Le clin d'œil

Place Sassine, Place des victoires

Place Sassine, Place des victoires

D.R.

C’est un lieu de la ville à nul autre pareil. Hissé sur un immeuble central, un portrait géant du « Bach », comme on appelle ici Bachir Gemayel, rappelle, à qui aurait tendance à l’oublier, ce héros des heures de gloire passées. Une statue de Saint-Charbel, qu’on affuble ou pas du drapeau du Cèdre suivant la gravité de la « situation » et une immense Vierge toute blanche, huée par tous les esthètes de la ville, complètent le tableau des protecteurs « au ciel et sur la terre » des habitants du coin apeurés-mais-courageux.

Dans le café iconique de la Place au décor inchangé, des sexagénaires, ex-baroudeurs sur le retour, se souviennent du temps de la guerre, presque comme de jours heureux. D’ailleurs, le café jouxte le mémorial en pierre du Président assassiné qu’on fleurit chaque année le 14 septembre. C’est là que la foule des fidèles se rassemble pour rejoindre la chapelle de la Médaille miraculeuse toute proche pour la messe annuelle du souvenir.

Pour autant, le lieu n’a rien de solennel ou de grandiose. Au milieu des klaxons des chauffeurs de taxis excédés qui tentent de braver le feu rouge de la Place et des appels assortis de souhaits/imprécations des mendiantes flanquées de multiples gosses dépenaillés, les piétons se fraient péniblement un passage pour essayer d’accomplir, tant bien que mal, les mystérieuses tâches que l’Administration libanaise leur impose.

Mais la Place n’est pas l’apanage des gens pressés. On y rencontre, assis sur les bancs et quelque peu hébétés, des gens aux vêtements rigides, qui semblent être nés ici. Les bancs publics, on le sait, ce n’est pas dans la culture de notre pays et personne n’aurait l’idée de s’y asseoir. Aussi, les piétons, quand ils les côtoient, leur lancent-ils un regard furtif, comme embarrassé.

Plus loin, des hommes mûrs au verbe haut jouent au trictrac tout en se plaignant de la folle cherté des prix et en fustigeant l’État, les partis, le gouvernement, l’Amérique, le plan Kissinger(!), les riches, bref tout le monde…

Mais quand le soleil se lève inondant de lumière la Place désordonnée et qu’un joueur d’accordéon qui ne demande jamais de sous, installé près de son ami le cireur de chaussures, se met à jouer « Sous le ciel de Paris », on se prend à rêver et à l’aimer, notre Place Sassine.

Place des victoires et de toutes les défaites…

C’est un lieu de la ville à nul autre pareil. Hissé sur un immeuble central, un portrait géant du « Bach », comme on appelle ici Bachir Gemayel, rappelle, à qui aurait tendance à l’oublier, ce héros des heures de gloire passées. Une statue de Saint-Charbel, qu’on affuble ou pas du drapeau du Cèdre suivant la gravité de la « situation » et une immense Vierge toute...

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Oui, on l’aime la place Sassine, ce cœur battant d’Achrafieh. Avec sa circulation automobile diabolique, ces immeubles moches, ses symboles religieux ringards, ses rues qui se croisent avant d’être happées par les pentes qui cernent cette place mythique. Et mythique, il l’est, l’immuable Chase. Ce Chase qui a survécu, derrière des murs de sacs de sable, aux heures les plus sombres et qui survit aux troquets « tendance » qui tentent de trouver leur place sur la Place sans jamais ébranler ce dinosaure.

Marionet

08 h 54, le 06 janvier 2023

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Commentaires (1)

  • Oui, on l’aime la place Sassine, ce cœur battant d’Achrafieh. Avec sa circulation automobile diabolique, ces immeubles moches, ses symboles religieux ringards, ses rues qui se croisent avant d’être happées par les pentes qui cernent cette place mythique. Et mythique, il l’est, l’immuable Chase. Ce Chase qui a survécu, derrière des murs de sacs de sable, aux heures les plus sombres et qui survit aux troquets « tendance » qui tentent de trouver leur place sur la Place sans jamais ébranler ce dinosaure.

    Marionet

    08 h 54, le 06 janvier 2023

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