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Nos Lecteurs ont la Parole

Pépites d’une expatriée : le Liban... impossible utopie !

En 1944, le ministère de la Défense américain commence à envisager la défaite du Japon et son occupation. Cependant les ressorts de la société japonaise et les mentalités qui animent les Japonais sont grandement inconnus des responsables américains. Un rapport à ce sujet est alors demandé à une célèbre anthropologue américaine, Ruth Benedict. Celle-ci publiera ses conclusions dans un livre Le chrysanthème et le sabre où elle reprend la distinction anthropologique des sociétés humaines entre sociétés de la « honte-honneur » et les sociétés de la « culpabilité ».

Pour faire simple, dans les premières les individus agissent en fonction du regard que le reste de la société porte sur leurs actions, dans les secondes les individus agissent en fonction de leur conscience et non du jugement d’autrui. Les sociétés de culture où la « honte-honneur » prévalent sont souvent des sociétés totalitaires où l’individu est soumis à une obéissance aveugle à un chef, une idéologie ou une mafia. Le destin collectif passe avant l’intérêt personnel.

Les sociétés de la « culpabilité » sont associées à des cultures où les individus sont libres du choix de leurs actions. Ces sociétés s’adossent le plus souvent sur une éthique judéo-chrétienne.

Le Japon d’alors était une société de la « honte-honneur », ce que l’on retrouve à travers l’histoire des kamikazes ou la tradition du hara-kiri et le symbole des deux forces de cette société, le chrysanthème pour l’empereur et le sabre pour les samouraïs. De leur côté, les États-Unis sont le représentant d’une société de la culpabilité où l’action est commandée par le « bien » tel qu’il est pensé par la culture judéo-chrétienne.

Les valeurs de ces deux modèles sont incompatibles et l’entente entre celles-ci ne peut se faire qu’avec du temps et une approche pragmatique qui respectent les valeurs des uns et des autres.

Ainsi, Ruth Benedict avait convaincu le général McArthur, vainqueur de la guerre, de maintenir l’empereur du Japon sur son trône. Cette concession à l’ethos japonais a permis à ce pays d’évoluer sans heurt.

Cette distinction entre les cultures appliquées au tissu complexe de la société libanaise peut expliquer pourquoi le Liban est une utopie irréalisable.

Les individus de la société libanaise appartiennent à deux grandes cultures : d’un côté une société (chrétienne) de type « culpabilité », de l’autre une société (musulmane) de type « honte-honneur ». Ainsi la structure même de cette société porte en elle un conflit qui ne peut se résoudre que dans une utopie qui n’a pas à ce jour réussi à se construire.

Une strate supplémentaire vient rendre le modèle de la société libanaise plus compliqué, c’est l’appartenance d’une partie de cette société au monde arabe, également de type « honte-honneur ».

Si la société musulmane, indépendamment de ses querelles internes, s’accommode fort bien de cet aspect qu’elle partage avec l’« arabité », il n’en est pas de même de la société chrétienne où seule une partie se pense « arabe » sans percevoir le conflit que cette double identité génère.

C’est ainsi que Michel Aflak « invitait les Arabes chrétiens à s’ouvrir à l’islam en tant qu’élément de leur héritage national et culturel ». Il invitait les chrétiens à « s’attacher à l’islam comme à l’élément le plus précieux de leur arabité ». Il ne donnait aucune possibilité aux chrétiens de vivre selon leur propre nature. Le conflit était tranché au prix de l’abandon par les chrétiens de leur identité.

Pour devenir une société apaisée et prospère où les deux pôles « culpabilité » et « honte-honneur » cohabitent en harmonie, il faut beaucoup de patience, de bonne volonté et avoir envie de construire ensemble une société égalitaire sans recours aux armes ou à la menace.

L’utopie n’est pas pour demain !

Loin du Liban, les choses apparaissent plus claires. Je n’aurais pas été capable d’une telle réflexion lorsque j’étais au Liban. L’envie de croire en l’utopie me brouillait sûrement la

vue !

Fabienne ATALLAH KANAAN

Chypre

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En 1944, le ministère de la Défense américain commence à envisager la défaite du Japon et son occupation. Cependant les ressorts de la société japonaise et les mentalités qui animent les Japonais sont grandement inconnus des responsables américains. Un rapport à ce sujet est alors demandé à une célèbre anthropologue américaine, Ruth Benedict. Celle-ci publiera ses conclusions dans...

commentaires (1)

une perspective brillante. merci

SATURNE

16 h 10, le 18 novembre 2022

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Commentaires (1)

  • une perspective brillante. merci

    SATURNE

    16 h 10, le 18 novembre 2022

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