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Culture - Entretien

Les bandes (très) originales d’Erik Truffaz

Le célèbre trompettiste débarque à Beyrouth la semaine prochaine pour un concert au MusicHall/Liban Jazz le 23 novembre, où il revisitera avec son quartet les plus belles musiques du cinéma français à travers des partitions de Miles Davis, Michel Magne, Ennio Morricone, Philippe Sarde et même Serge Gainsbourg.

Les bandes (très) originales d’Erik Truffaz

Erik Truffaz, un artiste à la musique « globe-trotteuse ». Photo DR

Souvent comparé à Miles Davis, Erik Truffaz est sans aucun doute l’un des trompettistes les plus doués de sa génération. Avec un style unique favorisé par son goût pour la découverte et les fusions des genres musicaux, il parcourt le monde à la recherche de sonorités nouvelles. De ses périples en Inde, il est revenu avec son Indian Project ; de ses randonnées en Amérique de Sud, il a puisé l’inspiration de son album Mexico ; et du Moyen-Orient nous retiendrons son génial Baalbeck... Pour son nouveau projet, intitulé French Touch, il revisite avec son quartet les plus grandes musiques de films de l’âge d’or du cinéma français : le Casse d’Henri Verneuil avec Jean-Paul Belmondo, l’Aventure c’est l’aventure de Claude Lelouch, les Choses de la vie de Claude Sautet avec Romy Schneider ou encore le Cercle rouge de Jean-Pierre Melville, Requiem pour un con et d’autre compositions de Serge Gainsbourg pour le cinéma… Un répertoire où le public libanais reconnaîtra tous les airs des films qui l’ont fait rêver, rire ou pleurer.

Artiste prolifique, au succès planétaire, vous êtes aussi une personnalité singulière dans le milieu de la musique parce que votre discrétion n’a d’égal que votre succès… Vous êtes souvent inspiré par les voyages que vous entreprenez, mais cette fois-ci, c’est pour un voyage dans l’histoire du cinéma que vous avez réuni votre célèbre quartet. Comment vous est venue l’idée de revisiter les grands films qui nous ont tous marqués ou plutôt les grandes musiques de films ?

Ma première relation au cinéma date de l’enfance. J’ai été pour la première fois au cinéma à l’âge de 9 ans pour voir le Livre de la jungle et n’ayant pas de télévision à la maison, je me souviens que voir les images en grand et le son si fort ça a été une claque incroyable… Nos enfants ne peuvent pas connaître une pareille expérience puisqu’ils sont exposés aux images (toutes petites !) sur des téléphones, dès leur plus jeune âge. Depuis, le cinéma m’a accompagné dans ma vie sentimentale, professionnelle et n’a jamais cessé de me faire rêver.

Quel est le premier film dont vous avez eu envie de visiter la musique ?

Ascenseur pour l’échafaud (de Louis Malle, dont la bande originale est composée par Miles Davis, NDLR).

Erik Truffaz : « Le cinéma m’a accompagné dans ma vie sentimentale, professionnelle et n’a jamais cessé de me faire rêver. » Photo DR

Justement, vous êtes très souvent comparé à Miles Davis dans la presse… C’est quelque chose qui revient très souvent. Comment se prépare-t-on à jouer la musique du mythique trompettiste américain ?

J’ai été tout de suite sûr de mon coup. Je savais que je ne ferais absolument pas du Miles en jouant ce titre. D’ailleurs, c’est intéressant de savoir que je peux avoir plein d’espaces communs avec Miles Davis en jouant et surtout en utilisant les silences, mais que j’ai un son propre et différent du sien. Et le titre que nous jouons reprend l’air composé par Miles Davis, mais n’a rien à voir avec la musique du film. En revanche, les choses se sont passées aussi spontanément que l’enregistrement de Miles Davis pour le film puisque Miles entre en studio, on lui projette les images et il interprète la musique qu’il avait imaginée avec son groupe en une prise unique et c’est dans la boîte. Ici, les choses se sont passées avec autant d’évidence, quelques indications de rythmes et d’ambiance aux musiciens et on a joué le titre d’une traite.

« César et Rosalie ». Pouvez-vous nous en dire plus sur ce choix ?

Marcello Giuliani avec qui je collabore depuis plus de 30 ans, a composé le titre Yuri’s Choice. Après la sortie du titre, il s’est rendu compte qu’il avait été inspiré inconsciemment par l’arpège magnifique de la musique de César et Rosalie. Donc on jouait ce titre depuis plus de 10 ans sans vraiment le savoir… On a fini par la jouer vraiment sur ce projet ! Parfois, on ne sait pas d’où nous vient un titre ou un air. On a bouclé la boucle maintenant.

Il est rare d’avoir des musiques à la hauteur des films ou à l’inverse des films à la hauteur de leur musique. Comment avez-vous sélectionné les titres que le groupe joue sur le disque et sur scène ?

À part pour Ascenseur pour l’échafaud, ce que vous dites est assez vrai. J’ai choisi des musiques avant de choisir des films. C’est le cas par exemple de Fantômas qui n’est pas un grand film mais dont la musique est extraordinaire. Pour les Tontons flingueurs qui est un film culte, je pense qu’on a fait une musique meilleure que celle du film. Là, il nous a fallu beaucoup d’imagination pour interpréter cet air de musique et lui donner vie autrement.

Vous jouez « Requiem pour un con » de Serge Gainsbourg qui a énormément composé pour le cinéma. Ce titre est culte. Il est joué pour le film « le Pacha » mais aussi dans une scène sublime du film qui se passe en studio avec Serge Gainsbourg. Pourquoi avoir orienté votre choix sur ce titre plutôt que sur « Je t’aime moi non plus » par exemple qui est plus connu ?

Ça nous est venu pendant l’enregistrement. Un des musiciens a chantonné l’air et on a « jammé » sur cette musique en lui donnant un son très rock. Le titre qu’on a joué a duré plus de 20 minutes et on a coupé pour en faire un titre assez loin du riff essentiel du titre de Gainsbourg. C’est le thème qui nous a intéressés. Je suis très fier du résultat sur ce titre.

« Le Cercle rouge » de Melville avec Delon, Montand et Bourvil qui sont tous les 3 extraordinaires dans ce film. Pourquoi ce choix ? Pour le film ou pour la musique ?

Avant tout, c’est un des plus beaux films du cinéma français. Mais aussi il se trouve que je suis très ami avec le compositeur de la musique du film : Éric Demarsan. Pour ce film, j’ai donc eu la partition, et c’est le seul titre de l’album où la partition m’a servi et qu’on a le plus travaillé. C’est une musique avec beaucoup d’harmonies et nous avons dû trouver une sortie à toutes ces harmonies. Notre version est plus hip-hop. Nous avons gardé la mélodie et éclaté tout le reste !

Vous sortez d’une grande tournée mondiale pour célébrer les 20 ans de « Bending New Corner », l’un des albums les plus vendus du jazz contemporain. Est-ce-que vous jouerez certains titres de cet album devenu culte à Beyrouth ?

Bien sûr, on ne peut pas s’en empêcher. On joue des titres de pratiquement tous nos albums sur scène.

Pour conclure, la question classique et incontournable : pour vous qui aimez profondément le Liban où vous avez joué de nombreuses fois depuis le Festival de Byblos en 2004, quel effet cela vous fait-il de jouer ici ?

J’éprouve une amitié sincère pour le Liban et pour Karim (Ghattas, NDLR), le directeur de Liban Jazz qui organise nos concerts depuis longtemps et avec qui nous avons réalisé beaucoup de choses. En prenant des nouvelles de lui un jour au téléphone, je lui ai dit qu’il pouvait compter sur moi… Et nous voilà de retour. J’aime jouer au Liban, je me sens proche des gens. C’est à chaque fois une expérience unique et ça nous encourage à donner toujours davantage sur scène.

Erik Truffaz Quartet au Music Hall le 23 novembre à 20h (ouverture des portes à 19h), un concert organisé par Liban Jazz et Eléftériadès, présenté par Arthaus en collaboration avec l’Institut français du Liban. Billets disponibles à la librarie Antoine et sur www.antoineticketing.com

Souvent comparé à Miles Davis, Erik Truffaz est sans aucun doute l’un des trompettistes les plus doués de sa génération. Avec un style unique favorisé par son goût pour la découverte et les fusions des genres musicaux, il parcourt le monde à la recherche de sonorités nouvelles. De ses périples en Inde, il est revenu avec son Indian Project ; de ses randonnées en Amérique...

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