï a estimé dimanche que le déblocage de la présidentielle au Liban ne peut se faire qu'en trouvant une alternative aux candidats soutenus par les deux camps adverses, à savoir le camp qui se dit "souverainiste" et celui de la moumanaa (axe pro-iranien), alors que le pays est sans chef de l'Etat depuis quatre mois.
Jusqu'à présent, les partis de l'opposition (au Hezbollah et ses alliés) continuent de soutenir le député de Zghorta et candidat officiel à la magistrature suprême Michel Moawad, alors que le tandem chiite Amal-Hezbollah cherche à faire élire le leader des Marada Sleiman Frangié, au grand dam du chef du Courant patriotique libre (CPL) Gebran Bassil, qui fait partie des présidentiables sans avoir jamais annoncé officiellement sa candidature. Alors que les deux parties campent toujours sur leur position, le prélat a plaidé en faveur de l'élection d'un "président national affranchi de toute affiliation". Il a également lancé de nouvelles piques implicites contre le Hezbollah pro-iranien, dénonçant une "tentative de prolonger la vacance présidentielle pour des fins cachées qui vont à l'encontre de l'identité du Liban".
Lors des onze séances parlementaires électorales organisées entre septembre et janvier, les députés du camp du 8 Mars ont voté blanc lors du premier tour, avant de se retirer de l'hémicycle, engendrant une levée du scrutin, faute de quorum.
Dans une interview accordée jeudi au quotidien pro-Hezbollah al-Akhbar, le président de la Chambre, Nabih Berry, a franchi un cap dans la bataille, affirmant explicitement que son candidat est "connu, il s’agit de Sleiman Frangié". Comprendre, celui du Hezbollah aussi.
Regagner la confiance
Dans son homélie dominicale, le patriarche Raï a estimé que "l'élection d'un président est entravée en raison, malheureusement, du désaccord concernant son appartenance, soit à la moumanaa, soit au camp souverainiste". Il a dès lors affirmé que "la seule solution consiste à sortir de cette équation et que le peuple œuvre pour élire un président national affranchi de tout lien, de toute affiliation, de tout camp et tout axe". "C'est d'un tel président dont le Liban a besoin pour regagner la confiance sur les scènes locale et internationale", a-t-il insisté, espérant que le futur chef de l'Etat "mènera les réformes requises et nécessaires pour débloquer des aides internationales et régionales".
La communauté internationale, par la voix du Groupe international de soutien (GIS) au Liban, ainsi que la France, ont incité cette semaine les responsables à accélérer l'élection d'un nouveau président. Paris a même menacé de "conséquences" les dirigeants qui bloqueraient ce processus et celui des réformes, sans toutefois évoquer de sanctions concrètes.
Pénurie d'hommes d'État
Le chef de l'Église maronite a dénoncé une "tentative de prolonger la vacance présidentielle en vue d'objectifs cachés qui vont à l'encontre de l'identité du Liban et accentuent l'ampleur du crime", dans une critique voilée du Hezbollah, supplétif de l'Iran.
"Nous sommes face à une classe politique irresponsable", a encore dénoncé Mgr Raï, pointant du doigt le fait que celle-ci cherche "uniquement à servir ses intérêts personnels et sectaires". "Le manque d'hommes d'Etat est vraiment douloureux", a-t-il déploré, avant de poursuivre : "Quand ils parlent, ils s'expriment avec malveillance, rancune, et une mentalité milicienne, en causant du mal aux autres et en propageant la division et l'hostilité, ce qui sème des embûches sur la voie de l'élection d'un président de la République".
Les propos du dignitaire religieux chrétien interviennent alors que MM. Berry et Moawad se sont échangé de virulentes accusations. Après que le chef du Législatif a qualifié le député réformiste d'"expérience in vitro", celui-ci l'a accusé d'être un "chef de milice".
Humiliation et oppression
Pour sa part, le métropolite grec-orthodoxe de Beyrouth, Elias Audi, a estimé que "la violence verbale et comportementale est destructrice, autant que les armes". Il a également fustigé le fait que les responsables "ne pensent qu'à eux-mêmes et leurs intérêts". "Comment voulez-vous que le pays se développe et sorte de la crise alors que les personnes qui le gouvernent sont celles-là mêmes qui l'ont mis dans le pétrin ? À quoi sert leur politique stérile face au suicide d'un citoyen qui a désespéré d'une vie chargée d'humiliation et d'oppression ?", a-t-il demandé alors que plusieurs décès récents dans différentes régions du Liban ont été présentés par les médias comme étant des suicides.
Il lui en manque une sinon deux
19 h 37, le 06 mars 2023