
Gebran Bassil (droite) et Michel Moawad au Parlement lors de la séance jeudi. Photo Mohammad Yassine
“L’épisode 11 du feuilleton présidentiel n’aura pas provoqué de grands bouleversements. Avec 34 voix pour le principal candidat de l’opposition, le député réformiste de Zghorta Michel Moawad, 37 bulletins blancs et 14 portant l’inscription du « Nouveau Liban », le Parlement n’a pas réussi à élire un président de la République à l’issue de la séance électorale qui s’est tenue jeudi. Les députés du tandem chiite Amal-Hezbollah et leurs alliés se sont, comme les fois précédentes, retirés de l’hémicycle après le premier tour, provoquant un défaut de quorum dans un climat d’exaspération de plus en plus important. La séance a donc été levée et le chef du législatif, Nabih Berry, n'a pas fixé une date pour la prochaine. L’Orient-Le Jour revient sur les trois principales leçons à tirer de cet acte XI.
Sit-in au sein de l’hémicycle
Si de nombreux députés ont exprimé leur agacement de voir l’élection présidentielle s’éterniser ainsi, l’initiative des députés de la contestation Melhem Khalaf et Najate Saliba en a surpris plus d’un. Les deux élus, rejoints par la suite par leurs collègues Firas Hamdane et Cynthia Zarazir, ont en effet décidé de camper à l’intérieur du Parlement afin de pousser le président de la Chambre à organiser une séance électorale ouverte jusqu’à l’élection d’un chef de l’État. « Par respect pour les articles constitutionnels, et pour exprimer mon attachement à la tenue d’une séance électorale de plusieurs tours et sans interruption, j’ai décidé de rester à l’intérieur du Parlement et de n’en sortir qu’une fois cet objectif réalisé », peut-on lire dans une lettre publiée par l’ancien bâtonnier de Beyrouth sur son compte Twitter. Une action qui ne semble pas au goût du maître du perchoir. « Ce genre de bêtises, ça ne marche pas avec moi », a-t-il sèchement rétorqué.
Une réunion a toutefois eu lieu entre les quatre parlementaires et Élias Bou Saab, le vice-président de la Chambre, en présence des trois députés indépendants de Saïda et Jezzine. « M. Bou Saab a assuré que l’administration du Parlement ne les privera pas d’électricité ou d’accès à l’eau et aux toilettes », affirme à L’Orient-Le Jour Abderrahmane Bizri, présent lors de cet entretien. Une rencontre similaire, mais élargie, devrait d’ailleurs avoir lieu demain à midi, selon nos informations.
Les députés affiliés au 17 Octobre ne sont d’ailleurs pas les seuls à avoir exprimé leur exaspération. L’élu joumblattiste de Baabda Hadi Aboulhosn a en effet menacé de suspendre la participation de son groupe parlementaire aux séances électorales tant que « l’impasse » persistera.
Le CPL remet le vote blanc en tête
La séance de jeudi a également été l’occasion pour le vote blanc de récupérer sa position à la tête du podium. Le « candidat » blanc avait été relégué à la deuxième place lors de la dernière séance. Une chute qui s’expliquait par les tensions entre le Courant patriotique libre et son seul allié, le Hezbollah. La stratégie présidentielle adoptée par ce dernier est en effet de rester en terrain neutre le temps qu’un compromis se dessine, du moins au sein du 8 Mars lui-même. Si le tandem chiite Amal-Hezbollah lui préfère le leader des Marada, Sleiman Frangié, le chef du CPL, Gebran Bassil, veut avoir son mot à dire puisqu’il préside un large groupe parlementaire chrétien. Et jusqu’à nouvel ordre, il refuse d’avaliser le choix des autres composantes du 8 Mars en raison de son animosité vis-à-vis du zaïm de Zghorta. À ce différend présidentiel se rajoute la réunion controversée du Conseil des ministres en décembre. Les aounistes n’ont pas pu compter sur le soutien des ministres du Hezbollah pour torpiller la séance – qu’ils jugent non conforme au pacte national car tenue en pleine vacance présidentielle – convoquée par le Premier ministre sortant Nagib Mikati. Résultat, ils avaient choisi de faire passer un message au Hezbollah en sortant du vote neutre.
Mais alors que le Premier ministre sortant a récidivé, tenant un second Conseil des ministres mercredi avec le feu vert du parti de Dieu, le CPL a marqué une volonté de désescalade. Si sept de ses députés ont voté « priorités présidentielles », le reste des élus aounistes a voté blanc, permettant à ce vote de se hisser à la première place. Le Hezbollah avait, lui aussi, fait un pas vers le CPL en limitant la séance gouvernementale tenue mercredi aux questions de l’électricité, et en validant les avances demandées par le ministre de l’Énergie aouniste Walid Fayad. La réconciliation entre les deux alliés est d’autant plus pressante que le chef du parti orange s’est retrouvé complètement isolé. Il avait tendu une main à son rival chrétien Samir Geagea, appelant à un dialogue interchrétien pour se mettre d’accord sur une candidature, mais le chef des FL a coupé court à cette initiative lors d’une entrevue télévisée. « Ils auraient dû voter Moawad », a-t-il martelé. Toutefois, du côté du CPL, on nie tout lien entre les deux dossiers. « Nous proposons aux différents bords politiques le nom de plusieurs candidats, mais déposer le nom de ces derniers dans les urnes reviendrait à les étiqueter politiquement et à miner leurs chances », affirme Rindala Jabbour, une cadre du parti.
Michel Moawad recule en faveur du « Nouveau Liban »
Le vote blanc a également profité du recul de Michel Moawad. Le député de Zghorta, soutenu par la majeure partie de l’opposition, n’a obtenu que 34 voix, son score le plus bas depuis le début de l’échéance électorale à la fin du mois de septembre. Mercredi, lors d’une conférence de presse, le candidat a toutefois affirmé qu’il continuerait sa campagne présidentielle jusqu’au bout, à moins qu’une candidature souverainiste ayant plus de chances que la sienne n’émerge. « La soumission ne conduira qu’à plus d’effondrement des institutions de l’État », avait-il martelé.
Son revers est cependant à relativiser, puisque la candidature du jeune député pâtit de l’absence de deux députés Forces libanaises (Pierre Bou Assi et Chawki Daccache), de deux parlementaires issus du Parti socialiste progressiste (Taymour Joumblatt et Akram Chehayeb) et de l’annulation de deux bulletins (de Najate Saliba et Mark Daou) portant son nom mais faisant également référence à la double explosion au port de Beyrouth. « La candidature de Michel Moawad est toujours d’actualité, mais la séance d’aujourd’hui était surtout dédiée aux victimes du 4 août », affirme à L’Orient-Le Jour Razi el-Hajj, député FL. Ce scrutin intervient en effet après l’arrestation par la Sécurité de l’État du militant William Noun, frère du pompier Joe Noun, une des victimes de la tragédie.
Le fils de l’ancien président assassiné René Moawad peut donc compter sur le soutien d’une quarantaine de parlementaires, principalement issus des FL (19 députés), du Parti socialiste progressiste (8), des Kataëb (4), de son bloc du Renouveau (4) ainsi que de quelques députés réformistes ou affiliés à la contestation. Un recul par rapport à la dernière séance, quand il pouvait compter sur le vote de 45 élus. « Ce n’est plus une bataille de chiffres, mais véritablement une bataille politique que nous menons. Nous allons carrément cesser de compter », précise le député Adib Abdel Massih, proche de M. Moawad.
La chute de ce dernier s’explique par la perte de quelques élus indépendants et modérés, qui ont préféré cette fois-ci voter pour le « Nouveau Liban », aux côtés des anciens haririens, principalement sunnites. Ce camp compte désormais 14 voix, contre seulement six lors de la dernière séance à la mi-décembre. Une progression fulgurante, qui s’explique aussi par la présence de tous les élus de ce groupe lors du vote. « “Le Nouveau Liban” est le plus grand gagnant de cette séance », s’est exprimé M. Bizri, l’un des parrains de cette stratégie électorale. « L’amélioration de notre score est une bonne nouvelle, puisque cela nous permet d’élargir l’espace centriste et le dialogue afin de parvenir à l’élection d’un président pour tous les Libanais », abonde-t-il.
De sources parlementaires, on apprend que le député du Kesrouan Neemat Frem ferait parti de ceux qui ont déserté le camp de Michel Moawad en faveur du camp centriste. Connu pour ses ambitions présidentielles, M. Frem avait multiplié les rencontres politiques au cours des dernières semaines, s’entretenant notamment avec le chef des FL, Samir Geagea. L’opposition va-t-elle vers plus de divisions ?
“L’épisode 11 du feuilleton présidentiel n’aura pas provoqué de grands bouleversements. Avec 34 voix pour le principal candidat de l’opposition, le député réformiste de Zghorta Michel Moawad, 37 bulletins blancs et 14 portant l’inscription du « Nouveau Liban », le Parlement n’a pas réussi à élire un président de la République à l’issue de la séance électorale qui...
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Trois leçons: 1- bande d'incapables 2- bande de saboteurs 3- bande d'assassins de l'état
Wlek Sanferlou
15 h 42, le 20 janvier 2023