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Un rêve andalou

L’Europe se radicalise et les États-Unis ont beau avoir inventé des éléments de langage pour neutraliser les discours de haine, la haine n’en est pas lavée pour autant. Dans ce monde surpeuplé, qui va un jour ou l’autre faire face à des catastrophes climatiques de plus en plus sérieuses poussant davantage de populations à migrer, l’horizon est au rejet de l’autre. « La quatrième guerre mondiale se résoudra à coups de bâtons et de silex », prédisait Albert Einstein. Plus près de nous, le séisme à la frontière de la Turquie et de la Syrie, sans compter le nombre de morts, de familles séparées, d’enfants perdus sans identité, laisse plus de cinq millions de personnes sans abri. Où iront tous ces gens ? De quoi vivront-ils ? Qui les accueillera dans une région où la guerre syrienne a déjà réduit tant de villages en camps de réfugiés? Antioche n’est plus, dit-on. La reconstruction, avec les faibles moyens disponibles, ne produira qu’une ville sans caractère, dépouillée de son histoire et de ses fastes passés. Si l’on ajoute à tout cela un effondrement économique sans précédent, de la Turquie au Liban en passant par la Syrie, pas besoin d’être prophète pour constater que la joie de vivre a quitté nos lieux pour longtemps.

Tandis que ce vieux monde se défait, on assiste à l’émergence d’un nouveau pôle qui s’offre en modèle de civilisation pour le troisième millénaire. On y prône la stabilité, la sécurité, l’égalité, l’absence de corruption, le développement des énergies vertes, la préparation aux risques climatiques, un futurisme architectural et technologique hallucinant. On y aspire tous les talents du globe. Ce pôle est le Golfe. Au début de ce mois, le prince héritier d’Arabie saoudite annonçait dans un discours vibrant son intention de faire du monde arabe « la nouvelle Europe ». Le monde entier a écarquillé les yeux en voyant s’ajouter aux projets de Vision 2030 du royaume, au-delà de la futuriste Neom – ville tracée dans le désert comme une ligne réfléchissante, climatisée et robotisée –, le nouveau centre-ville de Riyad, un cube phénoménal abritant en son centre une tour hélicoïdale sous un dôme animé d’hologrammes. Que dire aussi de la « Maison de la famille d’Abraham » qui vient d’être inaugurée à Abou Dhabi ? Trois sublimes cubes – décidément – blancs, purs, de dimensions égales bénéficiant chacun de façades personnalisées, entourés de jardins mystiques, dédiés aux cultes monothéistes : une mosquée, une synagogue et une église. Ce projet est subtilement situé dans la zone « culturelle » de l’émirat. À peine ouvert aux cultes, il a subi, sans surprise, une avalanche de critiques de la part des extrémistes de l’une ou l’autre religion. Les monothéistes n’aiment pas partager leur Dieu unique, mais les Émirats arabes unis tiennent à cristalliser sur leurs propres terres une paix et une ouverture qui n’auront jamais lieu ailleurs. On pourrait y voir une forme de paternalisme, ou une manière un peu hautaine d’en remontrer à grands frais au reste du monde. Mais les faits sont là, des projets se réalisent qui tentent de redimensionner l’histoire en la relogeant sur ce territoire où elle a peu compté. L’Andalousie perdue retrouve ses marques dans les sables du désert.

Combien de temps faudra-t-il à ce nouveau monde pour produire ses Shakespeare, ses Cervantès, ses Brueghel, ses Picasso, ses Proust, ses Rimbaud, ses Melville ? Longtemps, peut-être, ou peut-être jamais. Il y faudrait de la pauvreté, de la souffrance, des inégalités. Dans les prochaines années, on y assistera à de nombreuses prouesses architecturales et technologiques. La poésie et les arts se feront ailleurs et viendront, comme avec les caravanes du temps jadis, poser un peu de la vieille humanité dans ces oasis lointaines.

L’Europe se radicalise et les États-Unis ont beau avoir inventé des éléments de langage pour neutraliser les discours de haine, la haine n’en est pas lavée pour autant. Dans ce monde surpeuplé, qui va un jour ou l’autre faire face à des catastrophes climatiques de plus en plus sérieuses poussant davantage de populations à migrer, l’horizon est au rejet de l’autre. « La...

commentaires (6)

Manaus, ville au Brésil , fut la capitale du caoutchouc et connut un essor phénoménal et démesuré. Elle fut nommée le Paris des Tropiques. On envoyait laver son linge au Portugal. On y construisit même un Opéra où tous les grands artistes du monde s'y produisirent. Et puis l'hévéa d'Indonésie arriva et plongea Manaus dans un marasme économique terrible....... A bon entendeur salut...!!!

Tamimtamim

10 h 49, le 23 février 2023

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Commentaires (6)

  • Manaus, ville au Brésil , fut la capitale du caoutchouc et connut un essor phénoménal et démesuré. Elle fut nommée le Paris des Tropiques. On envoyait laver son linge au Portugal. On y construisit même un Opéra où tous les grands artistes du monde s'y produisirent. Et puis l'hévéa d'Indonésie arriva et plongea Manaus dans un marasme économique terrible....... A bon entendeur salut...!!!

    Tamimtamim

    10 h 49, le 23 février 2023

  • Grande admiration ! H

    BARAKAT Hoda

    10 h 13, le 23 février 2023

  • Sans être le paradis, l'Occident est une terre de liberté qui crée des richesses. Les pays du golf (profondément inégalitaires et intolérants, au passage) profitent d'une manne qui ne durera pas. Rdv dans 50 ans, on en reparle. Ce qui me choque le plus, c'est l'absence de solidarité entre musulmans. Du point de vue du partage des richesses, mais aussi des libertés. Le peuple ouïghour est l'objet d'une violence inouïe de la part des dirigeants chinois : y a-t-il quelque part, ailleurs qu'en Occident des manifestations de soutien, de dénonciation ?

    F. Oscar

    09 h 59, le 23 février 2023

  • Comme à l'accoutumée : vous lire, Madame, est un véritable plaisir.

    AWADA Azzam

    08 h 17, le 23 février 2023

  • C'était un billet humoristique, n'est-ce pas ? Relire Abdel Rahman Mounif, se balader dans les ruelles de Cordoue ou Séville, et ne pas succomber à la propagande de quelques centres commerciaux et autres "money laundry" à l'atmosphère irrespirable.

    IBN KHALDOUN

    08 h 02, le 23 février 2023

  • j'ai bien aimé. Toujours je vous lis avec plaisir

    Hind Faddoul FAUCON

    06 h 28, le 23 février 2023

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