Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

« L’injustice tu combattras »

L’injustice est un mot qui se présente d’emblée en opposition avec son contraire, la justice. Et plutôt que de rester dans le réactionnel, l’amertume, la colère, peut-être que l’injustice nous informe d’un chemin à parcourir, du travail à accomplir, qui serait d’apprendre à rechercher et à valoriser ce qui est juste.

De tout temps, en tout lieu, il y a eu des injustices mobilisatrices tenant des forces de combat, des rébellions salutaires qui ont permis des avancées, et des progrès indéniables pour l’humanité en matière des droits et des devoirs.

Tout semble se passer, dans le vaste monde, comme si notre besoin de justice était en même temps combattu avec acharnement par des désirs d’injustice ou de vengeance de la part de ceux qui nous entourent et parfois aussi de nous-mêmes.

Parmi nos besoins relationnels fondamentaux, il y a bien sûr, chez chaque être humain, une aspiration profonde à la justice, à l’équité. Cette aspiration et ce mouvement ont de multiples visages. Ils peuvent incarner une exigence de réparation face à une spoliation, face à un préjudice, des sévices ou une violence reçus. Et dans ce cas, s’y associe une demande implicite, celle d’être reconnu avec une valeur et une identité propres.

Le besoin de justice peut représenter aussi une aspiration à une meilleure répartition des ressources ou des richesses, comme une demande légitime à l’accès à l’éducation ou à la santé. Il peut témoigner d’une éthique, d’une tolérance envers des croyances, des religions, ou des positionnements de vie qui peuvent être différents des nôtres.

L’injustice fait figure d’indicatrice, elle est la manifestation visible de ce qui ne va pas, de ce qui est outragé, détraqué et inique à un niveau profond et durable. Le sentiment d’injustice est semblable à un tâtonnement pour accéder à un nouvel état de conscience, à un éveil, peut-être, pour un niveau plus élevé de lucidité.

Incompréhensible ou maladroite lorsqu’elle est interprétée au seul regard de nos catégories morales du bien et du mal, elle nous informe de l’exigence de dépassement qui nous est assignée. Elle nous invite à sortir des positions rigides de certains de nos actes quand ils sont inspirés par la seule bonne conscience, les seuls bons sentiments et la seule intention de bien faire.

L’injustice est alors ressentie, au-delà de la violence qu’elle provoque, comme un appel. Il s’agit d’un mouvement vers une connaissance à laquelle on ne peut que s’ouvrir ou se fermer.

« N’est juste que celui qui fait en allant de l’autre côté de lui-même », nous dit Annick de Souzenelle. Aller de l’autre côté de soi, c’est se détourner de l’extérieur pour retourner vers son intériorité en transformant l’inaccompli en plus d’accompli, l’inconscient en plus de conscient. Dans l’ordre du réel, les attitudes justes se nourrissent à la fois de rigueur, de dureté, de fermeté, d’exigence, mais aussi de miséricorde, de souplesse, de douceur, de bonté et de tendresse. En l’absence de ces références intérieures et intériorisées, la justice des hommes, coupée de ses sources qui pourraient l’orienter vers la justesse, est condamnée à rester enfermée dans les références et les catégories de la morale à base de sanction, de répression, de faute, de culpabilisation et de jugements de valeur.

Et, en cela même, c’est ce qui arrive parfois à la justice : elle peut sécréter de l’injustice !

L’injustice est une des cinq grandes blessures de l’enfance que nous allons porter parfois très longtemps en nous. Avec l’abandon, l’humiliation, la trahison et l’impuissance, l’injustice, quand elle est répétée, donne à celui qui la vit le sentiment d’être nié, d’être sans influence ni valeur, d’être sans existence propre.

La gamme des injustices qui sévissent de par l’univers est d’une richesse infinie. Si nous faisons le tour du monde des injustices les plus manifestes, nous allons rencontrer la famine, la misère, la maladie, le génocide, autant de phénomènes brutaux injustement répartis sur cette planète. Nous allons côtoyer la guerre aveugle et sans âme, la corruption malsaine, la torture impitoyable, les disparitions programmées. Nous allons aussi découvrir des injustices plus voilées, plus secrètes, plus intimes et d’autant plus redoutables qu’elles sont cautionnées par le plus grand nombre : celle de l’enfant qui se sent moins aimé que ses frères ou ses sœurs, celle de l’infirme porteur d’une maladie génétique, celle d’un enfant mutilé à jamais par une mine antipersonnel ou tué psychologiquement par la violence d’un abus sexuel, celle du travailleur mis en chômage, celle de la femme sous-payée, et la liste à établir serait trop longue.

L’injustice, chaque fois, blesse le corps, l’esprit et quelque chose de plus fragile encore, l’espoir.

Combien d’êtres humains se trouvent pris dans un rapport de force qui les broie, qui les chosifie ?

Nous vivons dans une grande ambivalence. D’où la nécessité de rappeler ce commandement à ajouter aux dix autres : « L’injustice tu combattras. » Et tu la combattras non par la violence, mais par le témoignage, l’affirmation de soi, l’engagement et la responsabilisation. Ayons le souci d’ajouter : « L’injustice tu n’entretiendras pas. »

Lutter contre l’injustice, c’est nourrir la sève de la vie, c’est l’irriguer d’un début de tendresse, c’est œuvrer pour un monde meilleur, c’est accéder au plaisir d’être heureux en offrant une autre qualité de vie à ceux qui sont les plus démunis.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique Courrier n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, L’Orient-Le Jour offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires ni injurieux ni racistes.

L’injustice est un mot qui se présente d’emblée en opposition avec son contraire, la justice. Et plutôt que de rester dans le réactionnel, l’amertume, la colère, peut-être que l’injustice nous informe d’un chemin à parcourir, du travail à accomplir, qui serait d’apprendre à rechercher et à valoriser ce qui est juste.De tout temps, en tout lieu, il y a eu des injustices...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut