Le président du Parlement Nabih Berry et le député de Zghorta Michel Moawad se sont livrés jeudi à un échange tendu d'accusations après que le chef du Législatif a traité l'élu d'"expérience in-vitro", et affiché son soutien au chef des Marada Sleiman Frangié, pour la présidentielle. M. Moawad est officiellement candidat à la magistrature suprême.
Ces propos interviennent alors que la classe politique demeure divisée autour du choix du successeur de Michel Aoun, dont le mandat a pris fin le 31 octobre. Si le camp de l'opposition continue de soutenir Michel Moawad tout en affichant son ouverture à l'élection du commandant en chef de l'armée, le général Joseph Aoun, le tandem chiite continue de soutenir le leader des Marada Sleiman Frangié, au grand dam du chef du Courant patriotique libre (CPL) Gebran Bassil.
"Notre candidat est connu, il s'agit de Sleiman Frangié. Le vote blanc le désignait sans le nommer", a indiqué M. Berry dans un entretien accordé au quotidien al-Akhbar (proche du Hezbollah). "Lors de la première séance électorale, le 29 septembre, il a obtenu 63 voix. Presque plus que la moitié. Il demeure notre candidat et tout le monde le sait, nous l'avons assuré plus d'une fois". Le 29 septembre, 63 députés ont voté blanc. Le nom de Sleiman Frangié n'est ressorti qu'une seule fois de l'urne au cours des onze séances électorales.
"Leur candidat, lui, n'est qu'une expérience in vitro", a encore tonné le chef du Législatif, dans une critique au camp de l'opposition, qui soutient Michel Moawad.
M. Berry a par ailleurs fait état d'"efforts déployés afin que Sleiman Frangié dispose du plus grand soutien", ajoutant "attendre" que le CPL et son chef soient convaincus de voter pour lui. Revenant sur un appel au dialogue qui pourrait paver la voie au déblocage de la présidentielle, une initiative à laquelle M. Berry a eu déjà recours mais qui est tombée à l'eau, le chef du Législatif a estimé que le problème est "inter-maronite". Ces propos interviennent alors que les chefs des principales formations parlementaires ne parviennent pas à s'entendre autour d'un candidat.
"Maître de la corruption"
Face aux déclarations de M. Berry au Akhbar, le député Moawad est sorti de ses gonds. "Le chef du mouvement Amal, qui accapare la présidence du Parlement depuis plus de 30 ans, nous a surpris avec des propos qui ne correspondent pas à son statut de chef du Législatif mais à une position de milicien", a fustigé M. Moawad dans un virulent communiqué. Revenant sur les paroles qui le visent, il a dénoncé une "atteinte" à son père, l'ancien président de la république René Moawad. "C'est aussi une atteinte à tous les députés et groupes parlementaires qui ont voté pour moi, et au village de Zghorta (duquel il est originaire) et au Nord", a-t-il renchéri. "Les Libanais n'ont pas besoin que quelqu'un leur rappelle les pratiques miliciennes de Nabih Berry, son blocus de Beyrouth et son économie, son invasion de la ville le 7 mai (2008), ni l'embargo qu'il impose aujourd'hui sur tout le pays avec son allié, le Hezbollah", a-t-il critiqué. Selon lui, ces derniers "insistent soit sur l'élection d'un président affilié à l'axe de la Moumanaa (l'axe pro-iranien), soit sur le blocage et la paralysie de l'échéance, et l'accaparement des prérogatives du chef de l'État".
Les critiques de M. Moawad ne s'arrêtent pas là. Pour lui, Nabih Berry est un "maître de la corruption à travers les mandats et les gouvernements et le plus grand partenaire du partage de gâteaux depuis 1992, voire bien avant l'accord de Taëf".
Plus tard dans la journée, le député Ali Hassan Khalil, bras droit de M. Berry, a à son tour réagi au communiqué publié par Michel Moawad. "Tu es devenu une éprouvette politique dans le laboratoire de ceux qui t'ont porté candidat", a-t-il critiqué dans un communiqué.
En début de soirée, les Marada ont de leur côté fustigé les propos de M. Moawad. "Nous nous abstenons de vous répondre, alors que vous saisissez toute occasion pour attaquer le chef des Marada", a dénoncé le parti, estimant que le président du Parlement restera toujours l'homme du dialogue".
Bref, nous serons ravis d’avoir un monsieur enfin présidentiable tel que Mr Moawad !
14 h 19, le 04 mars 2023