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Que deviendront nos enfants ?

L’Arabie saoudite s’apprête à ouvrir, cette année, 1 500 écoles. Un chiffre impressionnant, qui nous parle avant tout de l’extrême jeunesse de la population saoudienne et de la vitalité économique de ce royaume. L’ouverture d’une école est toujours plus réjouissante que celle d’un lieu de culte, pour ce qu’une école recèle de promesses et de progrès. Ce chiffre nous parle aussi de nous, dans un Liban vieillissant où, à moins d’avoir de solides œillères, peu tablent encore sur un futur sûr et serein. Dans notre pays où l’enseignement est une des professions les plus négligées, malgré son importance fondamentale pour l’édification d’un avenir, gageons que notre personnel éducatif prendra bientôt le chemin d’un désert devenu plus accueillant que nos vertes prairies natales. Chez nous, il y a encore assez d’argent pour construire des mosquées et des églises, ou semer ici et là des colosses blanc-sale dégoulinants de fiente pour avertir que tels saint Charbel ou Sainte Vierge pure gypse, moulés maison, ne laisseront pas passer les mécréants. Mais on n’a plus les moyens de construire, ni d’ailleurs de faire fonctionner des établissements scolaires. Nos enfants, on les tue. Pas un mois ne passe sans que les tirs festifs d’un abruti armé d’une mitraillette n’emportent un gamin au hasard. Alexandra, Élias, tués. Drame de la négligence et de la corruption, l’explosion de Beyrouth a figé la démographie sous nos cieux. Voilà bientôt trois ans que bien peu osent encore, ici, fonder une famille. On n’a que trop laissé de chair et de sang à ce pouvoir, régime, système, ou quelque soit le nom courant qu’on lui donne en pensant en réalité à des qualificatifs introuvables pour dire l’horreur et le dégoût que ses suppôts inspirent.

Le peu d’importance accordé à l’éducation transforme cet essentiel en superflu. L’inflation mortifère fait le reste. La famine est bien de retour. De plus en plus de familles sont laissées sur le bord de la route et la vulnérabilité des enfants est inimaginable. Certaines écoles reçoivent des aides pour offrir des repas à leurs élèves. Les jours où, pour une raison ou une autre, ils s’absentent, on sait qu’ils dorment le ventre vide. Quant aux foyers aisés, on y erre en essayant de tromper la solitude. Dans les grands appartements clair-obscur, des portes sont fermées, des chambres maintenues en attente, leur désordre suspendu dans le flottement d’un parfum qui s’efface. Les enfants sont partis. Ils ont eu cette chance que d’autres n’auront peut-être plus dans un monde compétitif jusqu’à la cruauté. Non seulement parce que le niveau de l’éducation, qui caracolait en tête du niveau mondial, n’est plus ce qu’il était, mais parce qu’instruire n’a plus d’importance, alors que la génération précédente était prête à tous les sacrifices pour le graal d’un diplôme.

Corruption et argent rapide sont la nouvelle règle de notre jeu de survie. Gagner au change n’est plus une expression. Au change, certains amassent désormais des fortunes. Les accapareurs font florès. Dire que leurs pratiques étaient naguère considérées si honteuses que l’histoire, par pudeur, les a escamotées des récits de la grande famine. Allez enfin comprendre pourquoi le Liban s’est distingué comme le 4e pays de la région devant Israël, le 28 janvier dernier, parmi les plus grands usagers de ChatGPT, le modèle de langage développé par OpenAI pour générer des textes structurés, informés, voire créatifs ? Sans doute l’atavique curiosité libanaise pour tout nouveau et tout beau. Mais on peut imaginer aussi une opportunité de produire des dissertations sans se fouler, ou écrire des lettres de motivation sans motivation. La langue de bois, les éléments de langage ânonnés à longueur de journée par les invités des talk-shows télévisés sont en train de tuer la possibilité d’un discours autonome. Sans parler d’un changement démographique imminent, avec d’une part l’accroissement des populations immigrantes et la désaffection de la population locale, il demeure que la qualité de l’éducation, pour les deux communautés, est seule garante d’un avenir constructif et pacifié. Le véritable danger est que nous nous en éloignons à grande vitesse.

L’Arabie saoudite s’apprête à ouvrir, cette année, 1 500 écoles. Un chiffre impressionnant, qui nous parle avant tout de l’extrême jeunesse de la population saoudienne et de la vitalité économique de ce royaume. L’ouverture d’une école est toujours plus réjouissante que celle d’un lieu de culte, pour ce qu’une école recèle de promesses et de progrès. Ce chiffre nous...

commentaires (3)

Texte magnifique, et malheureusement si fidèle à la réalité. Madame, vous êtes une grande plume.

AWADA Azzam

08 h 36, le 02 février 2023

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Commentaires (3)

  • Texte magnifique, et malheureusement si fidèle à la réalité. Madame, vous êtes une grande plume.

    AWADA Azzam

    08 h 36, le 02 février 2023

  • tu as tout dis, c'est le debut de la fin de notre pays, il a quand meme fete ses 100 ans, on le laisse mourir agonisant

    Abdallah Barakat

    05 h 29, le 02 février 2023

  • L'horreur est là "Dans notre pays où l’enseignement est une des professions les plus négligées, malgré son importance fondamentale pour l’édification d’un avenir, gageons que notre personnel éducatif prendra bientôt le chemin d’un désert devenu plus accueillant que nos vertes prairies natales. Chez nous, il y a encore assez d’argent pour construire des mosquées et des églises, ou semer ici et là des colosses blanc-sale dégoulinants de fiente pour avertir que tels saint Charbel ou Sainte Vierge pure gypse, moulés maison, ne laisseront pas passer les mécréants. Mais on n’a plus les moyens de construire, ni d’ailleurs de faire fonctionner des établissements scolaires." Merci

    M.E

    00 h 29, le 02 février 2023

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