Il fut un temps où les étrangers de passage dans notre cher pays étaient éblouis – voire même quelque peu estomaqués, il faut le dire – par les femmes libanaises. Les ongles faits, de préférence en rouge carmin, les lèvres gonflées peintes, la poitrine en obus et la chevelure blonde opulente subtilement mêlée d’un savant « balayage » mordoré, elles se déhanchaient en marchant dans des pantalons serrés à en rendre l’âme ou dans des jupes si courtes qu’un abbé en perdrait son latin…
Les magazines Frivolités et Futilités se disputaient le privilège de les prendre en photo au cours des innombrables brunches, dîners, bals et soirées dites « de charité » d’alors, habillées de tenues de grands couturiers (dont le nom était innocemment chuchoté à l’oreille de la « commère » du magazine qui s’empressait de le relayer à ses lecteurs, avides de name dropping). Strass, velours, mousseline, dentelle, bijoux étincelants, chaussures à talons vertigineux et sacs de marque s’employaient à embellir des femmes du monde qui auraient préféré mourir plutôt que de porter une robe deux fois.
Hélas, les temps ont bien changé et un rideau de fer sinistre s’est abattu sur nos malheureuses bimbos, leur ôtant jusqu’à l’envie du glamour. Sous l’action conjuguée de l’épidémie de la Covid-19 qui a mis fin à toutes les mondanités, bloquant les ex-déesses de la nuit chez elles, devant leur télé, en peignoir avachi et charentaises et de la crise financière qui leur a pris tous leurs sous, les condamnant à une vie de nonnes carmélites, elles ont dû renoncer aussi à tous les soins de beauté, mettant ainsi au chômage coiffeurs et esthéticiennes.
C’est ainsi qu’au cours d’une conférence universitaire de haut vol à laquelle vous avez assisté la semaine dernière à Beyrouth, vous avez eu la désagréable surprise de constater que ces chères bimbos s’étaient carrément transformées en militantes du MeToo. Ongles nus au carré, chevelure frisée hirsute grisâtre ou carrément blanche, peau blafarde, vêtements marronnasses informes et bottines d’ouvrier du bâtiment, elles ont toutes l’air d’être en route pour servir la soupe aux SDF dans les locaux des Restos du Cœur.
Ah mes chères bimbos, avec votre bling-bling et votre « too much », comme vous me manquez !
Pourvu qu’aucun « voyageur étranger » ne songe à nous visiter avant la fin de la crise !